Au fil de l’eau, carnet n°28 – Juillet/août 2025  

LA BALADE PACIFIQUE DE SOA – PANAMA – GALAPAGOS

« Il suffit d’écouter le chant grave de ces océans sauvages pour comprendre les lois de la vie. On sublime alors son voyage et on accède à la véritable dimension des choses, pour un navigateur c’est là-bas. » Bernard Moitessier – La longue route.

TRAVERSÉE LAS PERLAS (PANAMA) VERS LOS GALAPAGOS (ÉQUATEUR)

850 milles en trace directe. Nous comptons neuf à dix jours avec les suppléments.

Vendredi 8 août 2025 – Pacifique / Traversée Panama – Galapagos / Jour 1

07h – Après une nuit éminemment calme, le réveil nous rappelle à l’ordre. Si l’on veut ne pas partir trop tard, il faut s’y remettre sans plus attendre.

Le soleil est au rendez-vous. Derrière nous, la marée basse découvre très largement la plage.

Ce départ tout proche, attendu et rêvé depuis si longtemps, nous gonfle le cœur. Une sorte d’excitation contenue et néanmoins très présente. Nous reprenons le (vrai) voyage… naviguer pour rejoindre une terre inconnue de nous. Magique.

L’échange que j’ai eu ce matin avec Robert, mon oncle et quasi frère, m’a fait me remémorer le comment ce désir de mer, de voyage, de découverte, m’est venu. La rencontre avec la Bretagne Sud, grâce à mon premier bateau, Herpès, en sa compagnie parfois, m’a beaucoup marqué : Belle-Ile, Houat, Hoëdic, Groix, les Glénan, le golfe du Morbihan, la rivière d’Auray, Vannes, Redon, Lorient et son festival… Autant de promesses, de beautés, de richesses, de rencontres. Et puis, cette vie simple en bateau : se déplacer, manger, dormir, profiter, être seul et ensemble à la fois…

10h30 – Le moteur est lancé, nous relevons l’ancre. Le vent qui devait être levé tôt, dort encore. Consolation, il fait beau et la mer est belle.

11h – C’est l’heure à laquelle nous ferons le point quotidien de notre cheminement.

Nous nous retenons pour ne pas dévorer le pain tout juste sorti du four (confection par Cécile la boulangère).

14h – Le hachi parmentier et l’ananas à peine terminés, nous avons juste le temps de prendre le café. Le vent est sorti de sa léthargie, c’est le moment de dérouler les voiles. Jusqu’à 16h30 nous aurons 10 à 12 nœuds ce qui nous permet de progresser autour de 5 nœuds et ce, pile poil dans la direction du point de passage que nous avons déterminé pour demain (235°).

15h – Visite de dauphins agrémenté d’un bond hors de l’eau magistral.

Nous prévoyons une dizaine de jours pour couvrir la distance qui nous sépare des Galapagos. En lieu et place des 850 milles de la trace directe (orthodromique), nous pensons parcourir 950 voire 1000 milles du fait des « bords » que nous devrions avoir à tirer. À suivre…

J’amène le pavillon de courtoisie (et non pas de complaisance, bien que) du Panama. Nous l’arborions depuis mai dernier.

Après celles du matin, baleines du soir.

18h – Nous franchissons le rail des cargos qui mène au canal de Panama. Chargé de containers, un gros Maersk de 220m (marque d’un transporteur), nous passe sous le nez. Les cargos sont prioritaires dans les rails. Il faut dire que nous l’avions à l’œil.

Pour son coucher, le soleil nous gratifie de superbes couleurs. À son opposé, la lune est déjà visible.

Et pour le diner, que diriez-vous d’une petite soupe de légumes, croutons compris, puis d’un yaourt maison ?

Cécile fait le premier quart. Je dors, par habitude et parce que je m’y trouve bien, dans la cabine avant. Lorsque la gite n’est pas trop prononcée, je me couche en travers du lit, à la perpendiculaire de la marche du bateau. Du côté du pied du lit, nous avons, de chaque côté du matelas (140 comme à la maison), des mousses supplémentaires qui nous font disposer d’un espace de 2,20m. Pour s’endormir, rien de tel que le délicieux gargouillement que fait l’eau qui s’écoule le long de la coque. Une fluidité et une sonorité variables qui, en plus, permet d’apprécier notre vitesse. 

22h45 – Soa mène grand train.

23h15 – Le vent tourne et baisse brusquement. Approche de la terre (pointe sud-ouest de Panama) ? Je règle le pilote en mode régulateur d’allure avec de la marge, 40° par rapport au vent.  Nous sommes passés de 7/8 nœuds à 4 et d’un cap au 230° à 195°. Bel écart !

Samedi 9 août 2025 – Pacifique / Traversée Panama – Galapagos / Jour 2

Nous faisons des quarts de trois heures. Durant le mien, celui de 2 à 5 heures, j’ai rentré du génois afin de ralentir et de rester à distance d’un énorme secteur convectif (zone orageuse très active) situé sur bâbord, très en avant de nous. Mieux vaut être prudent avec ce genre de bestiole dont les développements sont difficiles à anticiper.

06h – La lune qui nous a accompagnés toute la nuit, se couche dans un splendide écrin de bleus. La mer et le ciel sont à l’unisson. Dans une quasi simultanéité et un contraste saisissant, le soleil pointe ses premiers rayons. La nuit n’aura pas été noire, le jour explose.

07h30 – Moteur, et nous ne sommes pas au cinéma.

08h – Je réceptionne le routage de Didier pour les deux jours à venir. Le point de passage qu’il nous donne (Waypoint) se situe quasi plein Sud à 180 milles. Nous regarderons cela dès que Cécile sera levée.

Starlink vient de couper. Nous étant éloignés de la terre, notre forfait panaméen est désormais caduc.  À ce moment, Internet ne nous est donc plus accessible. Nous bidouillons un moment, enfin, Cécile bidouille un moment, pour trouver comment activer le « Mode Océan » ou « Mode maritime ». Pour cela, il faut dans un premier temps passer du mode « Itinérance » (simple) au mode « Itinérance illimitée. » Ce mode correspondant à une facturation hauturière pour la « modique » somme de 2,14 $ pour 1 Go, en sus du prix du forfait « Itinérance illimitée » (100 $ pour les Galapagos). Tout finit par rentrer dans l’ordre. C’est la première fois que nous effectuions cette manœuvre. Nous pourrons ainsi, rester en contact. Et donc : Itinérance ð Itinérance illimitée ð activer le Mode Océan.

11h – 24h de navigation – 06°45.9 N 80°21.4 – 129 milles parcourus – 7h de moteur

Juste bouclées ces premières 24 heures de navigation, quelques risées nous font couper le moteur et rétablir le génois (la grand-voile était restée en place). Au près, le cap est à 30° de ce que nous pensions faire. Notre vitesse est phénoménale, 2,5 nœuds pour 5 nœuds de vent. Mais bon, on ne va pas faire du moteur en continu.

Le ciel s’est largement assombri, les orages nous guettent encore. Arrière bâbord cette fois.

12h – J’ai faim !!! Avocat, hachi Parmentier, ananas/mangue, café/Spéculos.

14h30 – Après quelques milles à la voile, le vent tombe de nouveau. Moteur encore.

La mer est belle tandis que le ciel est d’un gris plus ou moins foncé. Le radar nous permet de repérer les foyers orageux. Nous en visualisons plusieurs autour de nous avec des pluies, semble-t-il, abondantes à certains endroits.

À une exception près, les routages proposés par Predict Wind convergent vers le point que nous a également indiqué Didier. Pour mémoire, la « route » est la trace directe entre l’endroit où le bateau se trouve et celui que l’on veut atteindre. Je suis là, je vais là-bas. Le « routage », lui, se targue, au vu, notamment, de la vitesse du bateau aux différentes allures, de sa capacité à remonter au près, des vents et des courants, de prévoir le meilleur chemin pour se rendre au point d’arrivée. Exemple concret, de l’endroit où nous sommes, nous devrions faire cap au 235° pour arriver directement aux Galapagos. Les routages que nous avons réalisés, nous préconisent de rejoindre un point de bascule situé au 195° avant de pointer l’étrave de Soa sur les Galapagos eux- mêmes. Toute la différence est là.

Le marais barométrique dans lequel nous nous trouvons, rend les vents très capricieux. C’est le propre de la ZIC, la zone intertropicale de convergence (ou pot au noir) qui se situe autour de l’équateur (nous sommes à seulement 6° au Nord de l’équateur – environ 665 km). Les vents soufflent ou pas, fort ou pas, dans une direction ou une autre. Toujours imprévisibles. Compte tenu de cela à un instant « T », il peut être tentant de se dire qu’on ferait mieux de suivre une autre route que celle envisagée. Méfiance néanmoins, d’autant plus lorsque la totalité des modèles (moins un, ici), font la même analyse et proposent des routes quasi identiques.

Pour l’heure, nous sommes de nouveau à la voile. Autour de 4/5 nœuds avec un vent à 7/8. Bravo Soa, pourtant chargé comme il ne l’a jamais été (15 tonnes au moins) !

Je viens de terminer le livre de Joël Dicker, La vérité sur l’affaire Harry Quebert. Un polar de 868 pages aux multiples rebondissements. Haletant. Un film dirigé par Jean-Jacques Annaud en a été tiré en 2017. De son côté, Cécile se passionne par L’amant de Patagonie d’Isabelle Autissier, navigatrice rochelaise.

Un couple d’hirondelles nous rend visite. Par deux fois, l’une d’entre elles vient se poser à l’intérieur du cockpit. Elles repartiront très discrètement.

Bientôt dix-neuf heures. Je viens de faire un bon pour observer et photographier le ciel. Une longue estafilade rouge vif qui court au-dessus de l’océan. Derniers feux solaires. Aussi fugace qu’extraordinaires.

Cécile qui a fait cuire des poivrons avant-hier, prépare une pizza.

19h11 – La lune émerge lentement des eaux. Cercle orange de belle taille, elle s’élève lentement et blanchit progressivement. Combien de fois ai-je observé et adoré ce spectacle à Mayotte…

Dimanche 10 août 2025 – Pacifique / Traversée Panama – Galapagos / Jour 3

Pour la première fois, nous utilisons simultanément le réfrigérateur du bord (190 litres) et la glacière électrique (45 litres). Leurs consommations respectives s’ajoutent à celles du pilote automatique, de la centrale de navigation, de nos ordinateurs et appareils portables, du convertisseur et de la machine à café, de Starlink, lorsque nous les utilisons. Du côté production, Nous disposons de six panneaux solaires (480 W) et d’un hydrogénérateur (Watt & Sea). Les premiers ont besoin de soleil pour bien charger, le deuxième d’au moins 5 nœuds de vitesse. Globalement nous ne consommons pas plus ou quasi pas plus, suivant les jours, que ce que nous produisons. 

11h – 05°36.8 N 81°24.4 W – 111 milles parcourus en 24h – 240 milles cumulés – 200 km des côtes – 640 milles des Galapagos

En milieu d’après-midi, alors qu’il fait grand soleil et que je viens de faire une belle et bonne sieste, je me suis ensuite installé un long moment sur le siège du balcon arrière tribord, en surplomb, Soa gitant sur bâbord. Pas de meilleur endroit pour admirer l’immensité de l’océan, le ciel. Nous sommes entourés de très gros nuages d’orage, sans qu’ils nous importunent. De larges pans de ciel bleu leur donnent la réplique. L’océan, gris acier, complète le tableau. Magnifique. Bel endroit aussi pour laisser voguer les pensées. Le bonheur d’être en mer, seuls. La chance de pouvoir vivre ce rêve qui vient de si loin. L’anniversaire d’Inaya (ma petite-fille) auquel je pense déjà. Aux années passées ensemble à Mayotte, la jeune fille qu’elle est en train de devenir… La vie.

Un fou, après avoir tourné autour du bateau, s’est installé sur l’arceau arrière, est parti faire un tour puis est revenu. Il s’est, cette fois, posé sur le balcon avant. Un peu plus tard, une hirondelle nous a rejoint. La même qu’hier ? Elle a de nouveau élu domicile à l’intérieur du cockpit, à un mètre de nous, juste au-dessus de la barre. Comme chez elle.  Elle est rentrée à l’intérieur du bateau, est partie faire un tour, est revenue se poser à côté de nous.

18h – C’est la séance GRIB du soir. Nous analysons les routages que Cécile a téléchargés (GFS, ECMWF, PWE…). Ils valident la route que nous suivons depuis la fin de matinée au 190°. Quasi plein Sud donc. Cela correspond également au WP (Waypoint) que Didier nous a proposé ce matin. Un peu plus de 600 milles nous séparent désormais des Galapagos. En comparaison des conditions de navigation qu’ont rencontrées des bateaux amis, nous sommes vernis. La mer a été belle voire très belle jusque-là, nous n’avons pas eu de pluie, le soleil et la lune nous ont largement accompagnés.

Lundi 11 août 2025 – Pacifique / Traversée Panama – Galapagos / Jour 4

Réglé sur régulateur d’allure à 40° du vent, nous n’avons pas pu faire mieux que du 150°, ce qui nous a permis de descendre plus Sud mais, paradoxalement, nous a éloigné des Galapagos. Nous avons tenu une moyenne de 6 nœuds durant la nuit. Nous finirons sans doute, par rentabiliser ce morceau de parcours. 

Une fois le point fait, à bord et avec Didier, deux options s’offrent à nous d’après les routages. Une plein Sud (180°) que nous ne pouvons pas tenir, et une autre quasi plein Ouest, vraisemblablement jouable, au 260°. Nous virons donc une fois le petit-déjeuner pris tranquillement et la cuisine rangée. La mer est toujours belle (nous sommes gâtés !) et le vent autour de 12/13 nœuds ce qui nous assure 5 nœuds de vitesse en même temps qu’un bon confort. 

11h – 03°47.8 N 81°14 W – 125 milles parcourus en 24h – 365 milles cumulés – 632 milles des Galapagos (mieux placés pour la suite mais seulement 8 milles de gagnés en 24h !!!)

Alors, me direz-vous, naviguer dans le Pacifique ? Eh bien, conduire le bateau, le diriger, le faire avancer… est en tous points identique à ce qui se fait ailleurs. Nous avons retrouvé les marées que nous ne connaissions plus depuis longtemps (elles sont quasi inexistantes dans les Caraïbes). La saison est, ici, à la pluie et aux orages. Ce qui change le plus, c’est l’aspect psychologique. Nous « naviguons dans le Pacifique », un océan jusque-là inconnu, le plus grand du monde. Nous naviguons vers des terres, pour nous français de France, lointaines, elles aussi inconnues. Le corollaire est que nous nous éloignons toujours davantage, toujours plus vers l’Ouest. Que les écarts d’heures augmentent progressivement (moins 7 heures actuellement). Ensuite, les distances ne sont plus les mêmes. Entre le Panama et la Polynésie environ 4000 milles (7500 km environ) soit presque le double de ce que représente une trans-atlantique (2300 milles). Environ trois semaines pour cette dernière contre cinq pour une transpacifique directe. Notre stop aux Galapagos va scinder ce périple en deux parties, 850 milles (théoriques) pour nous y rendre puis environ 3300 milles pour rejoindre les Gambier (pas de « s » parce qu’il s’agit de l’archipel de Gambier – idem les Glénan chez nous). 

Illustration de ce que c’est que de tirer des bords : nous avons parcourus en 3×24 heures, 365 milles tandis que nous nous sommes rapprochés des Galapagos de seulement 223 milles. La raison est simple, la direction d’où vient le vent ne nous permet pas de naviguer directement vers notre destination. Et donc, un bord à droite, un bord à gauche. Le dicton pour ces conditions est : « Deux fois la distance, trois fois le temps, quatre fois la peine ». Cette troisième assertion ne s’applique actuellement pas. Il nous reste à parcourir 630 milles à vol d’oiseau. Six ou sept jours sans doute, au sens de 6 ou 7 fois 24 heures.

14h15 – Après avoir viré de bord ce matin, on recommence afin de ne pas continuer à monter davantage au Nord, le vent ayant progressivement tourné. 170° désormais… Pour combien de temps ?

Le minuscule ilot Malpelo (Colombie) autour duquel nous tournons depuis cette nuit, s’éloigne de nouveau. Un gros caillou qui nous fait penser à celui de Los Monjes au Venezuela, au mouillage duquel nous avons passé la nuit.

L’océan arbore ce même bleu profond que celui que l’on peut observer en Atlantique. Magnifique ressemblance.

Les deux électrovannes commandées auprès de RC Marine à La Rochelle viennent d’arriver chez Éric (frère de Cécile) qui nous rejoint bientôt aux Galapagos (merci Claudie).

Nous faisons virement de bord sur virement de bord. L’actuel, qui nous fait descendre au 190° est le moins mauvais. Grand exercice de patience. La mer est sensiblement moins facile, un peu de houle (de face) et du clapot.

Alors qu’un arc-en-ciel est signalé sur bâbord avant, un aileron de dauphin apparait… puis disparait aussitôt.

Le vent adonne légèrement (tourne dans le bon sens pour nous) et nous fait gagner quelques degrés. Toujours bon à prendre. Notre nouveau cap au 260° nous mène vers les Galapagos ou presque. Espérons que cela dure.

20h – Alors que nous venons de faire notre potage du soir (patates douces/poivrons) et que nous sommes sur le point de le déguster, une lumière sur l’avant bâbord attire notre attention. Nous ne discernons pas bien à quoi elle peut correspondre. Presque aussitôt après, nous en repérons une deuxième, au ras de l’eau. La première qui est plus haute, clignote blanc mais fait apparaitre à certains moments, du rouge et du vert. Un bateau ? Non, le feu en question se déplace trop vite. Alors ? Un drone presque à coup sûr. Il se rapproche de nous, on entend ses moteurs. Après avoir laissé faire je dirige le faisceau d’une torche très puissante que nous avons à bord, dans sa direction. Il s’éloigne peu après pour se rapprocher de l’autre point lumineux. Vraisemblablement, le bateau à partir duquel le drone est piloté. Évidemment, la grande question du moment est : Quelle raison à cette observation ? Quelles intentions, surveillance par les « Coast Guards » ou autre ? Le mystère restera entier.

Le potage est excellent mais sa dégustation un peu ternie. La nouvelle tournée de yaourts est parfaite.

Le manège bateau/drone durera une heure avant que les deux s’éloignent progressivement vers notre avant.

À la suite de cet épisode durant lequel nous avions enroulé le génois et mis le moteur, nous constatons que le vent a sérieusement tourné. Nous établissons le génois. Notre nouveau cap au 260° nous mène vers les Galapagos ou presque. Espérons que cela dure.

Mardi 12 août 2025 – Pacifique / Traversée Panama – Galapagos / Jour 5

10h – Eh bien oui, ça a duré. Malgré quelques fluctuations, nous poursuivons notre cheminement au sud-ouest. Les conditions de mer ont, par contre, radicalement changé. Nous avançons désormais face à une houle croisée d’un bon mètre, fort désagréable. Soa cogne régulièrement dans la vague. Pas franchement confort… mais, ne dit-on pas du bateau que « c’est le moyen le plus lent et le plus inconfortable pour ce rendre d’un point à une autre » ?

Durant la nuit, « notre » Fou (ou son frère) est revenu se poser sur la main courante du bateau. Il a ébouriffé ses plumes et sa grosse masse est restée là, tranquille, face au vent.

Cécile dormant dans le cockpit, je me suis installé dans le carré pour déjeuner et pour écrire. L’océan défile sous mes yeux. Soa l’affronte vague après vague, ce sont les montagnes pacifiques. Si l’on excepte l’écume des vagues, imperturbablement d’un blanc éclatant, tout n’est que nuances de gris, du plus clair au plus foncé. Ça permettra d’encore mieux apprécier le retour du soleil et d’une mer agréable.

Depuis la banquette où je me trouve, outre l’océan, j’ai sous les yeux les instruments de navigation : centrale Garmin de navigation (on voit la position de Soa sur la carte), afficheur de données (vitesse, sens et puissance du vent), pilote automatique. Très, très pratique.

11h – 03°03.4 N 82°29.4 W – 104 milles parcourus en 24h – 469 milles cumulés – 526 milles des Galapagos. Nous progressons.

Depuis que nous avons traversé le rail des cargos en quittant le Panama, nous n’avons croisé aucun autre bateau. On n’est pas gênés par la concurrence.

Orages et pluie battante au menu. Il semble que ce soit bien parti pour durer. Le vent étant quelque peu tombé, on en profite pour mettre du moteur afin d’améliorer le cap et, tant qu’on y est, la charge des batteries.

Starlink n’est pas au mieux de sa forme, c’est le moins qu’on puisse dire, dans ce genre de moments. Un temps à rester couché. Heureusement, grâce aux bâches latérales, nous pouvons profiter du cockpit. Un bel espace supplémentaire.

Concernant ces lignes, j’ai décidé, en accord avec Cécile, de les partager régulièrement plutôt que d’attendre notre arrivée. Une première.

Mercredi 13 août 2025 – Pacifique / Traversée Panama – Galapagos / Jour 6

Ce matin, le soleil est revenu. Durant la nuit, nous avons super bien avancé et dans le bon sens. Notre Fou a quasi élu domicile sur le balcon avant. Un de ses congénères lui tient compagnie. Un troisième se joint parfois à eux. Soa est leur refuge, une sorte de pied-à-terre.

Les bonnes nouvelles, c’est, d’une part, que nous sommes sur le point d’entamer la deuxième partie du trajet vers les Galapagos et d’autre part, que les vents semblent devoir nous être favorables et nous permettre de cheminer en trace directe.

Par le biais de nos appareils connectés, nous constatons que nous avons changé d’heure. Une de plus en moins (ah, ah, ah). En clair, nous avions 7 heures d’écart avec la France, nous en avons désormais 8. Par pure facilité nous n’appliquerons cette nouvelle heure qu’une fois arrivée aux Galapagos. Le point de 11h, restera le repère de nos 24 heures.

11h – 02°07 N 83°43.4 W – 115 milles parcourus en 24h – 584 milles cumulés – 583 milles des Galapagos (peut-être en trace directe).

Pour ce qui est de nos hôtes, nous avons décidé de les appeler (indistinctement), Fou-Fou et Fou-Founette. Joli, non ? On a par contre un problème avec le troisième, on sèche. On attend vos propositions.

Notre vitesse qui avoisinait les 6 nœuds de moyenne passe à 3,5 avec des pointes à 4. Les mêmes paroles mais pas la même chanson. À ce rythme, on passe de trois jours et demi à cinq pour arriver. Rien de problématique en soi.

Un.e de mes ami.e.s (« iels » ou dit encore « non genré » comme c’est la mode aujourd’hui – et c’est tellement beau !) dont je me dois pour l’instant de taire le nom, m’a adressé le manuscrit d’une fiction qu’iel vient d’écrire. Les trente premières pages que je viens de lire ces deux derniers jours, me paraissent fort sympathiques, tant du point de vue de l’histoire que de l’écriture. Le lecteur que je suis est appâté (en plus d’épaté).

Malgré la toile (très) réduite, nous avançons bien (4/4,5 nœuds), le vent étant égal ou supérieur à 20 nœuds.

Notre ménagerie s’étoffe de manière exponentielle. Ce fut 1 puis 2 puis 3… et là, nous en sommes, tenez-vous bien, à 8 ! On abandonne pour les noms. C’est à se demander s’ils n’ont pas confondu SOA et S.P.A !?! Une hypothèse de Cécile. Sympa, mais va y avoir du nettoyage à faire.

Jeudi 14 août 2025 – Pacifique / Traversée Panama – Galapagos / Jour 7

La première partie de nuit a été plutôt tranquille. À l’inverse, la deuxième fut passablement agitée. Je parle ici, de l’état de la mer. Nous sommes toujours au près, toujours face à la vague, mais aussi, toujours dans la bonne direction. Nous tirons bénéfice des bords tous azimuts des quatre premiers jours.

J’effectue mes quarts de nuit, dont les horaires fluctuent au gré des contingences, dans le cockpit. Ces dernières nuits, le vent étant frais, j’ai fermé les bâches latérales. Le cockpit étant couvert, il est une sorte de pièce supplémentaire. Un vrai confort (merci Antoine).

11h – 01°29 N 85°26.2 W – 110 milles parcourus en 24h – 694 milles cumulés – 326 milles des Galapagos

Nous n’avons jamais été aussi près de notre but. Nous pouvons raisonnablement penser, « sauf imprévu » (formule classique de mon père marin), atteindre les Galapagos dimanche 17/08 soit dans trois jours. Une moyenne de 4 nœuds suffirait. Très envisageable donc.

Pour les non-initiés… les degrés actuellement annoncés sont exprimés en latitude Nord (N) et longitude Ouest (W). Pour la latitude, comme nous nous rapprochons de l’équateur, elle diminue. Juste avant d’arriver aux Galapagos nous franchirons l’équateur et serons à ce moment-là, à la latitude 00°. Lorsque nous rejoindrons la Polynésie qui est située dans l’hémisphère Sud, nous aurons 1° puis 2° puis 3°… degrés de latitude Sud et ce, jusqu’à 17°.  À l’inverse, le nombre exprimant la longitude va, lui, continuer à augmenter : 81°, 82°, 83°… et ainsi de suite jusqu’à 180° soit l’exact opposé du méridien de Greenwich en Angleterre (village à côté de Londres) qui lui est 00°. Ce méridien traverse la France.

Pain du jour, excellent. Parfait pour accompagner l’omelette pommes de terre / poivrons. La pastèque que nous n’avions pas encore entamée, est bonne mais peu sucrée. Un de nos derniers fruits frais.

16h15 – Nous venons de franchir la barre des 300 milles (555 km). Le vent étant autour de 18 nœuds, notre vitesse est stable entre 6,5 et 7 nœuds. Notre cap se maintien autour du 240°, nous poursuivons donc notre route presque directe. Excellent.

Je cherchais depuis quelques jours la nouvelle mouture de notre journal de bord. Je l’ai concoctée tout exprès pour l’utiliser pour nos balades « Pacifiques ». C’est une énième version, numérique bien sûr, mais que j’imprime. À bord, je le renseigne à peu près toutes les trois heures. Depuis le départ de Soa en 2018, je l’ai modifié au fur et à mesure de mes constats sur l’utile et le moins pertinent.

17h – Le soleil a fini par rendre les armes, les nuages ont, de nouveau, tout envahi. De leur côté, les fous se bougent, ils sont partis faire leur marché en produits frais. On a passé commande, mais rien pour l’instant. Une vraie sarabande autour du bateau, vols planés au raz de l’eau, plongeons acrobatiques, chassés-croisés, pas de deux… tout y est. Une frégate que j’avais déjà vue hier, vient mettre la zizanie. Ça piaille dans tous les sens.

23h – Changement de quart. Un bateau bien éclairé est à notre large (assez loin) par le travers bâbord. Il n’a pas d’AIS. C’est le premier que nous voyons depuis longtemps.

La lune, en sa désormais moitié, se lève. Elle nous accompagnera jusqu’au petit matin puis disparaitra dans les flots (ou les nuages).

Vendredi 15 août 2025 – Pacifique / Traversée Panama – Galapagos / Jour 8

Sommes partis depuis sept jours (7x24h) et deux jours seulement nous séparent désormais des Galapagos. Sur la cartographie Garmin du traceur, nous voyons maintenant Soa et l’archipel sur le même écran. J’ai regardé cette nuit ce que serait l’accès le plus intéressant à Santa Cruz sachant que l’ile se situe au milieu de l’archipel. Deux options d’accès suivant notre latitude (plus Nord ou plus Sud), au-dessus ou en dessous de l’ile de San Cristobal, la plus à l’Est. L’accès Nord est le plus simple et le plus court.

Précision, bien que sachant que ce ne devrait pas être le cas, je mets des majuscules à Nord, Sud… pour marquer la spécificité de ces repères géographiques. Avec « est », il peut y avoir confusion… et donc, Est.

02h – Au vu de mes hypothèses quant à une heure vraisemblable d’arrivée, j’interromps notre cavalcade à 7 nœuds de moyenne qui dure depuis déjà huit heures. Inutile de cravacher, sachant que nous souhaitons arriver de jour. Je réduis donc sévèrement le génois, la grand-voile étant déjà roulée à moitié depuis hier. Au vu des cartes météo le vent devrait se maintenir et donc, 4 nœuds de moyenne nous suffisent pour une arrivée dimanche. Y’a de la marge.

La mer est agitée. Dans la cabine avant, mon lieu néanmoins préféré comme vous le savez, je me fais un peu brasser. Les vagues frappent la coque avec force, on dirait qu’elles assènent de violents coups de poing, coup droit crochets… Ils s’accompagnent d’un bruit sourd et puissant. Pas le plus agréable. Je parviens néanmoins à dormir et à me reposer. Cécile préfère de loin la banquette du carré.

Cette nuit, pour sortir du carré, me tenant à la barre de maintien située dans le cockpit, juste en haut de nos trois marches, je remerciais mentalement Noëlle, une de mes vieilles amies (au sens de longue date). C’est elle qui, lors d’une visite au chantier de construction m’avait dit : « Tu devrais mettre une barre de maintien ici ». Ce qui fut chose faite. Quelle bonne idée. Merci.

Ce matin, Fou-Fou et Fou-Founette sont les deux seuls plumitifs toujours présents à bord.

10h15 – Nous franchissons la barre des 200 milles restants (370 km).

11h – 00°42.6 N 87°29.6 W – 134 milles parcourus en 24h – 828 milles cumulés – 195 milles des Galapagos

Très belle distance parcourue pour ces dernières 24h, à plus forte raison avec une voilure qui est largement réduite depuis cette nuit.

Je viens d’échanger avec Didier (il a suivi toutes mes trans-quelque chose et autres). Une arrivée demain soir serait envisageable, mais de nuit. Nous attendrons donc dimanche, comme déjà envisagé, afin d’arriver de jour. Toujours mieux de voir où on va et encore plus quand on ne connait pas les lieux.

De son côté, Didier prépare Lumacotta, son bateau, à affronter Erin, le cyclone qui doit passer juste au Nord de l’arc antillais. Saint Barthélémy, au mouillage duquel il se trouve, ne sera donc pas très loin. Des vents forts sont attendus. Toutes mes pensées t’accompagnent. Bon courage.

Depuis notre départ, Starlink fonctionne parfaitement. C’est un bien pour un mal mais un bien quand même. Une seule incertitude, la tarification. De toutes façons, avec la suppression des services Iridium (un scandale, les matériels, fort chers, sont à mettre à la poubelle !), pas vraiment d’autre choix.

Je repère un bidon rouge flottant sur l’eau. La « civilisation » nous rattrape. Il flotte bizarrement et plonge dans l’eau à certains moments. J’en vois, presque simultanément, un deuxième, puis un troisième, du même genre ou presque. Ils sont en enfilade. Un filet à coup sûr. Chance de ne pas nous l’être pris.

Peu après, nous repérons un bateau au loin. Vraisemblablement un bateau de pêche vu l’allure qu’il a et la manière dont il se déplace. Lui non plus, n’a apparemment pas d’AIS, ce qui est fréquent pour ce type de bateau. Les pêcheurs protègent leurs zones de pêche.

César que nous avons contacté pour notre arrivée, dis ne pas voir notre AIS approcher. J’interroge Didier. Il ne le voit pas non plus. Et nous, sur Marine Traffic (via Starlink), pas davantage. Sur la préconisation de Cécile, je pars vérifier le boitier émetteur/récepteur (Vesper Marine). La Led de fonctionnement est rouge, indiquant un problème. Je branche et débranche les fils. La Led passe au vert. J’ai dû involontairement bouger les fils entrainant une mauvaise connexion lorsque je suis venu farfouiller dans le coin, deux ou trois jours plus tôt. Par souci de vérification nous faisons émettre un test par l’une de nos balises individuelles. Ça fonctionne.

Déjeuner tranquille… il y avait longtemps que nous n’avions pas mangé de pâtes. Petit dessert genre crumble aux fruits frais et… crème de coco. Sans oublier le café et les Speculos.

Juste après ma sieste, Cécile me dit que nous trainons un bidon rouge derrière nous. En effet. Il est en tous points identique à ceux que j’ai vus ce matin. Deux fils de pêche sont à l’évidence accrochés à une des quilles du bateau. Nous mettons Soa à la cape, grand-voile rentrée, génois à contre, barre à l’opposé. Nous ne sommes pas complétement immobiles mais ne nous déplaçons plus que très lentement. Descendre l’annexe pour aller récupérer le tout est une option mais la houle qui arrive derrière nous, y incite peu. La gaffe est trop courte. Il faudrait trouver une rallonge. Je songe d’un coup au tube PVC que j’ai ramassé sur la plage lors de notre dernière visite à Contadora. Il n’était pas prévu pour ça mais… Par chance le tube de la gaffe, à peine plus petit, rentre dedans. J’assure les deux ensembles pour ne rien perdre et assure le tout au balcon de Soa. Nous gagnons environ 1,5 mètre d’allonge. Et, bingo, je parviens à attraper l’un des deux fils. Je le remonte à bord avec Cécile. Un bon gros hameçon est au bout. Je remets ça pour le deuxième fil et parviens, après quelques tentatives, à le remonter également à bord. Nous récupérons le bidon qui devait bien être à quarante ou cinquante mètres, ainsi que le fil qui se trouve encore derrière lui (et ses deux hameçons supplémentaires). Ça fait un beau paquet à l’arrivée. Hypothèse, en tirant sur l’un des fils, on peut peut-être décoincer l’autre de l’endroit d’où il se trouve. Il semble que ça fonctionne. On coupe le plus court et tirons doucement sur l’autre. Ça vient. Ouf. Enfin presque. Un bout de fil est entouré autour de l’hélice de l’hydrogénérateur. En slip, un « bout » (cordage) autour de la taille pour m’assurer, une balise autour du cou, je remonte l’hydrogénérateur et réussis à désenrouler le fil. Je remets ensuite notre centrale hydroélectrique à sa place. Bon, il ne reste plus qu’à ranger et à remettre les voiles pour reprendre notre route. Autre chose pour aujourd’hui ?

Le vent semble adonner significativement. Pourvu que ça dure.

18h – Galapagos à 168 milles (311 km).

Samedi 16 août 2025 – Pacifique / Traversée Panama – Galapagos / Jour 9

Trump et Poutine se rencontrent en Alaska, deux grands malades pour la comédie humaine la plus sombre et la plus honteuse (avec Gaza).

Nous avons continué à descendre un peu plus Sud durant la nuit ce qui devrait pouvoir nous épargner de tirer un trop grand bord avant d’arriver.

Une flopée de fous volent en groupe autour de Soa, une quinzaine au moins.

09h11 – Nous franchissons l’équateur !!! Une première en mer pour Cécile que j’ai, comme il se doit, baptisée « Enfant de Neptune ». Elle est désormais digne, selon les croyances maritimes, de voguer librement sur tous les océans du monde. Une troisième pour moi après celles de la descente puis de la remontée du Brésil en 2019. Nous marquons gentiment le coup.

11h – 00°04.05 S 89°03.29 W – 102 milles parcourus en 24h – 929 milles cumulés – 90 milles des Galapagos

En plus de tout le reste, Cécile, spécialiste du bidouillage informatique, nous concocte une vidéo de son baptême. Ça vaut le coup d’œil.

Erin, devenu ouragan de catégorie 5, passe actuellement au Nord de l’arc antillais. Le vent n’est que de 20 nœuds mais la houle atteint par contre 2,5 mètres à Saint Barthélémy. Mon ami Didier, resté à bord de Lumacotta, se fait copieusement brasser.

En complément des factures de sortie d’eau et des photos, César nous demande – un peu tardivement – une attestation de carénage. Sylvie de Panamarina nous fait ça vite fait, bien fait. Ouf. Nous sommes sauvés. Qu’est-ce que nous avons bien fait, en dehors du carénage qui ne pouvait s’y réaliser, de choisir cette marina ! Un très grand merci à elle, pour ça et pour tout le reste.

16h – Terre, terre ! Les iles s’offrent visuellement à nous. Nous sommes à 25 milles au Nord de l’ile de San Cristobal, la plus à l’Est des Galapagos. Nous voyons plusieurs iles mais avons, pour l’instant, du mal à les identifier. Hypothèse, vu la distance, peut-être ne voyons-nous que les sommets ?

Côté AIS, les doutes sont maintenant totalement levés quant à la réception des émissions des autres navires. Ils sont pléthores dans l’archipel. Pour ce qui est de notre propre émission aucune certitude encore.

Nous commençons à mettre un peu d’ordre à l’intérieur de Soa. Nous allons tenter de présenter un bateau le plus « clean » possible à nos visiteurs administratifs, très sourcilleux parait-il.

19h – Le crépuscule met le coucher de soleil en scène, sans que l’on puisse le voir directement. Seule sa trace est visible, une longue estafilade horizontale, rouge sang. Comme une déchirure entre les nuages. Une pure beauté. Quel accueil !

Le vent ayant baissé d’intensité, j’ai remis du génois il y a un quart d’heure. Immédiatement ou presque, il se remet à souffler. Un classique du genre. Il nous faut maintenant gérer notre nuit et notre arrivée, demain. Nous optons pour une tentative d’approche la plus directe possible. Nous ajusterons au fur et à mesure en cas de besoin.

20h30 – César nous indique voir désormais notre AIS. En plus de recevoir, il émet donc normalement. Bonne nouvelle.

23h – Je prends la relève de Cécile. Sur ses indications, je remets du génois pour limiter la dérive qu’elle a constatée. Nous sommes à 39 milles de notre lieu de mouillage, Puerto Ayora, au Sud de l’ile de Santa Cruz. C’est le passage obligé pour les arrivées dans l’archipel.

Sachant que nos papiers d’entrée sont déjà faits grâce à notre agent, César, pavillon jaune (lettre Q, en attente d’immigration) ou pas, pour notre arrivée ?

Beaucoup de cibles AIS sont visibles sur notre écran. Certaines émanent de bateaux au mouillage. D’autres sont effectivement en mouvement. La haute mer est plus tranquille. 

Dimanche 17 août 2025 – Pacifique / Traversée Panama – Galapagos / Jour 10

01h d’avant / minuit heure locale – Je repars dormir. Pour cette zone un peu particulière de navigation qui nécessite une veille quasi permanente, nous avons décidé de faire des quarts de seulement deux heures.

04h d’avant / 03h locales – Bien que la lune nous offre son dernier quart, la luminosité est très faible du fait de la couche nuageuse. Les iles autour de nous ne sont quasiment pas éclairées. Très inhabituel. Nous cheminons (5 nœuds) sans voir grand-chose pour ne pas dire rien. Nous sommes désormais à une douzaine de milles de notre point de mouillage mais à seulement trois milles de la côte sud-est de Santa Cruz que nous longeons. Contrairement à ce que nous pensions quelques heures plus tôt, il semble que nous allons pouvoir cheminer en trace directe et passer entre Santa Cruz et Santa Fe sans tirer de bord. Plusieurs heures de gagnées mais qui ne nous servirons guère. Nous aurons, sans doute, à patienter un peu pour attendre le jour. Mais mieux quand même.

Étant arrivés en face de notre lieu de rendez-vous plus tôt que prévu, nous faisons des ronds dans l’eau avant d’entamer notre ultime approche. Le ciel, jusque-là plombé, se dégage au bon moment.

12h d’avant / 11h locales – César, notre agent, vient, comme prévu, au-devant de nous. Il pilote un gros semi-rigide. Rencontre sympathique et chaleureuse. Il nous demande de le suivre. Il nous indique l’endroit où nous devons jeter l’ancre. Nous nous exécutons. À l’arrière il nous aide avec son collègue, Viko, à nous amarrer à une bouée, l’idée étant que le bateau ne tourne pas afin de rester dans l’axe de la houle.

11h15 locales – Voilà, c’est fait. Nous sommes donc, 9x24h plus tard, désormais ancrés dans la baie de Puerto Ayora. Bien qu’elle ne soit pas la capitale de l’archipel, elle est la ville la plus importante et la plus touristique des Galapagos. Elle est, par ailleurs, un passage obligé puisque la seule où il est possible de faire son admission d’entrée et les contrôles qui vont avec.

Comme programmé par César, les « officiels » (police, immigration, armée, douanes, hygiène…) arrivent en tir groupé. Une fois tout ce beau monde à bord (huit personnes au total), chacun y va de son questionnaire et de ses questions. Certains explorent un peu le contenu de Soa mais de façon bien plus superficielle que ce à quoi nous nous attendions. Un seul semble plus sourcilleux. Il est venu séparément. Il arbore une longue perche (4m je pense) au bout de laquelle est fixée une GoPro (caméra étanche). Il photographie méthodiquement la partie immergée de la coque de Soa et examine ensuite très attentivement ses clichés. In fine, les choses semblent lui convenir. Ouf. Côté alimentaire, rien ne nous est reproché. La personne chargée de cette dimension a jeté un vague coup d’œil au frigo et n’a même pas ouvert la glacière, pourtant bien en vue. J’en viens à regretter les beaux citrons verts que nous avons passés par-dessus bord.

Le tout aura duré moins d’une heure.

Nous sommes donc, Soa, Cécile et moi, officiellement admis en Équateur, version réserve naturelle des Galapagos, peut-être la plus protégée du monde.

Nous aurons donc mis 9 jours (9x24h) pour couvrir les 855 milles de distance entre Las Perlas (Panama) et les Galapagos. Très correct si l’on tient compte du nombre de milles réellement parcourus (1021 milles soit 1890 km) et du fait de tout avoir fait au près. Cela correspond à une moyenne de 113 milles/jour. Nous n’aurons pas non plus eu besoin de trop recourir au moteur.

Pour résumer :

Mer belle et plaisir ensoleillé de navigation les premiers jours avec un vent très fluctuant en force et en direction. Pour les jours suivants, mer beaucoup plus agitée, houle et clapot, peu de soleil mais vent plus fort et plus stable en intensité et en direction. C’est notre première grande balade en équipage réduit pour Cécile et moi. Nous arrivons en forme. Nous avons très bien mangé, surtout grâce à elle, assurés nos quarts en parfaite égalité et tout et tout. Fidèle à lui-même, Soa a tracé remarquablement.

Entre navigation hauturière, franchissement de l’équateur et arrivée aux Galapagos, très grandes journées que ces dix dernières ! Un parfait résumé du voyage. La découverte de ce nouveau lieu mythique s’offre désormais à nous… mais ce sera une autre histoire.

Bien à vous.

Le 25 août 2025

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