CUBA – Février / avril 2023

CUBA – Février / avril 2023

Au fil de l’eau, carnet n°25 – CUBA – Février / avril 2023

« Ce n’est pas dans je ne sais quelle retraite que nous découvrirons : c’est sur la route, dans les villes, au milieu de la foule, chose parmi les choses, homme parmi les hommes. »

Jean-Paul Sartre  

Résumé des épisodes précédents :

Fort de France, 1er février 2023. Arrivé fin février 2022 aux petites Antilles, Soa à « hiverné » en Martinique et aux Grenadines durant la saison cyclonique (contraint et forcé par son assurance). Deux petits tours en Guadeloupe en décembre (balade après une longue immobilité ou presque) et janvier (pour caréner). En ce jour du 1er février, s’ouvre une dernière ligne droite avant le départ à Cuba, désormais prévu, Carnaval oblige, autour du 22 février. Nous reprenons la (petite) route…  

Balade à Cuba – Fort de France – Préparatifs de départ et Carnaval

Mardi 10 au lundi 23 janvier – Marina du Bas du Fort / Guadeloupe

Carénage au vrai sens du terme (antifouling…) mais aussi, travaux de soudure (obturation des ouvertures du tunnel de propulseur, rallongement du bossoir d’annexe, modification des sièges de balcon arrière…), mécanique (entretien du moteur et du Saildrive, vidanges et autres…) et, pour couronner le tout, après ponçage, peinture des œuvres mortes (partie émergée de la coque). Soa affiche désormais une robe verte… ou bleue… es perceptions des uns et des autres. De l’avis général comme du mien, cette couleur lui sied particulièrement bien.

Mardi 31 janvier – mardi 14 février 2023 – Fort de France / Martinique (+ incursion à Schoelcher)

Suite à ma demande, après quelques cafouillages, je reçois une réponse positive de la marina Z’Abricots quant à l’accueil de Soa en août. C’est le feu vert que j’attendais. Je prends mon billet d’avion pour Paris dans la foulée.

Sylviane… nous convenons d’un rendez-vous parisien… le dimanche 27 août… jour de son anniversaire.

J’entame l’inventaire du stock de nourriture, et effectue les premières courses d’avitaillement en attendant l’arrivée de mes équipières.

J’accueille à bord Luc et sa femme Pascale pour un apéritif dinatoire, quelques jours après qu’il ait eu la gentillesse de réaliser les fargues dont j’avais besoin pour stabiliser le coussin du siège central du carré et le matelas de la couchette haute de la cabine arrière. Moment très sympa, évocation de La Rochelle où, comme moi, il a passé son enfance et sa jeunesse. Très, très agréable.

Dimanche 12 février 2023 – Schoelcher

Très bon anniversaire ma Biche… les années passent.

Quasi un an jour pour jour, Arièle et moi rompons. Enfin, surtout elle. Adieu veaux, vaches, cochons… Ainsi va la vie, fluctuante. Très fluctuante.

Mercredi 15 février 2023 – Fort de France / Martinique

Deux ans plus tard et une transat retour plus loin, Élisabeth rejoint une nouvelle fois Soa. Un plaisir.

Lui aussi québécois de son état, Richard, mon voisin de carénage en Guadeloupe, nous repère et vient mouiller derrière nous. Il passait par là par hasard.

Jeudi 16 et vendredi 17 février 2023 – Fort de France / Martinique

À six jours du départ, Marie-Ange qui devait participer à la balade cubaine durant les trois mois de sa durée, m’annonce, par SMS (pas de vive voix surtout)… qu’elle ne vient plus. Très, très charmant !!! Grosse incidence évidemment sur le plan financier, ports, avitaillement déjà réalisé en grande partie… Pas un mot d’excuse ni rien. Cette légèreté de l’être est pour moi totalement incompréhensible.

Ayant obtenu hier, après trois mois d’efforts et de relances auprès de Garmin (via la boutique pochon du Marin), la procédure à suivre, je tente de remettre bon ordre à la dimension tactile du GPSMAP (centrale de navigation)… Après plusieurs tentatives, miracle, ça fonctionne. Un vrai bonheur tellement c’est pratique !!! Je suis particulièrement satisfait de cette remise en l’état avant notre départ pour Cuba et les presque trois mille milles qu’elle représente. Persévérance, persévérance !

La pompe du réservoir de l’eau de boisson, fidèle depuis mon départ en 2018… s’arrête. Rien de grave cependant, juste un peu d’air dans le filtre à charbon. J’y mets bon ordre.

Je dois trouver une place à la batterie que j’emporte à Didier… J’y passe un peu de temps, mais c’est fait. Elle est qui plus est, très bien calée. Plus qu’à trouver des câbles pour pouvoir la recharger de temps en temps.

Avec Élisabeth, nous terminons l’achat de l’eau en bouteilles (plate et pétillante) et en bidons. Difficile d’en mettre plus.

Samedi 18 février 2023 – Fort de France / Martinique

Ouverture du Carnaval 2023 avec le défilé de la Reine et de ses Dauphines. Il se fait sans nous.

Dimanche 19 février 2023 – Fort de France / Martinique

Nous effectuons les courses de frais au Carrefour Périnon, celui du centre-ville de Fort de France.

En début d’après-midi, nous rejoignons le Carnaval… beaucoup de couleurs, de bruits, une ambiance bonne enfant très sympa.

Lundi 20 février 2023 – Fort de France / Martinique

Nous réinstallons la trinquette qui, jusque-là, était restée sagement pliée depuis sa révision à Pointe à Pitre. Beaucoup plus facile à deux, malgré le vent.

Deuxième infusion de Carnaval pour l’après-midi… avec pour thème, cette fois, la version « mariages burlesques » (hommes habillés en femme et vice versa). Ambiance et couleurs moins sympa que la veille.

Mardi 21 février 2023 – Fort de France / Martinique

Le départ approche. Nous faisons la clearance de sortie, et poursuivons les courses au grand Carrefour de Dillon, cette fois. Au retour en ville, nous passons réserver des fruits et légumes au marché de l’Asile (boulevard nord de Fort de France)… Rangement des achats ensuite. La matinée fut speed et très active.

Je profite du début d’après-midi pour faire une lessive à la laverie du coin. Je ne sais ni où, ni quand, nous pourrons faire la suivante.

Nouvel après-midi Carnaval. Le dernier pour nous. C’est la journée du rouge et du noir. Le diable dans toute sa splendeur. Du bruit, des couleurs, une très grosse et belle ambiance, cette fois. Un ton en-dessous cependant par rapport au carnaval vu à Saint Martin en 2020, tant pour les costumes que pour les danses… etc. Ne boudons néanmoins pas notre plaisir.

Balade à Cuba – Partie I – Trans-caraïbes partielle – Martinique à Santiago de Cuba – 1000 milles

Mercredi 22 février 2023 – Traversée Martinique / Cuba – Jour 0

Jour du départ pour Cuba en même temps que dernier défilé du Carnaval, auquel nous n’assistons pas.

Le « vrai » voyage, version navigation et découverte, reprend. Un grand et authentique bonheur.

Il avait cependant débuté bien longtemps avant ce jour, si l’on admet que préparer un périple de ce type, c’est déjà voyager. Lire et se documenter sur Cuba (Sail The World, guides nautiques, guides de voyage, carte routière, blogs bateaux, pages FB dédiées…). Anticiper ce que sera ou devrait être la route, former l’équipage et échanger avec lui, préparer Soa (de loin le plus long et le plus occupant !!!), faire l’avitaillement après l’inventaire du stock… organiser le périple à terre, les visites, réserver les Casas Particular…

Petit déjeuner pris, nous entamons notre journée par la visite au marché de l’Asile (boulevard nord de Fort de France), afin de prendre possession des fruits et légumes ainsi que des œufs de la ferme, réservés la veille. Forts beaux produits.

Péripétie du jour, dans la lignée de ce début de semaine, la station des carburants de la marina Z’abricots est toujours en panne. Aucune autre sous la main. Ayant l’assurance que nous pourrons en faire à Santiago, bien que la réserve de gazole soit comptée (100 litres environ), nous maintenons notre départ et ce d’autant que la réparation n’est pas assurée pour demain. De plus, les jours à venir sont prometteurs en termes de vent.

Richard nous rend une dernière visite à l’heure du café. Vraiment adorable, cet homme-là.

16h30 – C’est parti pour Cuba. À 17h, nous doublons la pointe des Nègres à la sortie Nord de la baie de Fort de France… Huit jours approximativement durant lesquels nous n’aurons aucune connexion Internet. D’un commun accord avec Élisabeth, vu la durée de la traversée et le météo annoncée, nous avons fait le choix de ne pas prendre d’abonnement Iridium (il permet le transfert de courriels et le chargement de GRIB météo via les satellites).

Les tambours du carnaval nous suivent longtemps.

Nous débutons le parcours sous GV déportée (grand-voile) seule afin de nous assurer un départ et une première nuit tranquilles.

Précision : j’ai fait le choix de nommer ce jour de départ comme jour « 0 » même si c’est bien, de fait, le premier jour de notre navigation. Le mot « jour » prête à confusion. Partis à 17h un mercredi, ça n’est que le lendemain jeudi, 17h, que nous aurons effectué 24h de navigation. Soit un « jour » plein de route. Ici aussi, choisir, c’est éliminer…

18h15. Sous le tendre regard du berceau de lune, le soleil disparait. Il laisse place à un ciel rougeoyant du meilleur effet.

Après plusieurs tentatives infructueuses, grâce à Eddy, ami cubain d’Élisabeth ayant travaillé dans le tourisme, nous sommes parvenus à entrer en contact direct avec le maître de port de Cienfuegos. Escale essentielle puisque c’est à cet endroit-là que nous quitterons Soa pour nos balades à l’intérieur du pays, dont Trinidad et La Havane. Je tenais absolument à avoir une place au port… et elles sont, semble-t-il, comptées. Réservation faite donc, un vrai soulagement. Le maître de port en question nous donne les coordonnées de son homologue de Santiago. Deuxième réservation assurée. Vraiment super, je pars, nous partons l’esprit tranquille.

20h. Avant qu’Élisabeth entame son premier temps de repos, le vent étant plutôt anémique (8/10 nœuds), nous bordons un peu la GV et établissons le génois (la plus grande des voiles d’avant). La montagne Pelée y est peut-être pour quelque chose. Pas violent quand même mais confortable, étant protégés de la houle.

Nombreux échanges avec les terriens avant le jeûne de la montée… Séparation très momentanée, cependant.

21h – Nous nus dégageons progressivement de la protection de la Martinique, le vent se renforce pour s’établir aux alentours de 13 nœuds (kt en abréviation pour knots en anglais). Nous naviguons désormais à 6 nœuds. Nous croisons un monstre touristique des mers… ils ont, malheureusement pour la planète, repris du poil de la bête. Économie et écologie ne sont que très accessoires, face aux profits de quelques-uns.

Installée sur bâbord arrière, la Grande Ours nous observe. La nuit reste claire même une fois la lune couchée (pour info, elle suit la même trajectoire que le soleil, soit est-ouest). Le ciel n’est qu’étoiles. Merveilleux spectacle. De son côté, le sillage de Soa s’agrémente d’intenses trainées lumineuses. Merci au plancton de service.

Inaya, une dernière fois. Après le cheval de la semaine dernière, tu pars dans quelques jours en Espagne avec Erasmus et un tout petit groupe d’élèves de ta classe. Quelle chance !!!

Arièle… fait la morte. Aucun message.

Jeudi 23 février 2023 – Traversée Martinique / Cuba – Jour 1

6h30 – Tandis que le soleil, au sens propre du terme, émerge, j’entame mon troisième quart (2h30 chacun). Se réveiller en mer, au milieu de ce bleu intense… un immense plaisir. Les premiers rayons installent la journée.

10h15 – Nous bouclons nos 100 premiers milles. Cela augure bien, surtout après notre navigation de départ à l’abri de la Martinique, durant laquelle nous nous sommes quelque peu traînés.

La houle croisée et virevoltante de la nuit, s’assagit un peu. Tombé à 12/13 nœuds le vent nous propulse, sous GV et génois entièrement dépliés, autour de 5 nœuds.

Le pilote fait son boulot dans sa version « suivre l’itinéraire ». Nous cheminons de façon parfaitement rectiligne vers notre premier point de route que nous avons placé au sud de la pointe sud de l’américaine Porto Rico.

De son côté, l’hydrogénérateur charge très correctement. Les batteries sont à 97% de charge et 12,7 Volts ce matin. 

La poulie de renvoi que j’ai imaginée afin d’utiliser le winch électrique tribord, pour enrouler le génois lorsqu’il est établi sur bâbord, fait merveille. Moins fastidieux, plus rapide et donc plus sécure. Ce sera particulièrement vrai lorsque je naviguerai seul et par vent soutenu. Permettez-moi de le dire, excellente idée.

Le baromètre est sérieusement monté, 1017 Hp ce matin. Ciel globalement dégagé hormis quelques nuages légers d’altitude.

12h – Première visite de dauphins. Ils nous ont rattrapés comme des bombes, ont virevolté dans tous les sens et sont repartis… Toujours aussi bluffant.

17h locales – Notre heure repère journalière (24 heures depuis notre départ). En l’espèce, nous avons parcouru 140 milles nautiques. Une journée de navigation comme on les aime, du vent, du soleil, une mer maniable, Soa qui trace. Vraiment très, très agréable. Élisabeth a dormi abondamment tandis que j’ai, pour l’essentiel, fait relâche. Calme et tranquillité. Un peu de lecture du Routard sur Cuba, quelques lignes ici et pas grand-chose d’autre. Une manière sans doute de récupérer des jours et semaines qui ont précédés durant lesquels l’activité n’a pas manqué (carénage, peinture de la coque après ponçage, bricolages divers et variés, avitaillement… sans oublier le carnaval !).

La mer des Caraïbes semble nous appartenir. Après le cargo, vu dans le courant de la nuit dernière, aucun autre navire depuis, ni à l’horizon ni à l’écran de la centrale de navigation.

Dauphins, deuxième… comme ça, vite fait en passant…

Un énorme nuage est face à nous. Je n’en ai que rarement vu d’identique. Plusieurs kilomètres de large et sans doute de haut. Une masse grise, aussi sombre que dense. Les rayons de soleil qui parviennent à passer dessous nous montrent différents lieux de pluie. Ça tombe dru. Heureusement, compte tenu de son déplacement, nous ne sommes guère impactés si ce n’est par un léger renforcement du vent. La partie entre la mer et lui étant presque dégagé, nous voyons le soleil se perdre dans l’élément liquide.

Pour nous assurer une nuit pas trop mouvementée, nous rentrons le génois et poursuivons sous GV seule. Pour rappel, pardon à ceux qui le savent déjà, la GV dispose d’une pantoire, c’est-à-dire en français compréhensible, de deux écoutes (bouts qui servent à régler le positionnement de la bôme). La quasi-totalité des bateaux n’en dispose que d’une et donc, d’un débattement limité. Recevant le vent entre travers et portant (100 à 130°), je frappe le point de tire de l’écoute sous le vent sur mon rail très costaud de fargue (soudé à la coque sur le côté du bateau). Il me sert de hale-bas et de stabilisateur de bôme. L’écoute au vent me sert, elle, à régler la position latérale de la bôme. La bôme est ainsi parfaitement positionnée et bloquée, ce qui supprime les risques d’empannages inopinés.

20h – La nuit est installée. La lune ne parvient pas à percer. J’assure le premier quart. Nous traversons le haut fond de « Aves » qui nous fait passer de 2200 m à 22 m de profondeur, exactement là où nous sommes. Sacrée différence !!! Un peu plus au nord, un tout petit morceau de terre émergé (le seul) est signalé par un feu clignotant. Sur les cartes électroniques, ce type d’endroit n’est visible qu’à condition de zoomer (grossir) très fortement la carte… on ne les voit pas sinon. Mieux vaut le savoir et y prêter attention. Un vrai risque en tous cas. J’observe simultanément un autre feu… un bateau sans doute mais non signalé par l’AIS (système de repérage entre bateaux équipés). Surprenant.

Vendredi 24 février 2023 – Traversée Martinique / Cuba – Jour 2

6h30 – Troisième quart pour moi. Élisabeth m’a laissé longuement dormir. Elle prend soin de moi, elle veut que je sois en forme. Je souscris pleinement à cette excellente idée. Le soleil affiche un bleu très doux et très large. La mer est « bleu Atlantique », un bleu sombre et puissant, un régal pour les yeux. La houle (1,5/2 m) que nous recevons par le travers ou presque, est toujours là…

Nous avons bien progressé pendant la nuit. Notre premier « point de route » (cette terminologie en lieu et place de way point) est désormais à 165 milles. Nous devrions l’atteindre demain en milieu de journée.

Établi autour de 20 nœuds, le vent est maniable. J’en profite pour remettre un tiers de génois afin d’améliorer un peu la vitesse de déplacement tout en conservant un maximum de confort. Le pilote est réglé sur une réactivité de 58% de sa capacité. Un excellent compromis entre, confort toujours, embardées limitées et consommation électrique. Bonne formule. Batteries à 100% ce matin et 13,5 V.

Si vous saviez comme un jus de fruits frais avec pulpe (pamplemousse/orange) est un délice… sans parler du pain grillé et de sa fine couche de beurre salé… arachides, confiture de coco et autres, en complément.

Matinée cuisine version ragout de porc, petits légumes. J’officie sous la conduite et l’observation attentive d’Élisabeth qui ne se sent pas trop pour le faire elle-même. Je fais donc, selon sa conduite, revenir la viande à feu vif, prépare les oignons et l’ail, les ajoute un peu après ainsi que deux tomates… Quarante-cinq minutes de cuisson plus tard, j’ajoute carottes, navets, pomme de terre, gingembre, sans oublier une lichette de rosé. Et c’est reparti pour dix minutes de plus. Pour tout dire la dégustation fut un ravissement du palais… et de l’estomac.

15h – Je modifie la trajectoire de Soa afin de rejoindre directement notre deuxième point de route. 17°00 N /73°00 W. Quelques 425 milles nous en séparent. Une sorte de mixe des données fournies par mon ami Didier avant le départ et celles de SailGrib, mon propre logiciel de routage. Une fois que nous y serons parvenus, lundi dans la journée si le vent se maintient, nous commencerons notre remontée vers le nord en arrondissant la pointe sud-ouest d’Haïti… mais, chaque chose en son temps.

Je me surprends à siffler. Un signe de bien être chez moi. Entendons-nous, je ne sais jamais ce que je siffle… et ce n’est certainement pas très juste, mais qu’importe, je siffle…

17h – Notre rendez-vous quotidien des vingt-quatre heures écoulées. Pour l’heure, nous avons progressé à une moyenne de quasi 150 milles par 24 heures (299 milles en 48 heures). Très, très, très honorable… en attendant la pétole annoncée de début de semaine. Si elle est toujours d’actualité à ce moment-là.

Confortablement installé sur la terrasse de Soa (dessus du rouf), fin d’après-midi contemplative pour moi. À cette heure-là, le soleil joue avec la mer, elle n’est que brillance… La mer à perte de vue quel que soit l’endroit où l’on porte le regard. Soa taille sa route, un peu balloté par les vagues… mais il n’en a cure. Au loin, légèrement sur bâbord, une masse sombre se détache de l’horizon. Un bateau vraisemblablement. Nous cheminons l’un vers l’autre. Sa silhouette se précise au fur et à mesure. OWL nous dit l’AIS, un (petit) pétrolier de 120 mètres. Le ciel rougit doucement. Une brusque montée du vent me déloge. De 22/23 nœuds nous venons de passer à 30 ce qui change la donne, même si nous avions déjà roulé le génois pour la nuit.

Décision commune est prise de réduire également la GV, une zone de vent de cet acabit ayant été signalé par le GRIB. Nous en roulons environ un tiers. Si le renforcement ne se confirme pas, je remettrai un peu de génois si besoin. Du coup, le coucher du soleil s’est fait sans nous.

Pour le souper (dîner pour nous), Élisabeth, toujours pas très en forme, persiste dans sa préférence pour la bouillie… enfin, elle appelle ça flocons d’avoine… Mieux que rien quand même. De mon côté, le passionné de fromages que je suis, ne change rien à ses habitudes. Quand il n’y en n’aura plus, il n’y en n’aura plus. À l’image de VDH lors du précédent Golden Globe Race (un verre de vin par jour), un petit coup de rouge pour accompagner le tout, ne saurait nuire.

La nuit est bien noire, on n’y voit goutte comme on dit chez moi. Lune où es-tu ?

Samedi 25 février 2023 – Traversée Martinique / Cuba – Jour 3

8h – Je reprends le clavier après avoir petit-déjeuné. Soa étant sous-toilé, la nuit a été calme… mais toujours très étoilée. J’ai fait en sorte de garantir le sommeil d’Élisabeth qui a émergé à 3h30. Elle a besoin de se requinquer.

Avec le retour du jour, la contemplation matinale vaut celle de l’après-midi… et des autres moments. Le ciel, les nuages, la caresse matinale du soleil… la mer…

9h – Pluie et chute totale de vent pendant environ un quart d’heure. Les bâches latérales qui permettent, en complément du « toit » du cockpit, de fermer quasi complétement celui-ci, assurent une très bonne protection (la nuit, nous laissons celle au vent à poste). Sans transition, comme on dit à la radio, retour du soleil et de nos 20 nœuds de vent habituels. Le génois partiellement déroulé, nous montons un peu dans les tours.

La traversée étant censée être courte et les mauvaises surprises réduites à leur plus simple expression, une fois n’est pas coutume, nous avons fait le choix de ne pas prendre de forfait Iridium. Il faut dire que dans ce domaine aussi, l’inflation galope. Nous en sommes désormais pour un mois non sécable, à 250 €, dont 50 € de réactivation de la puce, inutilisée depuis la transat de février 2022. Aucune communication donc avec la terre et les terriens. Une charge mentale, comme c’est la mode de le dire aujourd’hui, en moins. Ça allège beaucoup les journées. Précision parfaitement inutile, ça n’empêche évidemment pas de penser à celles et ceux qu’on aime.

Un oiseau nous rend visite. Malgré la lune, il ne fait pas assez clair pour que je le distingue vraiment. Il est d’assez belle taille et son vol ne correspond pas à ceux des oiseaux de mer que je connais… mais mes connaissances en la matière sont limitées

23h – Changement de quart. Élisabeth, plutôt requinquée, prend la suite, je me couche et… me relève quasi aussitôt. Le vent vient de tourner, le génois bas la chamade. Ni bon pour lui, ni bon pour nous. Nous le rentrons et établissons la grand-voile que je déborde sur bâbord… et rejoint mon lit. Il est minuit.

Dimanche 26 février 2023 – Traversée Martinique / Cuba – Jour 4

Quatrième jour de mer…

00h05 – Depuis mon lit, je perçois le renforcement du vent qui oscille désormais entre 25 et 30 nœuds. La cavalcade commence. Nous naviguons autour de 8 nœuds jusqu’au matin ! Le GPS a enregistré une pointe de 12,5 nœuds. Pas le record mais déjà très bien.

05h – Trois jours et demi très précisément après notre départ (3,5x24h) nous sommes approximativement au milieu du gué, environ 500 milles devant pour 500 milles derrière. La moitié du chemin parcouru donc, ce qui correspond à mes prévisions d’origine. Nous sommes désormais à l’aplomb de la partie Est de la République Dominicaine. Une belle balade jusque-là, toute au portant et avec du vent. Soa, au look désormais de « bateau de luxe » (dixit Cyril), malgré son poids et son fardage, trace.

08h – Outre le café/thé et les jus de fruits frais, original petit déjeuner ce matin… du genre qu’on appelle chez nous « pain perdu » (pain doré pour les québécois). Aussi excellent que nourrissant. Merci Élisabeth. Dès lors qu’elle recommence à cuisiner, c’est que ça va beaucoup mieux !!!

Le ciel, uniformément gris jusque-là, se dégage progressivement. Le bleu semble vouloir s’installer.

Nous terminons le ragout de porc après nous être ouvert l’appétit avec un excellent avocat. Cœur de bœuf en dessert (fruit) pour moi, ananas pour Élisabeth.

Comme à mon habitude, je tiens ce carnet « au fil de l’eau ». Au sens propre. Trop de choses se perdent sinon. Outre la rédaction de la présente version, depuis jeudi, je tente de combler mon retard sur les versions précédentes, non encore achevées. La descente La Rochelle – Cap Vert, la dernière « transatlantique » qui a suivi, les Antilles. Largement de quoi m’occuper si je considère que je voudrais être à jour lors de mon retour en Martinique mi-juin.

Je passe justement l’essentiel de l’après-midi sur le fil de l’eau de la transat. Je boucle une première relecture-correction-mise en forme de la totalité. Une grosse avancée avant les deux lectures plus fines à venir pour parvenir à un texte à peu près finalisé. Un peu de travail, l’écriture ! Une fois terminé, je soumettrai le fil à Arièle et Charles, mes équipiers d’alors.

Après un temps de calme, Élisabeth prend un doigt de rosé et moi, un fond de bière, entamée avant le départ et idéalement conservé grâce à mon bouchon spécial conservation pour bouteilles de champagne.

Selon la formule consacrée, nous « jasons »… discutons, de tout et de rien, des bateaux, des capitaines, des équipiers…

Le coucher de soleil profite, et nous avec (formule de chez moi), d’un ciel dégagé. La boule de feu s’enfonce progressivement dans la mer. La houle nous dissimule le dernier instant. Et puis non, sympa, elle se creuse au bon endroit et au bon moment. Elle laisse place à un magnifique rayon vert concentré et lumineux. Waouh… Le ciel se colore ensuite en orangé intense dans sa partie basse jouxtant l’horizon, progressivement plus doux dans sa partie haute. Magnifique. Encore des photos de ce registre, ce dont je ne manque pas !

17h – Nouveau point journalier des 24h. Depuis notre départ, nous avons parcouru 575 milles et sommes donc désormais bien engagés dans la deuxième partie du parcours sachant que l’on table sur un total approximatif de 1000 milles. Notre point de route à venir n’est plus qu’à 145 milles environ. Nous devrions l’atteindre, si les conditions se maintiennent, demain, aux environs de la même heure. Petit virage ensuite sur tribord pour rejoindre la pointe sud-ouest d’Haïti puis, montée directe nord-nord-ouest en direction de Santiago de Cuba. Ça ne sent pas encore l’écurie mais on s’en rapproche.

D’après l’AIS, nous sommes entourés de trois navires marchands répondant aux doux noms de Rintham (pétrolier, 333 m), CC Fort Fleur d’Épée (matières dangereuses, 219 m) et ICS Océanus (cargo, 104 m). La nuit dernière, nous avions croisé Taurogas un pétrolier de 96 m). Rien de bien surprenant maintenant que nous sommes relativement proches de la République Dominicaine et d’Haïti.

Le vent a molli, tandis que la houle a forci. Nous roulons allégrement d’un bord sur l’autre tout en profitant, si l’on peut dire, d’un tangage additionnel (avant-arrière) lorsque les vagues nous rattrapent ou que nous les descendons en surf.

Pâtes aux petits légumes et chèvre frais pour le souper/diner.

Nous autres gens, parait-il, civilisés, avons du mal à envisager de nous laver autrement qu’en nous douchant à grande eau. Le conditionnement fait tout. Pour le savon liquide (80% d’eau payée à prix d’or, sans parler du contenant en plastique). Assez étrange comme comportement. Mais comment donc faisaient nos grands-parents et ceux avant eux ? Le broc et la bassine… et ce qui devait être un gant de toilette (débarbouillette en québécois). Mes savons comme mes shampoings sont solides (à l’exception du savon spécifique utilisé avec l’eau de mer, je n’en ai pas trouvé). Eh bien figurez-vous que cette manière de faire est toujours opérationnelle. Je peux vous le confirmer par expérience.

Dans la lignée de ce que nous avons fait depuis le départ, j’assure le premier quart, 20h-22h ou 22h30 suivant mon degré d’endormissement à venir.

20h30 – Le vent nous joue des tours en termes de direction. De 160° (tribord amure), il passe à 190° (bâbord amure). Grâce au positionnement de la voile et au fait que la bôme soit bloquée, nous tenons presque le rythme… mais il ne faudrait pas pousser le bouchon trop loin.

21h – Il a osé !!! Je change donc de perspective et trace directement vers le point de route n°3 situé à 242 milles (17°55 N – 74°55 W). Pour l’instant l’angle que l’on gagne couvre le décalage d’orientation du vent. Mais on est quand même bien limite. Croisons les doigts pour que le vent ne bascule pas davantage.

Pour info, 4.000 mètres d’eau sous les quilles de Soa.

Lundi 27 février 2023 – Traversée Martinique / Cuba – Jour 5

05h – Queen Zenobia, pétrolier, 155 m à 9 milles

07h – Magnifique lever de soleil, pile-poil dans notre sillage.

Deux longs quarts plus tard (3h30 chacun), je prends la suite d’Élisabeth. Le fait de n’être que deux, apporte beaucoup de souplesse, dans ce domaine comme dans les autres, même s’il restreint le temps de sommeil nocturne. On se rattrape en journée.

Suite au changement de cap, la nuit s’est passée gentiment, le vent n’ayant pas tourné davantage. Ce matin, il est même quasi revenu dans son lit initial. Nous n’avons pas avancé très vite, mais on reprend un peu de vitesse ce matin.

8h – Maria P. Lemos, pétrolier, 333 m, visible à 5 milles… excusez du peu, 20 mètres de tirant d’eau !

À cette même heure, nous sommes à la verticale du Cabo Beata (35 milles), une langue de terre de la République Dominicaine, pointant au sud. Le prochain et dernier point de route avant la remontée vers Santiago est à 187 milles devant nous.

Ces questions de points de route, de caps, de positions, de cheminement, de vitesse… occupent toujours, en traversées, petites ou grandes d’ailleurs. On est là, on a fait ça, si les conditions se maintiennent, nous devrions être à tel endroit, à tel moment… Une façon de se projeter, d’anticiper mais aussi d’apprécier la distance parcourue…

Activé sur le mode « suivre l’itinéraire » (conduisant au point de route déterminé), le pilote nous permet un cheminement très rectiligne et parfaitement ciblé. Quand il fonctionne bien (voir dernière transat, fil n°23), ça change vraiment tout.

Tout au long de la journée, j’ai sérieusement travaillé à la reprise de mon fil de l’eau consacré à la transat 2021. Je suis désormais presque au bout. Une dernière relecture devrait suffire. Restera ensuite à sélectionner les photos correspondantes. Toujours un peu long aussi.

Fin d’après-midi sur la terrasse pour Élisabeth et moi, une demi-bière légère à portée de main. De là, vue plein champ sur l’horizon et le soleil qui se rapproche de son lieu quotidien de pseudo repos nocturne.

18h50 – Plusieurs fois deviennent coutume, le coucher de soleil est ni plus ni moins somptueux, ce soir encore. Le ciel totalement dégagé, nous offre un disque enflammé pénétrant lentement dans les eaux caraïbes, jusqu’au dernier éclat. Pas de rayon vert, cependant. Faudrait pas exagérer non plus !

Le vent à un peu repris de souffle, 15 nœuds réels. Toujours plein arrière, il se promène d’un bord sur l’autre, sans incidence particulière ni sur la GV, ni sur notre avancée. À noter, pour les non-initiés, qu’au portant, et notamment au vent arrière, la vitesse du bateau se soustrait au vent réel : 15 nœuds de vent réel moins 5 nœuds de vitesse de déplacement du bateau correspondent à environ 10 nœuds de vent effectif. Ce dernier est appelé « vent apparent ». C’est lui qui propulse le bateau. Pour l’essentiel par aspiration. Au près, c’est l’inverse, les deux vitesses s’additionnent.

Le « Golden Shiner », pétrolier de 228 mètres croisent notre route à distance plus que raisonnable (5 milles). Destination, Uruguay. Beaucoup de pétrole semble circuler par ici.

Demi-lune à la verticale de Soa.

22h30 – Je rends momentanément les armes et confie la surveillance à Élisabeth.

Mardi 28 février 2023 – Traversée Martinique / Cuba – Jour 6

8h00 – Le journal de bord m’appelle. Obligation légale, nous le renseignons toutes les trois heures, ce qui, outre le fait d’enregistrer nos coordonnées géographiques (GPS), nous permet de suivre l’évolution de notre cheminement, et, notamment, le nombre de milles parcourus. Pour la partie diurne de la journée, j’utilise une alarme pour rappel.

Matin très gris. La nuit a été un peu remuante. Plein vent arrière, vent apparent à 7/8 nœuds, houle marquée, on s’est baladé malgré les efforts incessants et pertinents du pilote. Le sommeil s’en ressent.

9h00 – Petit déjeuner pris, je tente de dérouler le génois afin de le mettre en ciseau, c’est-à-dire, sur l’autre amure que celle où est positionnée la GV. Ça tient plutôt bien et nous permet d’accélérer un peu, 4 nœuds au lieu de 3 avec à peine 9 nœuds de vent apparent mal placé (150° du mauvais côté).

Notre arrivée au point de bascule, pour remonter directement sur Santiago, ne sera sans doute pas pour aujourd’hui… sauf peut-être quelques minutes avant minuit. Sourire

10h – À l’inverse de ce que nous avons connu jusque-là (peu de manipulation des voiles), ce matin, nous nous en donnons à cœur joie vu les nombreux changements de directions du vent. Nous roulons le génois sorti il y a peu. Nous basculons la GV de bâbord à tribord… pas terrible comme résultat. Malgré les 20° supplémentaires pris pour trouver de l’angle, on n’avance guère. Nous remettons la GV dans l’axe du bateau et la rentrons. Place au génois seul cette fois. Nettement mieux. En revenant au 320° (310° à l’origine), il semble tenir, tout en permettant de naviguer autour de 5 nœuds. On suit l’affaire…

Fil de l’eau « transat » : matinée passée à sélectionner, retoucher, placer sur une page Word les photos du voyage. Il me reste à les légender et à faire une dernière relecture du texte. Je l’enverrai ensuite à Arièle et Charles pour ajouts, modifications, corrections…

14h – Malgré les 17 nœuds de vent réel, nous nous trainons à 4 nœuds… le courant que nous recevons de face, est désormais de 2 kt. Ceci explique cela… Nous sommes néanmoins à la verticale de la « Pointe à Gravois », partie la plus sud d’Haïti, à 58 milles de notre PR (point de route) n°4 positionné au 18°15.7 N – 74°51.2 W. De là, nous passerons entre le « Cap Carcasse » et l’ilot de « Navassa Island » situé à 28 milles à l’ouest de ce même cap. Nous pointerons ensuite le nez de Soa directement sur Santiago situé 115/120 milles environ, plus au nord. Comme dirait Didier, l’autre, celui de Saint Barth, « ETA » (estimation de l’heure d’arrivée) pour jeudi 02/03 dans la journée (il serait, lui, beaucoup plus précis que moi)…

En attendant, on se fait brasser dans tous les sens, la houle étant de nouveau très marquée.

17h30 – Après avoir retravaillé sur mes fils de l’eau les jours précédents, je m’accorde un après-midi relax. La terrasse est mon lieu idéal à cette heure qui voit le soleil descendre lentement, la lumière perdre de son intensité, le ciel se couvrir de rose-orangé. Mi assis, mi allongé, Soa me berce. Le bruit des vagues assure la musique d’ambiance, la mer, bleue et chatoyante, à l’infini… De la paix et du plaisir en intra-veineuse. Je suis particulièrement bien à cet instant, dans ces instants. Le plein sentiment d’être « à ma place », là où je dois.

Le soleil est descendu tranquillement. Le halo qui l’entourait s’est progressivement dissipé. Son cercle parfaitement et précisément dessiné, s’est comme posé sur l’eau, quasi sans bouger, pendant quelques instants. Le temps comme suspendu. Il s’est ensuite enfoncé dans les flots, centimètre par centimètre. Magique.

18h30 – Le génois qui se balade et commence à claquer, me rappelle aux contingences matérielles. Le vent à encore tourné d’une quinzaine de degrés. Ça ne colle plus, trop de risque de l’abîmer. Nous sortons la GV sans changer de cap, elle est déjà dans l’axe du vent. Nous roulons le génois ensuite puis positionnons la GV sur tribord, toujours déportée. Pour l’instant, le choix se révèle pertinent même si la houle, très marquée (3m parfois) la fait quelque peu déventer… mais la bôme la stabilise. Je prends quand même 15 degrés de marge pour être plus tranquille.

19h30 – J’ajoute 20° de plus… pas moyen de faire autrement pour l’instant sachant que je ne veux pas me rapprocher trop de la côte haïtienne, déjà relativement proche (18 milles). Surtout la nuit (barques de pêcheurs, filets ou autres engins flottants). Nous naviguons désormais plein ouest !!!

Comme les précédentes, cette journée est passée très vite, si vite que c’en est toujours surprenant. Très relative, la perception du temps qui passe…

Je termine le troisième pain complet frais… si l’on peut dire (boulangerie de Fort de France). Ils remplissent parfaitement leur office. À garder en mémoire.

La direction du vent continuant à fluctuer, je cale le pilote sur : « Maintien sous le vent apparent », 160° en l’espèce. Et je surveille l’effet produit… pas mirobolant et, qui plus est, non seulement on n’avance pas mieux, mais en plus, nous repartons quasi à l’ouest-sud-ouest. Dit autrement, on s’éloigne de Cuba. La seule solution qui nous reste est celle de tenter une remontée directe au nord-ouest… empannage (GV), et déroulement du génois. Ça devrait nous permettre de tenir.

22h30 – Élisabeth me rejoint, nous passons à l’acte. GV d’abord, génois ensuite. Tout se fait rapidement, nous sommes au point.

Dès l’opération terminée, je rejoins mon lit. Toujours un moment délicieux. Je croise les doigts pour ne pas être obligé de me relever trop vite.

Mercredi 1er mars 2023 – Traversée Martinique / Cuba – Jour 7

Septième jour… contrairement à d’autres, nous ne nous reposâmes pas.

02h – Je remplace Élisabeth. Notre option a porté ses fruits. Les voiles ont tenu malgré la faiblesse du vent réel (8 à 10 kt) et nous avons parcouru 13 milles en trois heures. Pas folichon, mais nettement mieux à tous points de vue. Il nous en reste cependant encore environ 27 avant de dépasser la Pointe Fanchon, la plus ouest d’Haïti. Autres bonnes nouvelles, le courant qui s’oppose à nous est désormais de moins d’un nœud et nous sommes protégés de la houle.

02h30 – Tandis que la lune, croissant orange, s’apprête à terminer sa course du jour (si je peux dire), je prends 15° de plus… afin de tenter de garder le génois opérationnel. In fine je ré-enclenche le mode « maintien sous le vent « avec un angle calé sur 125°.

Partis comme ça, à moins que les choses changent une fois la pointe dépassée, il va nous falloir deux jours pour couvrir les 130 milles qui nous séparent de Santiago. La pétole annoncée, sans doute. Vertigineux. École d’humilité, la voile. L’illusion de la toute-puissance n’est pas ici de mise. Avis aux candidats.

08h – Je me lève. Nous échangeons avec Élisabeth sur la stratégie cap/angle du vent, celui venant désormais du nord-est. Son essai à 90° nous est favorable. Le vent semble remonter très légèrement. Peut-être que lorsque nous dépasserons la protection d’Haïti, nous en aurons-nous un peu plus…

08h30 – Partant du constat précédent, je tente un angle à 70° qui nous conduirait en l’état, directement à Santiago… distant de 116 milles désormais. Soa accroche les 4 nœuds et même un peu plus, aidé par une mer quasi totalement plate et un vent réel auquel s’ajoute le vent vitesse de Soa (8 kt réel, 12 kt apparent). Inespéré. Pourvu que ça dure… Allez, petit déjeuner, avec cette satisfaction en tête. Ciel bleu et soleil compris.

09h – Ça y est, c’est vraiment reparti… 12 kt réels, 15 kt apparents, pointes à 6 kt pour Soa sur une mer somptueuse. Un modèle de navigation. Un groupe de dauphins vient fêter l’événement avec nous, virevoltant dans tous les sens, autour de l’étrave.

Je m’installe sur le siège de balcon arrière tribord, légèrement en hauteur compte tenu de la gite. Le vent glisse sur mon visage. Le soleil réchauffe ma nuque et ses rayons illuminent les voiles, d’un blanc chaud et doux. Cuba, ile de tant de rêves et de fantasmes, est devant nous, à portée de main. Le voyage, l’inconnu, la découverte, le désir de voir avec ses propres yeux, de toucher, d’entendre, de goûter… Une nouvelle fois, le sentiment d’être là où je dois s’impose à moi. Redeviendrai-je un jour terrien ? Peut-être, sans doute… ce qui est sûr c’est que sauf contrainte extérieure, ce n’est pas demain la veille.

Lorsque l’on arrive dans un pays étranger (non européen), le droit maritime impose de porter le pavillon jaune (lettre Q de l’alphabet pavillonnaire international). Il signifie que le bateau demande à entrer dans le pays et à faire les démarches administratives correspondantes (immigration des personnes, entrée du bateau, aspects sanitaire…). La coutume quant à elle, recommande de porter, par courtoisie, le pavillon du pays visité (et non de complaisance comme il se dit souvent). Pour ce dernier, j’ai mis le paquet, un beau et grand pavillon cubain (bleu, blanc, rouge lui aussi) que Soa portera, comme il se doit, sous la barre de flèche tribord (celle de bâbord pour le pavillon jaune). Chaque pavillon à un sens, le haut et le bas… y veiller. Ça fait désordre sinon (partie crochet en haut). Mon propre pavillon national faisant quelque peu pitié, j’en profite pour le remplacer par le beau, tout neuf, que Didier m’a offert pour mon dernier anniversaire. Un peu de dignité quand même !

10h15 – Nous laissons sur bâbord l’ile de Navassa, plus grande que ce que nous imaginions.

Élisabeth petit déjeune… café du matin où es-tu ? Compte tenu de notre allure actuelle, la centrale de navigation nous indique un atterrissage possible entre une et deux heures du matin. Ne souhaitant pas arriver de nuit, nous décidons de profiter du vent actuel pour nous rapprocher le plus possible de Santiago puis de ralentir une fois arrivés à une demi-douzaine de milles… afin d’effectuer notre entrée demain matin, au jour, dans la baie de Santiago. Marina et aspects administratif le matin après une bonne nuit… bien mieux.

13h – Melon, le dernier, légumes variés au four, poulet boucané deuxième… Nous profitons du four chaud pour y passer notre premier pain pré-cuit, longue conservation. Très bien, tout ça.

14h – Avant que je n’entame ma sieste quotidienne, nous réduisons le génois d’un bon tiers. Nous gagnerons en confort, ce que nous perdrons en vitesse… mais comme nous ne sommes pas pressés…

16h – Papotage concernant notre arrivée à Santiago. Carte de téléphone, Internet, change, taxis… etc.

17h – Malgré la pétole ou presque d’hier soir et de cette nuit, nous avons parcourus 100 milles durant ces dernières 24h.

18h – Le soleil est encore (très) haut par rapport à nos habitudes. Normal, il n’est, ici, en heure légale, que 17h. Nous modifierons l’heure des pendules, montres, ordinateurs et autres, seulement une fois arrivés. Demain donc.

20h – Diner pris, nous rentrons la GV et réduisons le génois d’un bon tiers afin de ne pas s’approcher à moins de 12 milles de Santiago. C’est à cette distance que nous devons prendre contact par radio avec les autorités maritimes locales.  Nous réglons notre vitesse sur 3 nœuds.

C’est parti pour la nuit.

Dans un sens ou dans un autres, sur un axe NE/SW, les navires marchands défilent :

  • Fédéral Rideau, cargo, 200 m
  • Reiner, cargo, 139 m
  • Tarago, cargo, 245 m
  • Dimitris C, cargo, 243 m
  • CMA CGM Kimberley, cargo, 366 m, vitesse 19kt
  • Nordamelia, cargo, 195 m, matières toxiques

Après une semaine de navigation, et avant de toucher terre, un point sur les modifications/améliorations apportées à Soa, s’impose.

  • La nouvelle couleur de coque, si j’en crois les très nombreux retours qui m’ont été faits, plait beaucoup. À moi aussi d’ailleurs !!!
  • Sièges latéraux de balcons arrière : beaucoup mieux dans leur nouveau positionnement.
  • Nouveau siège central de balcons arrière : il permet de s’assoir, le dos confortablement calé contre le boudin de l’annexe, tout en ayant une vue panoramique tant sur l’avant et les côtés du bateau que sur les instruments. Le tout, à l’abri du cockpit. Une trouvaille dont l’idée m’est venue en observant une installation un peu semblable sur un autre bateau, lors de mon dernier carénage.
  • Poulie de renvoi de la drosse d’enroulement du génois : une autre trouvaille très appréciable de mon esprit fertile (euh ?!) afin de rouler ce dernier grâce au winch électrique situé sur le côté opposé du cockpit. Impossible à réaliser avec le winch bâbord lorsqu’on est tribord amure, l’écoute s’y trouvant.
  • Allongement de la partie haute du bossoir de relèvement de l’annexe : excellent résultat qui permet de monter l’annexe plus haut tout en la calant bien et en la conservant horizontale. Il est, par contre, un peu plus lourd qu’avant. En navigation hauturière nous plaçons deux caisses plastiques ajourées dans l’annexe pour y conserver fruits et légumes, le tout protégé par la bâche que j’utilise, au mouillage, pour couvrir l’un des panneaux de pont de ma cabine. Un bémol, le bout de tissu ajouté entre le tube d’origine du bossoir et le nouveau, n’est pas terrible, il ne couvre pas assez. À revoir.
  • Obturation du tunnel du propulseur, aucun effet perceptible, mais rien d’étonnant à ça.
  • Modification du tube de maintien du radeau de survie : d’une part, il ne gêne désormais plus le relevage de l’annexe et, d’autre part, peut s’ouvrir l’annexe étant remontée. Fort utile en cas de besoin urgent.
  • Support de feu à retournement : le feu est parfaitement maintenu et au bon endroit par rapport à la bouée Silzig.
  • Fargues de siège central de carré et de couchette haute de la cabine arrière : elles remplissent désormais pleinement leur rôle. Grand merci, Luc !

Jeudi 2 mars 2023 – Traversée Martinique / Cuba – Jour 8

7h00 – Heure de Cuba désormais (8h Martinique / 13h France hexagonale). Je me sors du lit. Soleil levé, les hautes montagnes cubaines de la Sierra Maestra dont la Grande Piedra (gros bloc monolithique), s’étalent sur notre tribord. Impressionnantes.

Nous mettons un peu d’ordre, Élisabeth répartit les vêtements et autres qu’elle rapporte pour sa famille et ses amis, dans nos armoires respectives et dans la douche avec notre avitaillement… Elle risquerait de se les faire confisquer, croit-elle.

Pendules reculées, nous hissons les pavillons de courtoisie et de demande de clearance. Nous tentons ensuite, sans succès, plusieurs appels VHF sur le 16 (appel recommandé sur ce canal par les guides nautiques). Mon nouveau pavillon national est très classe… Il faut bien dire qu’il à une autre gueu…

Nous profitons pleinement de cette approche. Les montagnes qui se découpent dans le ciel, le bleu magnifique de la mer, le ciel parfaitement dégagé, Soa qui glisse tranquillement sur l’eau…  Et puis, le phare dont nous n’avons pas perçu l’éclat durant la nuit, le fort El Morro, imposant, qui garde l’entrée de la baie, côté Est… Tout cela, sans oublier l’espèce de jubilation d’arriver. Cuba, terre promise.

Parvenus à un mille de l’entrée de la baie de Salvador, moteur démarré, nous roulons le génois. Peu après, nous recevons un appel VHF de la marina… ils nous attendent. Nous embouquons l’entrée de la baie, un cargo en est sorti peu avant. Plusieurs bras de mer, l’ile de Granma sur notre bâbord, la marina et ses deux pontons verts, un peu plus loin à droite. Le responsable du port et son collègue de l’immigration nous attendent sur le ponton et nous indiquent par-là même, l’emplacement qui nous est dévolu. Seulement deux autres voiliers sont amarrés dont un désarmé. Arrivée plus facile, on cherche.

Tandis que je leur confie les papiers de Soa et nos passeports, ils nous demandent de rester à bord dans l’attente de la visite du médecin. Celui-ci, prévenu à l’avance de notre arrivée, arrive quelques minutes plus tard. Durant sa courte visite à bord, ils nous posent diverses questions, jette un œil rapide au réfrigérateur… et puis s’en va (ça fait quand même 30 € chacun !).

Quelques minutes après, nous retrouvons médecin et responsable de l’immigration dans l’un des bureaux de la marina. Le contact est chaleureux. Les papiers se font tranquillement après présentation de notre attestation de test Covid. Nous disposons désormais d’un visa sous forme d’un petit imprimé cartonné (75 €). À ne surtout pas perdre nous dit-on ! Étonnés de ne pas avoir de tampon « Cuba » directement sur notre passeport, il nous est indiqué que c’est afin de ne pas gêner les touristes qui voudraient ensuite se rendre aux USA. N’ayant aucune intention d’aller aux États-Unis, nous insistons pour avoir ce fameux tampon… ce qui est aussitôt fait.

Nous retrouvons ensuite le maître de port, pour finaliser l’entrée et la prise en charge par la marina, de Soa. Tout est rapidement fait. Les différents papiers, dont le fameux « despacho » nous seront remis dans la journée, ce qui fut chose faite.

Des propositions de taxi et de change nous sont faites. Ni l’une, ni l’autre n’est financièrement intéressantes. Pour ce qui est des poubelles, ce sera 5 € pièce…

Dans toute cette affaire, la maitrise de l’anglais (maître du port) et de l’espagnol par Élisabeth, représente un atout considérable !

Le sentiment du devoir accompli, nous déjeunons (légumes restants au four et poulet boucané) arrosés d’un petit verre de rosé. Café, Spéculos

Ensuite, nous attaquons la sieste, la nuit ayant quand même été quelque peu entrecoupée, particulièrement pour Élisabeth (il faut garder le capitaine en forme, il peut servir).

Le monocoque norvégien, bateau charter d’environ seize mètres avec à son bord un équipage de jeunes adultes, est sur le départ. Sa coque est rigoureusement de la même couleur que celle de Soa. Rigolo. Ils n’auront vu de Cuba, où ils ne sont restés que cinq jours, que la marina et Santiago.

Faute de Wifi mais ayant du réseau téléphonique, j’informe, par texto standard, Caroline et Didier de notre arrivée à bon port (c’est le cas de le dire. Chacun nous avait suivi par balise interposée.

Nous retrouvons ensuite le maître du port. L’étroit goulet de l’entrée de la baie s’affiche par sa fenêtre. Si nous en sommes d’accord, il veut bien échanger cette magnifique vue avec Soa.

Nous partons ensuite en balade. Nous découvrons le parc Franck Pais (jeune révolutionnaire de 22 ans tué à Santiago dont la statue en bronze et en pied trône au milieu du parc) qui surplombe la marina. Nous bravons courageusement l’interdit qui s’affiche à l’entrée (« no pass » sur un carton). La vue sur la baie est magnifique, Santiago au fond comprise. Il ne faut cependant pas oublier le complexe pétrolier tant de fois cité sur les guides et commentaires dont les hautes cheminées crachent paisiblement leur fumées (loin de nous pour l’instant mais ça ne durera sûrement pas).

Redescendus en bord d’eau, nous admirons, pieds dans l’eau, le coucher de soleil sur la montagne. Nous prenons ensuite le chemin du retour. Un groupe d’adolescents joue au base-ball, très pratiqué ici. Tandis que je les photographie, Élisabeth fait la connaissance de Rosa, la cinquantaine. Je les retrouve devant la maison de cette dernière en plein papotage. Son fils vient nous saluer. Le taux de change et le prix du taxi qui nous sont proposés ici sont sans commune mesure avec ceux de la marina. Nous changeons donc l’équivalent de 200 €/$ au taux de 1 pour 160 Cup (1/120 ou dans le meilleur cas, 1/140, sinon). Pour le taxi, l’aller-retour pour Santiago est à 15 € au lieu de 25. Pour compléter le tout, une carte Sim de 20 Go nous et proposée pour 45 €. En comparaison, Élisabeth a payé son Go canadien 20 $ soit environ 13 €). Banco. Nos hôtes nous offrent, à l’intérieur de leur petite mais proprette maison, un excellent jus de coco. Nous convenons d’un transport à Santiago, pour le lendemain matin 10 heures ainsi que d’une tournée de lavage pour Élisabeth… et d’un diner le lendemain soir « à la maison ».

Une telle arrivée se fête… De retour à bord, nous passons aux punchs sous forme « Ti » ou « coco », s’imposent. Nous y souscrivons.

Une embarcation à moteur, genre grosse barque, passe dans la nuit à proximité de nous. Bruit du moteur genre « teuf, teuf » et odeur type « huile de ricin ». Bienvenue au pays de la débrouille.

Merveilleux atterrissage… merci Cuba !!!

Balade à Cuba – Partie II – Santiago de Cuba, Barraco, Granma

Vendredi 3 mars 2023 – Santiago et sa baie – Jour « 1 »

Lever de soleil tout en fluidité sur la baie…

Outre le voilier désarmé amarré devant Soa, la marina est à nous !!!

Après une nuit idéalement calme et tranquille, un petit déjeuner consistant, nous partons pour Santiago. Un terrain de jeu connu pour Élisabeth, une découverte pour moi.

Pour l’occasion, histoire d’avoir des clichés le plus qualitatif possible, j’emporte mon appareil photo. Un vrai celui-là, un Canon, de taille moyenne, avec un gros capteur. C’est l’occasion ou jamais.

Le taxi réservé la veille nous attend devant chez Rosa. C’est parti pour Santiago de Cuba.

Magnifique centre-ville, cathédrale impressionnante, Grand Hôtel au bar chic duquel nous prenons un café, maison la plus ancienne de la ville de l’autre côté de la place centrale… Nous sommes au cœur de ville. Et puis, ses rues, son histoire, celle de la (deuxième) « Révolution » dirigée par « Fidel » comme il se dit ici. Précisément lancée depuis Santiago pour faire tomber le pouvoir de Batista en place (aux ordres des USA, ayant eux-mêmes remplacé l’Espagne). L’idée des révolutionnaires était simple, rendre Cuba aux cubains. Dans les villes comme dans le pays entier, les cubains d’aujourd’hui se considèrent massivement comme les enfants de cette histoire.

Nous visitons le musée établi dans la Casa de Lucha Clandestina… bien que nous n’ayons pas eu d’assez petites coupures pour payer l’entrée. Sont retracées ici, les étapes de cette aventure à laquelle était notamment associé, le bien connu « Ché Guevara ». Trois adorables écolières en tenue scolaire, étaient là pour préparer des visites qu’elles vont avoir à accompagner. Nous avons le plaisir de pouvoir échanger avec elles. Un vrai plaisir que cette rencontre rafraichissante. La maison de Fidel fait face au musée.

Dans la rue, comme à l’intérieur de la cathédrale, nous sommes sollicités pour du savon, des stylos…

Les rues aux façades colorées sont animées, les marchands ambulants de fruits et légumes sont aux quatre coins, attendant le chaland…

Nous atterrissons à la Casa de la Trova, haut lieu de musique traditionnel.  Élisabeth, qui démarre au huitième de tour, se trouve immédiatement un partenaire pour danser. Une veille cubaine qui se trouve là, danse ensuite avec elle. L’orchestre s’en donne à cœur joie. J’achète trois coffrets compilant, parait-il, les meilleurs morceaux de différents groupes connus et appréciés, ici.

Nous déjeunons au restaurant. Une terrasse couverte au troisième niveau, avec vue sur les toits et sur un des bras de la très belle baie de Santiago. Le port de commerce est presque à nos pieds.

Très bel et agréable premier contact avec cette ville.

Le soir, nous honorons notre engagement du repas (payant) chez Rosa. Typiquement cubain … ambiance, contenu des assiettes… petit profit.

La nuit devrait être bonne.

Samedi 4 mars 2023 – Santiago et sa baie – Jour « 2 »

Santiago, deuxième visite.

En fin de matinée, nous retrouvons, chez elle, Olguita, la nièce d’Élisabeth. Une jeune femme (37 ans) tout à fait remarquable. Chirurgienne de son état. D’une simplicité à toute épreuve, un sourire permanent aux lèvres, dynamique et adorable. Elle habite une maison comme beaucoup d’autres qui appartenait à sa mère, décédée. Très, très simple, la maison selon nos critères de riches. À elles deux, elles ont mis dix ans à économiser suffisamment pour parvenir à faire faire carreler le plan de travail de la cuisine et la salle de douche/WC.

La cuisine intègre un évier à deux bacs et une cuisinière (en pied) au gaz. Beaucoup d’ustensiles de cuisine fonctionnent à l’électricité. Heureusement d’ailleurs, avoir du gaz est une galère absolue nécessitant de faire une queue interminable… lorsqu’il y en a de disponible. Ne surtout pas le louper lorsque c’est le cas. Chaque cubain possède une sorte de carte d’approvisionnement pour le gaz comme pour d’autres choses.

Nous déjeunons chez elle à midi… puis partageons le diner dans un petit restaurant sympa (4 tables). Économique pour nous (l’équivalent de 35 € apéritifs compris), hors de prix pour la quasi-totalité des cubains sachant que le salaire minimum est d’environ 20 € par mois. En tant que chirurgienne Olguita gagne l’équivalent de 40 € (oui, quarante, vous avez bien lu).

Nous rejoignons ensuite, recommandée par tous, la « Casa de las Traditionales »… Soirée endiablée. Un orchestre local se produit dans cette maison assez grande qui comporte plusieurs pièces. Ambiance familiale sympa. Chacun danse en toute simplicité. Les hommes comme les femmes invitent en toute simplicité. Un public, à quelques rares exceptions près, plutôt un peu âgé. J’ai eu les honneurs d’une ancienne danseuse professionnelle, belle grande femme d’un noir d’ébène. Mon Afrique quasi natale. 

Dimanche 5 mars 2023 – – Santiago et sa baie – Jour « 3 »

Devant rentrer à la marina dans la journée, nous mettons à profit la matinée pour acheter des fruits et des légumes à destination de Geneviève et Wilfredo. 

Devant l’endroit de la distribution du gaz, toujours la queue.

Lundi 6 mars 2023 – Santiago et sa baie – Jour « 4 »

Nous rejoignons Verraco, là où habitent Geneviève, la sœur d’Élisabeth et son mari, Wilfredo. Un de leurs amis de la communauté artistique où ils habitent, se charge de notre transport. Sa Lada d’un beau bleu clair, pur modèle soviétique, est d’époque. Il en reste ce qui peut. Plusieurs arrêts pour activer la pompe à essence seront nécessaires durant l’heure qu’il nous faudra pour couvrir les 30 km du parcours.… Les amortisseurs depuis longtemps HS. Il faut bien dire que les routes sont très souvent défoncées. Pour nous accueillir, Wilfredo a fait le déplacement.

Geneviève et Wilfredo sont l’un et l’autre artistes. Lui principalement sculpteur… elle, principalement peintre et écrivaine. Wilfredo annonce par ailleurs deux passions, sa femme et la pêche !

Ils habitent une maison fournie par l’État. Plusieurs maisons ont été implantées là, au milieu de rien, afin de constituer un regroupement d’artistes. Pourquoi là, loin de tout sauf de la mer. Je ne sais si quelqu’un le sait. Sans doute une façon d’occuper le territoire. La dizaine de maisons une dizaine environ sont du même type. Plutôt sympas d’ailleurs. En complément, la « communauté » dispose de locaux spécifiques pour les différents artistes ainsi qu’une très grande pièce d’exposition. Difficile de trouver plus calme…

Élisabeth et Geneviève ne s’étant pas vues depuis plusieurs années, l’émotion est au rendez-vous.

Nous fêtons Noël avant l’heure… bons vins de Bordeaux et d’ailleurs, cubitainers de vin blanc et rosé, confit de canard, pain, café… mais aussi, brosses à dents, savon, lessive… Toutes choses faciles d’accès pour nous, introuvables pour certaines ici.

Le bouchon du vieux Bordeaux étant quelque peu récalcitrant, Wilfredo sort son arme fatale. Une longue lame de couteau qu’il a effilée et qui permet de décoller le bouchon du verre en l’enfonçant autour. Et ça fonctionne. Chapeau Monsieur.

Geneviève n’est pas en reste concernant les trouvailles. Elle fait quasi tout… torréfie son café, fait des fromages et des yogourts quand elle a du lait, fait du pain quand elle a de la farine… etc. Par ailleurs, elle nourrit jour après jour, ses quatorze chats, ses canards et ses deux chiens… Pas un petit boulot… mais, il faut bien le dire, les œufs de canne au petit-déjeuner sont un régal.

Comme il se doit, nous déjeunons et soupons à la mode cubaine… le riz est partout, toujours.

La fin de soirée est animée, nous abordons les questions politiques… guerre en Ukraine, argumentaire poutinien… les russes ont attaqué parce qu’ils étaient attaqués… Cuba, victime de l’embargo et de la corruption interne… Guantanamo, l’américaine, toute proche… Chaud, chaud.

Côté Internet, je n’ai pas réussi à me connecter. Élisabeth y parviens après moult tentatives. Mais ça ne dure pas. Bien loin de nos standards d’aujourd’hui. L’antenne située à quelques centaines de mètres n’est pas opérationnelle, les câbles ont été coupés lors d’une manifestation locale.

Mardi 7 mars 2023 – Santiago et sa baie – Jour « 5 »

Après une nuit très calme, c’est le chant du coq qui sonne le rappel. Nous prenons notre petit déjeuner sur la terrasse… ce qui me rappelle ma très lointaine vie à la campagne.

Je potasse ensuite un peu d’espagnol, confortablement installé dans le jardin.

Je n’ai toujours pas de réseau. L’« aïefooone » d’Élisabeth en a un peu. Je parviens à me brancher sur son téléphone mais le tout est très, très aléatoire.

Wilfredo me confectionne une lame de couteau identique à celle que nous avons utilisée pour la bouteille de Bordeaux. Grand merci à lui. Il offre à Élisabeth un écailleur de son cru réalisé à partir d’une fourchette. Original.

Comme vous le savez, Wilfredo est passionné de pêche. Il me présente sa collection de moulinets. Des petits, des gros, des, pour ceci, des, pour cela… Soigneusement emballés et protégés ils sont enfermés dans une solide boite en bois cadenassée. Plusieurs cannes à pêche complètent le tout. Impressionnant.

Nous consacrons justement une partie de l’après-midi à la pêche depuis la jolie petite plage située à une quinzaine de minutes à pied de la maison. Pêche au lancer dont nous reviendrons bredouilles.

Le sommet de la route qui contourne et surplombe la plage est, parait-il un bon endroit pour les connexions Internet. Je tente ma chance… avec succès.

Ici comme ailleurs, les Urubus, vautours à tête rouge chers à Lucky Luck, sillonnent les airs.

Geneviève et Wilfredo nous font visiter l’immense salle dans laquelle sont exposées quelques-unes de leurs œuvres. Peintures de l’un et de l’autre, sculptures de Wil du grand au petit… 

Le rhum martiniquais est très apprécié de nos hôtes… qui décrètent qu’il est meilleur que celui de Cuba.

Ils apprécient également beaucoup le vin blanc, Geneviève tout particulièrement.

Nous consacrons une bonne partie de l’après-midi à la plage. Les deux sœurs font dans les souvenirs familiaux. L’émotion est visiblement au rendez-vous. Cela faisait cinq ans qu’elles ne s’étaient pas vues.

La météo marine prévoit une risée pour mardi et le retour du vent pour jeudi…

Une luciole, impressionnante de luminosité vole dans le jardin. Étonnant.

Olguita nous rejoint sur le tard.

Mercredi 8 mars 2023 – Santiago et sa baie – Jour « 6 »

Ce jour est un jour de fête. Il y a de l’eau au robinet. Les canards sont de la partie, ils pataugent avec délice. Soit dit en passant, leurs œufs cuits au plat de ce matin, m’ont régalé.

Wilfredo et moi partons pêcher, nous laissons les sœurs « jaser », comme l’on dit là-bas. Wilfredo prend un poisson pour chats, très effilé mais, parait-il, pas gouteux du tout.  

Urubus, vautours tête rouge version Lucky Luck, occupent le ciel.

Je regarde Windy (météo marine)… pas fabuleux. Élisabeth et moi décidons d’un retour à la marina demain jeudi… pour pouvoir faire du gazole vendredi matin… s’il y en a… Nous reviendrons ensuite à Santiago vendredi soir pour une nouvelle soirée partagée avec Olguita. Restaurant et Casa Particulares… 

Après l’eau du matin, l’absence de courant du soir. Ainsi va la vie locale.

Après un petit rhum en apéritif, le diner est l’occasion de faire un sort à la bouteille d’un litre et demi de Bordeaux.

Jeudi 9 mars 2023 – Santiago et sa baie – Jour « 7 »

Après le copieux et gouteux petit déjeuner, Geneviève partage sa musique avec moi. Elle me conseille sur ce qui lui parait valoir le coup d’être copié. Il y a de quoi faire ! Merci.

La Lada d’Osvaldo, qui devait nous ramener à la marina, est en panne. La batterie est au bout du bout. Impossible de démarrer. Sachant qu’une batterie vaut la bagatelle d’environ 300 €, la Lada risque de rester immobile très longtemps. C’est son neveu, venu à la rescousse avec sa Jeep jaune pétard qui prend le relai. Sa voiture a belle allure. Le moteur d’origine a été remplacé par un modèle Hyunday. La direction, elle, est d’origine Toyota… À fond la caisse, nous frisons les 60/70 km.

Une très affectueuse pensée et tous mes chaleureux remerciements à Geneviève et Wilfredo qui nous ont accueillis merveilleusement et qui m’ont permis de découvrir Cuba de l’intérieur avec ses conditions et difficultés de vie… où même se nourrir relève parfois pour ne pas dire souvent, du parcours du combattant.  Trois jours de dépaysement et de calme. Trois jours hors normes, tels que je les aime.

Retour donc à bord de Soa… qui s’est vu lâchement attaqué par les tâches jaunes que produisent les fumées acides de l’usine voisine. Il en est couvert. Beurk !

Je retrouve mon lit douillet…

Vendredi 10 mars 2023 – Santiago et sa baie – Jour « 8 »

La nuit fut tranquille, le petit déjeuner consistant dans une version pain perdu/doré concocté par Élisabeth.

Contrairement à ce que nous avions imaginé, pas de gazole ce matin, un remorqueur qui est passé par là, a tout pris… Ce devrait donc être pour lundi. Inch Allah.

Malgré l’utilisation du produit adhoc vendu par la marina, la tentative de nettoyage du pont et rouf est un échec. Les tâches nous la jouent moqueuse…

Nous procédons à un complément d’eau dans les bidons, même si seulement 60 litres ont été consommés depuis le départ. Très, très raisonnable…

Oups, un catamaran vu en Martinique, arrive. Il se met à l’ancre à proximité des pontons. Le skipper-propriétaire fait preuve d’un brin d’arrogance, j’ai fait ci, j’ai fait ça, mon catamaran ceci…

Je consacre le reste de la matinée à quelques nécessités administratives.

Dans l’après-midi, nous repartons à Santiago où nous retrouvons Olguita dont le visage est immanquablement illuminé par un large sourire. Nous rejoignons un peu plus tard un restaurant dont nous avons trouvé l’adresse dans un guide. Fermé depuis quelques mois déjà. Nous nous rabattons sur celui déjà expérimenté et apprécié. La nuit tombe sur la terrasse haute. Le ciel et les montagnes rougissent. Très beau spectacle.

La Casa de las Tradionnales résonne de la musique d’un autre groupe cubain que celui écouté la fois précédente. Belle et vivante musique. Musiciens simples et sympas qui, pour nous, jouent avec le mot France. Ils se laisseront photographier en groupe, avec plaisir.

Sur le chemin du retour, à proximité du Malecon (balade bord de mer), nous trouvons du pain. Malgré notre présence à ses côtés, Olguita se fait apostropher par un groupe de garçons : « Naturaleza » ! Beauté de la nature, belle créature. Pas volé quant à la réalité.

La nuit bruisse de mille bruits… certains quelque peu entêtants.

Samedi 11 mars 2023 – Santiago et sa baie – Jour « 9 »

07h – Réveil matinal. Olguita a rendez-vous chez ACTESA, le Orange local, où doit lui être remise, une nouvelle carte SIM pour remplacer celle volée avec son téléphone. La tortilla est néanmoins présente.

08h – Une belle foule est déjà présente devant l’agence. La queue est parfaitement respectée à l’ouverture des portes. Il ne viendrait à l’idée de personne de tenter de frauder. Olguita a un rendez-vous, elle signale sa présence et attend d’être appelée. Une heure plus tard, SIM en poche, nous prenons la direction du mercado (marché) en espérant trouver notre bonheur.

Nous repartons avec mille choses, au maximum de notre capacité d’emport. Nos sacs à dos et sacs de courses débordent. Nous ne savons en effet pas du tout ce que nous allons ou non trouver à acheter lors de nos escales à venir.

Chiricos, rien, nous n’aurons pas l’autorisation de descendre à terre. Maria de Pilon et les suivantes… ce sera la découverte. Puis, dans les jardins de la Reine, en dehors du poisson, ce qui est déjà très bien, sans doute rien ou quasi… d’où ce « r-avitaillement » conséquent.

Après avoir déposé tout cela chez Olguita, nous partons à la recherche de goyaves et de pain tout en rejoignant la « Fabrique de Ron » de Santiago (rhum). Héritière de Bacardi, émigré aux USA peu après la « Révolution » castriste, elle a la cote auprès des locaux. Petit musée, belle salle de dégustation avec exposition de fonds de tonneaux parfaitement alignés et de diverses grandes bouteilles de rhum. Le rhum de sept ans d’âge, agricole brun, se révèle très correct. Il a le goût de ce qu’il titre (40°) contrairement à beaucoup d’autres largement coupés. Nous faisons l’acquisition de quatre bouteilles dont une pour Geneviève et Wilfredo. Je me prends une très belle bouteille d’un tirage spécial réalisé pour une institution française. Elle sera parfaite pour compléter ma vitrine… et ma collection. Un des fils de mon voyage.

Nous déjeunons en terrasse. Trois assiettes de très bonne facture pour l’équivalent de 15 €. Rien pour nos bourses… presque un salaire mensuel pour un cubain lambda.

Une sieste plus tard, c’est le moment de se quitter. Une des caractéristiques du voyage, la rencontre et… la séparation qui s’en suit. Souvent pleine d’émotion. Je baptise Olguita : « Reina naturaleza de Santiago ». Une jeune femme véritablement adorable.

Sur le chemin du retour, à notre demande, notre chauffeur (celui qui nous a ramenés de Varraco), nous conduit à un tout petit magasin où nous pouvons acheter de la bière. 200 cup chaque soit 1,20 € pour 25 cl. Hors de prix, là encore, pour les locaux.

Nous retrouvons le calme de la marina, Soa et le coucher de soleil… qui illumine la baie.

Dimanche 12 mars 2023 – Santiago et sa baie – Jour « 10 »

En fin de matinée, le bateau de transport de la marina nous conduit sur l’ile Granma située à quelques centaines de mètres (nous n’avons pas l’autorisation d’y aller en annexe). Le conducteur nous conseille le restaurant local « El Cayo » au pied duquel il nous dépose. La salle est déjà bien pleine. D’autres candidats au repas, arrivent. Nous sommes les seuls étrangers. Daniel, notre serveur, est particulièrement attentif et chaleureux. Il connait quelques mots de français et, en bon professionnel, sait en user. De belles nappes sur toutes les tables, des serviettes en tissu pour parfaire l’ensemble, le tout directement posé sur les eaux de la baie.

Le téléphone d’Élisabeth n’affiche pas la même heure que le mien. Heure du bord, heure de Martinique, de Québec ?

Nous prenons deux assiettes de thon dont l’une, la mienne, agrémentée de crevettes (11 € les deux). Servi bien frais dans son bac à glace, le petit rosé espagnol que nous avons choisi, fait notre bonheur (5,50 €). Nous emportons d’ailleurs deux bouteilles supplémentaires dans nos bagages…

Avant de partir à la découverte de l’ile, nous négocions avec le propriétaire d’une barque pour qu’il nous transporte un peu plus tard, à proximité du fort El Morro, situé à l’entrée de la baie.

L’ile est petite, nous en faisons facilement le tour, en empruntant le large chemin fait tout exprès. Des maisons en dur mais aussi, beaucoup de maisons en bois. De toutes les couleurs. Endroit hors du temps pour nous, mais tellement authentique.

Après notre petite traversée, une demi-heure de marche nous fait rejoindre le fort. Planté là pour défendre l’entrée de la baie, sa construction a débuté en 1638 et s’est étendue sur plus d’un siècle, remaniements compris. Rénové autour de 1960, il a belle allure. La vue qu’il offre sur la côte est aussi magnifique qu’imprenable. À l’opposé le phare blanc de la pointe… dont nous n’avons pas vu l’éclat la nuit de notre arrivée.

Un bus local, genre prison (on ne trouvait pas la porte d’entrée !) s’arrête près de nous alors que nous avion entamé notre descente, à pied, vers le ponton. L’espèce de barge que nous prenons… nous ramène sur l’ile. Perdu. La suivante sera la bonne. Une sorte de plate-forme en acier qui crache une fumée noire et odorante… mais qui fait le boulot de façon fort sympathique.

Soa nous tend les bras pour cette avant-dernière soirée.

Lundi 13 mars 2023 – Santiago et sa baie – Jour « 11 »

Nous consacrons ce lundi aux préparatifs de départ.

Mission numéro 1, l’indispensable complément de gazole. La pompe n’étant pas accessible directement (1,20 m d’eau seulement pour un tirant d’eau de 1,90 m pour Soa), je libère l’annexe de ses attaches sur l’arceau arrière (je n’y avais pas touchée depuis notre départ de Martinique) et la mets à l’eau. Quelques pressions sur la poire à essence, un peu de starter et je tire sur la « ficelle » de démarrage. Bloquée, complétement bloquée !!!!! Bon, ça commence bien. Je manipule le levier de sélection : point mort, marche avant, marche arrière… Cette dernière ne passe pas sauf si je tourne l’hélice à la main. Je sèche. Le maître de port nous oriente vers un homme qui travaille sur un bateau local sur le même ponton que Soa. Il intervient gentiment. Démonte le lanceur, enlève les bougies, fait tourner la partie interne du lanceur avec une clé, remonte le tout… et c’est reparti. Ouf !!! Bizarre quand même cette compression résiduelle.

Compte tenu de ce contre-temps, Élisabeth s’est occupée d’organiser le transport de mes deux bidons de 20 litres par voie terrestre. L’un des marineros pousse le diable. Partis pour 200 litres, vu le prix, nous en mettons 280 litres soit sept tours. Je me charge du remplissage via l’entonnoir-filtre, spécial anti-eau. J’ajoute, comme toujours, un produit anti-bactérien (Soromap). Nous paierons, indépendamment du pourboire au transporteur, 41 € (0,15 € / litre) !!! Si pas de problème, à ce prix-là, pas dit qu’on n’en reprenne pas davantage avant de quitter Cuba.

Magnifiques côtelettes d’agneau aux pommes de terre sautées accompagnées de verdure, pour le déjeuner. Nous finissons la bouteille de rosé entamée au restaurant la veille. Bel ananas pour finir… Café, Spéculos. Merci Élisabeth.

Mission numéro 2, nettoyage. Du bateau et de ses occupants. Après la sieste nous attaquons, en profitant du fait qu’il y ait de l’eau, une fois n’est pas coutume, sur le ponton. Je nettoie les panneaux solaires, la partie intérieure de la casquette ainsi que les vitres et tous les capots. Les parties métalliques de ces derniers se salissent vite du fait de la condensation. Élisabeth se charge de la salle d’eau et de la cuisine. Nous terminons par le sol du cockpit.

Un peu de lessive ensuite puis, les douches. On ne sait pas quand nous trouverons d’autre eau courante. Nous en avons néanmoins encore près de 600 litres à bord.

Sophie, potentielle équipière pour juillet m’apprend que mon commentaire sur Marie-Ange est désormais en ligne sur Vogue. Ça a mis le temps. À ce sujet, le courriel que j’avais adressé à Antoine, patron de Vogue, est resté sans réponse. Aurait-il, néanmoins, eu un effet ?

Petite bière pour Élisabeth, rhum arrangé aux maracujas pour moi… histoire de célébrer cette très excptionnelle première étape cubaine.

Je remercie, ici, une nouvelle fois, Geneviève, Olguita et Wilfredo pour leur accueil plus que chaleureux. Je ne pouvais rêver plus belle et plus riche introduction à ma découverte de Cuba. Grâce à eux et à Élisabeth, dix jours fantastiques, en pesant mes mots.

Balade à Cuba – Partie III – Santiago de Cuba à Cabo Cruz

Mardi 14 mars 2023 – Santiago de Cuba à Cabo Cruz

Lever de soleil de rêve !!!

8h30 – Après avoir petit-déjeuné, récupéré par hasard de nouveaux papiers auprès de l’immigration (nous pensions les avoir déjà tous), nous larguons les amarres et quittons Santiago.

Ciel bleu, soleil, eaux de la baie quasi sans une ride, nous laissons l’ile de Granma sur tribord puis le fort de Morro sur bâbord. La mer des Caraïbes s’offre une nouvelle fois à nous. Nous avons même un peu de vent…

La côte et ses montagnes défilent ensuite sur tribord. Magnifique paysage quasi exempt de la main de l’homme (et de la femme bien sûr). Vent et absence de vent alternent comme souvent à proximité de la terre. Le moteur prend le relai à plusieurs occasions.

Comme lors de notre arrivée à la marina de Santiago, le moteur ne tourne qu’à moitié rond. Fil dans l’hélice ou autre. Il tousse (mais ne crache pas encore) lorsqu’on l’arrête. Inhabituel.

11h – Le vent bascule sur bâbord et vient désormais du SW. Brise thermique, sans doute due aux vitesses différentes de réchauffement de la terre et de la mer. Il n’est pas plus nerveux pour autant.

Aucun bateau dans les parages. Ni barque non plus, elles sont interdites… du fait parait-il de la proximité de l’enclave américaine de Guantanamo (80 km). Mais, que fait-elle là ? Question de sécurité parait-il (pour qui ?). On y croit, si on veut bien.

12h – Quelques milles plus loin, changement de programme. Nous rencontrons, non pas des barques, mais des embarcations d’une dizaine de mètres. Nous apercevons simultanément ce qui ressemble à la signalisation d’un casier (avec drapeau, contrairement à la Martinique et à la Guadeloupe mal élevées). Et puis des flotteurs jaunes vraisemblablement porteurs d’un très long filet. Compte tenu de mon expérience guyanaise, je suis très méfiant avec ce genre de chose. Nous faisons en sorte de contourner l’ensemble. Les pêcheurs qui ont fini pour nous rejoindre (nous avons ralenti), nous indiquent que nous pouvons passer sans problème entre les flotteurs. Nous reprenons notre cap vers Chivirico.

14h – Peu ou quasi pas de vent (et donc, moteur pour partie)… et pourtant, une navigation de rêve le long de cette très montagneuse côte Sud de Cuba. La sierra Maestra en impose. Côté navigation, une promenade de jeune fille, comme l’on disait parfois dans le temps.

L’approche de la toute petite baie de Chivirico sollicite toute notre attention. Après une remontée au 337° vers la côte (discret amer blanc difficile à repérer, au ras de la berge), nous bifurquons au 270° pour entrer dans la passe bordée par la terre sur tribord et la barrière de corail sur bâbord, une trentaine de mètres entre les deux. Côté corail trois piquets dont le premier est affublé d’un volume blanc (non identifié) qui lui est suspendu. Le fond est ensuite compté, guère plus de deux mètres. La baie elle-même ne doit pas faire plus de 150 mètres de large sur un peu plus de long. Bordé par quelques maisons par-ci par-là, ce refuge de pêcheurs est un très bel endroit (6 à 7 barques au total). La mangrove y a pris ses aises sur la rive nord.

Le coucher de soleil au-dessus des arbres, est à la hauteur du lever du jour.

En fin de soirée, les « teuf-teuf » du moteur des barques se font entendre. La pêche terminée, chacun regagne la terre. Peut-être pourrons-nous négocier quelque poisson demain…

La baie est quasi dans le noir. Les étoiles marquent leur territoire nocturne. Sans vergogne aucune. Le silence n’est déchiré que par quelques aboiements de chien et coassements de crapauds. Autre endroit et moment hors du temps. Ce lieu me rappelle la baie des singes hurleurs, de Trinidad et Tobago. Impressionnante elle aussi.

Mercredi 15 mars 2023 – Santiago de Cuba vers Cienfuegos – Chivirico

Nuit très calme interrompue tôt ce matin par un concert de coqs. Une vraie cacophonie. Le chef d’orchestre est complétement à la rue.

Le premier Teuf-teuf longe Soa sur le coup de 6h30. La journée est partie, bien que le soleil soit toujours dans les limbes.

Après une interruption conséquente, je reprends ma « gym » ce matin. Stepp, gainage, pompes… Ça ne fera pas de mal.

Appel de Sophie pour juillet à qui je parviens à parler grâce une faible mais réelle connexion locale.

Pendant ce temps, en métropole, le feuilleton de la réforme des retraites bat son plein. Épisode surréaliste s’il en est.

Alain Supiot publie dans le Monde un article particulièrement intéressant et au titre évocateur : « Un gouvernement avisé doit se garder de mépriser la démocratie sociale »

Il met en balance la démocratie politique (la légitime représentation nationale) et la démocratie sociale (les français qui manifestent) avec cette métaphore empruntée à John Dewey :

« Il est impossible aux intellectuels de monopoliser le type de connaissance devant être utilisé pour la régulation des affaires communes. Plus ils en viennent à former une classe spécialisée, plus ils se coupent de la connaissance des besoins qu’ils sont censés servir. Celui qui porte la chaussure sait mieux si elle le blesse et où elle le blesse, même si le cordonnier compétent est meilleur juge pour savoir comment remédier au défaut. »

Autre métaphore, celle qu’il propose inspirée par l’étymologie du mot « gouvernant » (celui qui tient le gouvernail) et qui nous rapproche de ce fil de l’eau :

« On pourrait dire que la démocratie sociale remplit pour les dirigeants d’une démocratie politique, une fonction comparable à celle de la vigie qui évite au capitaine d’un navire de prendre les cartes marines pour les réalités de la mer. Le dernier mot, c’est bien connu, doit rester au capitaine, mais on ne voit pas bien comment celui qui prétendrait gouverner « en même temps » à bâbord et à tribord en ignorant les alertes de la vigie, pourrait échapper un jour au naufrage… »

Ma très modeste contribution à cette situation ubuesque.

Suite à la vibration anormale du moteur, je mets l’après-midi à profit pour descendre inspecter l’hélice… même si je ne crois pas qu’elle soit en cause. L’eau est verte et très opaque. Il faut avoir le nez dessus pour voir quelque chose… en l’occurrence rien, comme je le pensais. Ni fil, ni problème de mobilité des pales… D’autres pistes sont désormais à explorer.

La météo ne prévoit guère de vent sur notre parcours de demain. Nous décidons donc de surseoir et de reporter notre départ pour Marea de Pilon à vendredi. Deux jours de repos… très bien.

Soirée tranquille. Les pêcheurs quittent l’abri quasi les uns derrière les autres aux alentours de 18h30. 

Jeudi 16 mars 2023 – Santiago de Cuba vers Cienfuegos – Chivirico

Nous doublons la mise, le vent étant incertain pour aujourd’hui et l’étape à venir vers Marea de Pilon, assez longue (45 milles). Curieusement, des rafales assez fortes secouent Soa…

10h00 – Retraite. Le gouvernement engage sa responsabilité et recourt au 49.3. Vive la démocratie !!!

Élisabeth est tous azimuts ce matin. Yaourts, cuisine d’un ragout d’agneau au curry, réservation de notre transport entre Cienfuegos et La Havane. Avant-hier, elle avait réservé une Casa Particular pour notre séjour à Trinidad. Le top !!!

Je sollicite mon ami Dominique pour obtenir son éclairage quant aux vibrations du moteur. Soigner la mécanique… essentielle. Il confirme ce que je m’étais dit, un problème d’arrivée un peu insuffisante du gazole due sans doute à une cochonnerie passée dans les tuyaux au moment de la forte gite qui a été la nôtre. Le filtre séparateur d’éventuelle eau dans le carburant n’en comporte aucune trace. La cartouche du filtre Racor est propre. Je fais un complément de gazole dans ce dernier et lance le moteur. Il semble tourner normalement… Par contre, le soubresaut inhabituel déjà constaté lors de son arrêt, persiste. Je le laisse tourner une bonne demi-heure. Les vibrations intermittentes ressenties les jours précédents semblent avoir disparu. De ce fait, je décide d’en rester momentanément là et de voir. Le débranchement des tuyaux d’arrivée pour un nettoyage interne sera inévitablement source de gazole répandu, l’odeur allant avec. À suivre donc.

Sophie me fait parvenir la copie du billet qu’elle vient de prendre pour la balade aux Grenadines, de ce fait désormais actée pour la période du 9 au 29 juillet. Excellente idée. Pour cette future saison été/automne de promenade en co-navigation, ce sera Grenadines, Grenadines et… Grenadines. Il y a pire. Les langoustes n’ont qu’à bien se tenir.

Imenn m’adresse un message indiquant son intérêt pour cette même période. Nous convenons de nous rappeler.

Pour sa part, Karen qui réside en Guadeloupe et avec qui je suis en contact depuis quelques temps déjà, devrait me rejoindra à Saint Martin pour la descente vers la Martinique. Élisabeth sera ou non, encore de la partie.

Tout cela semble s’organiser de façon tout à fait satisfaisante.

Vendredi 17 mars 2023 – Santiago de Cuba vers Cienfuegos – Chivirico à Marea de Pillon – 35 nm

6h45 – Je sors du lit… non sans une certaine nostalgie. Nous attaquons, enfin moi, Élisabeth y ayant déjà goûté hier, le pain aux bananes qu’elle a confectionné (banana bread pour les anglophones). Excellent.

7h45 – Nous levons les vingt mètres de chaîne qui nous relient à l’ancre… et bien sûr, l’ancre elle-même. Le guindeau souffre un peu. La vase du fond est particulièrement dense et collante. J’ai toutes les peines du monde à m’en défaire. Des traces de rouille apparaissent déjà sur la chaine, un peu moins d’un an et demi après l’achat. Merveilleux !!!

La sortie de la baie se fait sans souci. Côté moteur, contrairement à ce que je pensais hier, c’est sans changement. Dommage, il va me falloir regarder ça plus avant.

8h15 – Désormais dégagés des cailloux, vu la direction et la force du vent, nous décidons de hisser le spinnaker (spi pour les intimes). Il n’avait pas pris l’air depuis longtemps, la dernière transat je crois, soit une bonne année. Nous installons les écoutes (on leur donne parfois un autre nom) et le hissons en tête de mat. La chaussette levée, s’est parti pour un long surf vent arrière ou quasi (170°). Sous le soleil, nous tenons une très bonne moyenne malgré les petits 8 ou 10 nœuds de vent réel, soit encore moins en vent apparent.

10h00 – Nous mettons deux lignes à l’eau, une canne à pêche avec moulinet et mon tout nouveau « yoyo cubain »… acheté à Bequia (une des iles de Saint Vincent – Les grenadines).

La côte montagneuse et aride défile, peu de verdure ne l’habille. Quasi aucune maison le long de ces 35 milles.

14h00 – Alors que je profitais d’une sieste particulièrement bien méritée (ah !?), Élisabeth m’alerte d’un départ de la canne. Je saute dans mon short (je vous passe les détails) et remonte péniblement la ligne (nous sommes à 7 nœuds et plus). Pas sûr qu’il y quelque chose au bout si ce n’est, comme une heure plus tôt, des sargasses. Et puis si, une petite daurade coryphène d’environ 40 cm aux couleurs chatoyantes. Des verts de toutes sortes. Un petit carpaccio s’annonce. Nous en frémissons d’avance.

15h – Le vent a nettement forci (17/18 nœuds), nous remballons le spi et déroulons le génois. Sept nœuds toujours.

17h – Nous pénétrons dans la baie de Marea De Portillo, partie maritime supposons-nous du village de Marea situé juste à côté. Le vent est encore au-dessus de 20 voire 25 nœuds. C’est en nous rapprochant de la mangrove que nous parvenons à nous abriter un peu. Mouillage dans 3,5 mètres sur une eau quasi parfaitement calme malgré le vent.

Une heure plus tard, nous voyons au loin une barque en bois, assez rustique, de trois mètres environ, Deux hommes sont à bord. L’un d’eux rame… Nous n’y faisons guère plus attention… jusqu’à ce que la barque en question vienne s’amarrer à l’arrière de Soa. C’est la marée-chaussée locale, entendez par-là, le garde-frontière du coin. Tenue militaire de rigueur, vert indéfinissable mais néanmoins révolutionnaire. Celui bien sûr qui ne rame pas. D’où vient-on, où va-t-on, quand, à quelle heure précise… tout ça avec le sourire. Et puis avant de partir, un peu de pub… au village, il y a un restaurant, des vendeurs avec des tomates et autres légumes…  Nous avons le droit de descendre dans la journée mais il est préférable de laisser quelqu’un à bord le soir. Les papiers dument renseignés et signés, la vie peut reprendre son court.

Et justement, la daurade attend dans son seau d’eau. Je lève les filets et prépare un carpaccio… huile d’olive, sel fumé des Vikings, poivre sauvage de Madagascar, ail… Ma recette préférée. Pour faire honneur aux plats et à nous-mêmes, nous ouvrons l’une des bouteilles achetées au restaurant de l’ile Granma, quelques jours plus tôt.

Le soleil choisit une échancrure de la montagne pour se coucher. Ni plus ni moins sublime !

À la suite de cette nouvelle magnifique journée de mer, notre écrin presque terrien se révèle être d’un calme à nul autre pareil. Aucun mouvement, aucun bruit… des étoiles plein le ciel. Le rêve éveillé… et bientôt endormi.

Samedi 18 mars 2023 – Santiago de Cuba vers Cienfuegos – Marea de Pillon

Nuit plus que paisible…

L’après-midi est annoncée comme pluvieuse. La matinée le sera partiellement aussi, ce qui ne rebute pas les éclaircies.

10h – Nous rejoignons la terre. L’annexe est calée à proximité d’un minuscule ponton, entre des barques très rustiques de pêche. Sur le chemin du village nous sommes interpelés par l’habitante de l’une des maisons qui borde le chemin. Elle vend notamment des tomates et des oignons. Elle peut nous faire à manger si on le souhaite…

Dans une autre maison, un couple nous propose un café. Nous nous laissons faire. Le mari qui a été blessé dans un accident ne peut pas parler. La femme, professeur d’éducation physique à l’école de la ville, parle pour lui. Les deux sont charmants. Elle nous propose du café en grains, cultivé dans la montagne… qu’elle peut moudre. Banco. Nous le prendrons au retour.

Les maisons du village, en dur pour la plupart, sont très dispersées. L’énorme bâtiment de la « panaderia » (boulangerie) est fermée. Nous apprendrons ensuite que, de toutes façons, ce qui s’y élabore est réservé aux cubains. Les manguiers regorgent de fruits très tentants, malheureusement par mûrs. Dommage. La route qui part vers Santiago est, comme indiqué sur les guides, totalement défoncée.

Au retour, nous prenons possessions du café… moulu très finement. Dans la deuxième maison, ce sont de petites tomates cultivées au raz de la terre qui nous sont proposées. Nous repartons également avec de très beaux oignons ayant déjà séché, deux bouteilles de coulis de tomate et six œufs. Nous compensons financièrement dans un cas comme dans l’autre.

Pâtes pour le déjeuner… pas des pâtes telles qu’elles, mais des pâtes accompagnées de ceci et cela… inévitablement beaucoup plus long.

Après la sieste, nous partons, à la rame, explorer la mangrove. Excellent pour la santé, écologique, économique, parfaitement silencieux. Nous réserverons le moteur aux situations qui le nécessitent. Plusieurs bras et espaces d’eau alternent. Très bel endroit sauvage. Nous ne verrons que quelques oiseaux et une petite méduse s’échinant à se déplacer. Aucun autre animal ni vu, ni entendu. Étonnant dans cet espace totalement naturel.

Un peu de stepper pour moi ensuite, avant que le coucher de soleil, sublime, nous rattrape.

Alors qu’il fait désormais bien nuit, nous entendons, à proximité, une voix de femme. Elle semble s’adresser à nous. Une barque apparait dans le noir avec un homme qui rame. Ils nous proposent des tomates, que nous avons déjà, des œufs (beaucoup trop chers) et des bananes. En échange de ces dernières, conformément à leur demande, ils repartent avec du savon et une brosse à dents. La pénurie règne, y compris sur des produits de base de ce genre.

Nous terminons la daurade en tartare.

Dimanche 19 mars 2023 – Santiago de Cuba vers Cienfuegos – Marea de Pillon à Cabo Cruz – 35 nm

08h – Nous levons l’ancre. Pas un souffle de vent à l’endroit de notre mouillage. À peine dépassé la pointe de la baie, dix-sept nœuds au compteur. En contradiction totale avec les prévisions, mais c’est tant mieux. Malheureusement, ça ne dure pas…

09h30 – Moteur ou rien… moteur donc. Il tourne moins mal. Le mouvement du bateau a peut-être nettoyé le tuyau d’arrivée. On peut toujours rêver.

13h – Léger souffle, nous coupons le moteur et établissons le génois. Il pleut toujours. Deux jours de suite, une première sachant que, d’après notre vendeuse de café, cela fait quatre mois qu’il n’est pas tombé la moindre goutte.

Le café acheté hier, moulu très fin, bouche la machine à café…

Les 7 à 8 nœuds de vent nous autorisent une vitesse faramineuse de 3 à 3,5 nœuds. Déjà ça.

14h – Le ciel s’étant un peu dégagé nous pouvons, désormais, voir précisément la pointe de Cabo Cruz et son phare.

Durant cette navigation, comme lors de la précédente, pas le moindre bateau croisé. Très surprenant quand même. Il faut dire que les ports ne courent pas les côtes, sur cette partie sud de Cuba.

16h – Nous approchons. Il nous faut contourner le long récif qui prolonge la côte d’est en ouest. Deux bouées rouges semblent en marquer l’extrémité. Il en manque au moins deux par rapports aux bouées indiquées sur Navionics. Garmin est de nouveau complétement à la rue. Vu le prix, ils peuvent (300 à 350 € la carte régionale). Nous mouillons dans 3,5 mètres d’eau sous le soleil revenu. Mangrove à bâbord, récif et mer à tribord, beau phare face à nous.

Disciplinés nous appelons les gardes-frontières à la VHF. Pas de réponse. Qu’à cela ne tienne, un quart d’heure plus tard, emmenés par une barque de pêcheur (à moteur celle-là) et son conducteur, ils sont à bord. Un jeune et un nettement moins jeune. Sympas l’un comme l’autre. Pour la première fois, ils procèdent à une visite très, très succincte du bateau. Nous en restons là après qu’ils aient soigneusement noté tout un tas d’éléments concernant Soa et nous. Date de départ à voir ensemble plus tard. Interdiction, gentiment mais fermement formulée, quant à l’interdiction de descendre à terre… pour notre sécurité bien sûr. La tarte à la crème à laquelle nous aurons, semble-t-il, droit souvent. Bien dommage, le lieu ayant l’air fort agréable. Le plus vieux repart avec un stylo, le plus jeune aurait souhaité une longe pour son cheval.

Les pêcheurs des barques qui rejoignent le large, ne sont pas avares en salutations. Bon courage à eux.

Lundi 20 mars 2023 – Santiago de Cuba vers Cienfuegos – Cabo Cruz

Barques et bateaux de pêche rentrent après une nuit en mer… Nouveaux échanges de salutations.

Après un mois durant lequel je n’y ai pas touché, il est temps que je dégivre le réfrigérateur. Je m’y colle. Une heure environ. J’ai désormais une très grande habitude de ce nettoyage.

Moteur hors-bord… in-démarrable ce matin, encore. Bon… Décidément les moteurs semblent avoir fait le choix de s’unir dans l’opposition. Sans doute ont-ils, eux aussi, un problème avec le 49.3 !

Durant mon heure de rame, je tombe sur un collier un peu particulier. Une bouteille plastique comme celles des pêcheurs antillais, un morceau de fil de fer et, qui lui sont attachés, un poisson ainsi qu’une super belle queue de langouste. Après avoir donné beaucoup de satisfaction à nos palais, cette dernière fera quelques misères aux intestins d’Élisabeth. C’est quand même bête, en général, elle digère mal la langouste. Cela m’ennuie beaucoup, car dans le souci de prendre soin d’elle, je vais être contraint de toutes les manger !!!

J’attaque le moteur de l’annexe. Je reproduis scrupuleusement ce que j’ai vu faire par le mécanicien de Santiago (j’ai une excellente capacité à reproduire ce que j’ai vu faire). Après deux trois essais, ça redémarre. Je valide par un tour d’essai… Tout va bien… jusqu’à la prochaine fois. C’est la cause qui m’échappe. Pas assez d’huile dans l’essence, ce qui serrerait chemise et piston ? Autre ?

La cartographie Garmin étant totalement inutilisable sur cette portion de trajet (aucune précision fine), je sors mon ordinateur réservé aux navigations. Il est équipé d’OpenCPN et des cartes qui vont avec, en même temps qu’un GPS externe. Il ne s’allume pas d’emblée, sans doute déchargé. Je le mets donc en charge. Mes différentes tentatives pour l’allumer ensuite se soldent par des fins de non-recevoir. Encore un truc en rade !!! La liste est infinie… Mieux vaut être un minimum fataliste (voire plus si affinité).

Dans la soirée, deux jeunes pêcheurs/plongeurs nous rendent visite. Milieu de vingtaine. Charmants l’un et l’autre. Ils nous proposent poissons et langoustes justes pêchés. Nous en prenons une partie seulement. Pour s’assoir, ils poussent le coussin pour ne pas le mouiller. Au passage d’un bateau de pêche, ils se dissimulent au fond du cockpit, pour ne pas être vus. C’est l’anniversaire de l’un des deux. Nous leur offrons du rhum et, en plus, un peu d’argent et un t-shirt chacun. Ils sont aux anges.

Mardi 21 mars 2023 – Santiago de Cuba vers Cienfuegos – Cabo Cruz

10h – Yanmar première. J’ai décidé de tenter de résoudre les problèmes de moteur par étape. Je m’occupe ce matin des tuyaux depuis celui d’aspiration dans le réservoir jusqu’au filtre Racor (filtre séparateur d’eau). Quelques toutes petites saletés en sortent. Je passe un fil de fer rigide dans le tuyau du réservoir puis change le filtre du Racor. Le démarrage se fait dans l’instant. Une vibration imperceptible semble cependant persister. À voir à l’usage. Restera, sinon, le tuyau conduisant au filtre à gazole du moteur lui-même. Heureusement, j’ai tout ça largement en stock. 

11h – Je me fais une petite séance de rame. Une heure dont une partie à proximité de la mangrove. Une colonie d’oiseaux blancs au bec orange, un peu de gris sur les ailes trône sur une épave… Elle m’offre un envol collectif du meilleur effet. Deux spécimens jouent les réfractaires. Ils ne se reconnaissent pas dans le comportement moutonnier… enfin, un moment, car, l’un après l’autre, ils décident néanmoins de suivre leurs copains. Très belle image de ces oiseaux volant ensemble au ras de la surface verte de l’eau.

Un peu plus loin, un bel héron cendré prend son envol accompagné d’un autre grand oiseau que je ne connais pas. Étonnant de voir si peu d’animaux dans ce lieu préservé. Aucun poisson ni tortue, observé.

Depuis le pont de Soa, le fond, la chaine, l’ancre, la végétation, les algues… les coquillages, sont visibles

15h30 – Guardia Frontera… l’arlésienne. Personne en vue. Nos appels à la VHF restent messages morts. Nous hélons les marins d’un chalutier qui passe dans l’espoir qu’ils puissent joindre les intéressés. Ils nous font signe que « oui ». Nous étions prêts à aller à terre. Les deux mêmes représentant arrivent un peu après dans la même barque et avec le même accompagnateur que la dernière fois. L’un des deux, monte à bord, fait une rapide inspection non sans nous avoir demandé s’il n’y avait personne d’autre, signe le « despacho » puis repart… sans stylo cette fois (nous les avons dissimulés à la vue !).

Nos deux jeunes pêcheurs d’hier qui devaient repasser pour nous apporter des lambis, ne sont pas revenus.

Nous réexaminons la carte et les informations concernant notre point d’atterrissage de demain. Premier ilot parmi les sept-cents environ que compte l’archipel de « los Jardines de la Reina, Cayo Cabesa Del Este ». Cinquante-cinq milles environ, nous en séparent. Si le vent annoncé est au rendez-vous (NE 15/25 nœuds), nous devrions pouvoir y parvenir assez rapidement.

Nouveau magnifique coucher de soleil sur l’horizon.

J’harnache soigneusement l’annexe, au sens de l’attacher sur les bossoirs et l’arceau, de telle sorte qu’elle ne se promène pas lors des mouvements du bateau.

Quelques lignes ici en guise d’aide-mémoire et, dodo.

Balade à Cuba – Partie IV – Les Jardins de la Reine

Mercredi 22 mars 2023 – Los Jardines de la Reina – Cabo Cruz à Cayo Cabesa Del Este – 57 nm

06h – Lever des troupes. Dès Soa prêt, nous établissons la grand-voile aux deux-tiers et levons aussitôt l’ancre. Nous déjeunons une fois en route afin de ne pas perdre de temps, l’idée étant, comme à chaque fois, d’arriver si possible de jour à notre prochain point d’étape.

Nous attaquons ce premier parcours qui va nous conduire aux Jardines de la Reina (Jardin de la Reine), perle unanimement reconnue de la côte sud de Cuba. Les avis sont tous convergents quant à cette appréciation, c’est bon signe. Une version « Jardines del Rei » existe quasi à l’identique sur la côte nord de Cuba. Très beau aussi parait-il mais beaucoup plus touristique avec grands hôtels et compagnie…

07h – Ancre levée, grand-voile et génois établis, c’est parti. Deux milles plus tard, dégagés de toute terre, nous avons désormais quasi 30 nœuds de vent. Nous prenons deux riz dans chacune de nos toiles. La charge est lancée, au grand-galop. Nous abattrons 35 milles en 5 heures soit 7 nœuds de moyenne, le tout sous un beau soleil et une mer globalement calme. Un plaisir que cette chevauchée fantastique, sabre au clair. N’a manqué que le clairon.

12h – Le vent tombe, 20 nœuds, 15 nœuds, 10 nœuds… Nous rétablissons les voiles au complet et poursuivons autour de 4 nœuds, ce qui, soit dit en passant, nous permet de déjeuner fort tranquillement. Cette deuxième partie de parcours, fort différente de la première n’en pas moins réjouissante. Je ne sais pas si le Roi du pétrole vit des plaisirs de ce niveau. Pas sûr que la différence financière abyssale qui nous sépare, lui et moi, lui permette de décupler à l’identique, son bonheur de vivre.

12h30 – Mes langoustes sont toujours délicieuses. L’accompagnement riz, petits légumes d’Élisabeth leur va à merveille. Dernières goyaves en état de fin de vie.

14h30 – Une petite sieste plus tard (une chacun), terre en vue. Au ras de l’eau. Ni piton, ni montagne ici. Nous allons avoir le temps de l’observer d’ici notre arrivée bien qu’il ne nous reste que six milles pour y parvenir.

En fort peu de temps et de distance, nous sommes passés de fonds à peine inférieurs à 2000 mètres, à un plateau de moins de dix mètres. Les courbes de niveau sont très, très rapprochées. Impressionnant.

Déchiffrer ce qu’on devine… ce qu’on voit ou croit voir… Qu’est-ce donc ? Ça ressemble à… on dirait… ah oui, on le voit bien maintenant, c’est effectivement le phare… Et là, sur ce qui semble être des plages, ces espèces de tiges verticales ? Des arbres morts semble-t-il. Et ces tâches blanches dans l’eau ? Des aigrettes garzettes, à priori. L’abri des pêcheurs est dans ce creux ou dans l’autre (faire coïncider le réel et la cartographie) ? Dans celui-là. Les poteaux censés marquer le chenal (1,5 mètres) ont disparu. Etc… Ainsi vont le voyage et la découverte. Très excitant.

17h – Après une avancée toute en précaution sur une sorte de platier (2,5 à 3,5 mètres de fond, pour rappel (!), Soa cale 1,90 mètre) nous jetons l’ancre. Quelques minutes plus tard, une pluie fine nous rafraichit. Elle est d’autant plus la bienvenue qu’elle va permettre de rincer Soa qui a subi l’assaut de quelques gros paquets de mer, par définition salés, sur le parcours. Ce qui laisse des traces, notamment sur les vitrages. Nous refermons donc, dare-dare, tous les capots que nous venions juste d’ouvrir. Faire et défaire…

Après 57 milles, première escale donc. Loin du monde et de sa fureur. Rançon de ce calme, aucune connexion à rien, pas de téléphone et donc pas d’Internet. Ça libère du temps pour lire, écrire, contempler le paysage, se balader… etc.

Bruit indécent et totalement déplacé du compresseur et de la pompe du réfrigérateur, pourtant si discrets.

21h30 – Couché depuis peu, je suis alerté par l’alarme de mouillage. Non seulement nous sommes sortis du cercle de cinquante mètres que j’avais défini, mais nous dérapons vers le large (l’Amérique centrale est encore loin !). Alors là, faut le faire. Déraper dans 3,5 mètres d’eau avec 30 mètres de chaine… pas vu ça souvent. Et pas dérapé souvent d’ailleurs. Quatre ou cinq fois en cinq ans je pense. Je rallonge de vingt mètres. Tout semble se stabiliser. Il faut dire que le vent est monté significativement et que le courant, au vu de l’eau qui court le long de Soa, semble fort.

Je déplace la zone de surveillance et repars au lit…

Jeudi 23 mars 2023 – Los Jardines de la Reina – Cayo Cabesa Del Este « 1 »

Nous regardons les cartes. Je photocopie et imprime, depuis le livre de Nigel Calder (2001), les cartes de la totalité ou presque des ilots du jardin. Ce devrait être plus facile pour suivre notre déplacement, noter les éléments caractéristiques et intéressants, les passes…

Pas satisfait de ma précédente intervention, je remets le couvert concernant les deux premiers filtres à gazole (séparateur d’eau et le filtre gazole Racor. Je les démonte entièrement et les vide de tout gazole. J’ai pris la précaution de stocker un peu de gazole dans deux anciennes bouteilles d’eau soigneusement séchées. Tout se passe au mieux pour le séparateur dont je nettoie l’intérieur qui en avait un peu besoin. Pour ce qui est du Racor, la partie basse me résiste. Mes clés de 6 et de 7 sont soit trop petites, soit trop grandes. Génial, l’anglosaxon qui a eu l’idée de mettre des boulons de cet acabit sur un produit hyper diffusé dans le monde. Je nettoie par l’intérieur toutes les parties auxquelles je parviens à accéder. Ça ne lui fait pas de mal non plus. Je remonte le tout et passe à la phase réamorçage. Je remplis les deux filtres en question avec le gazole mis de côté. La poire de pompage se révèle assez peu efficace. Je lance le moteur. Il tourne quelques minutes puis s’arrête. Du gazole à néanmoins rejoint le premier filtre. En insistant un peu, en même temps que je pompe, le moteur repart. Il semble tourner normalement, sans vibration cette fois, quel que soit le régime. S’il démarre au quart de tour de clé, comme à son habitude, il continue néanmoins à toussoter bizarrement au moment de l’arrêt. À voir en situation de navigation. En tous cas, cette partie est désormais propre.

Un bateau rapide à moteur passe non loin de nous. Il doit rejoindre un hôtel de l’autre côté de la pointe ouest…

Nouveau déjeuner de langouste pour l’un et de poisson pour l’autre… Quand on aime.

En début d’après-midi, conformément à la journée d’hier et aux prévisions, le vent tombe significativement. Nous partons rendre visite à ce qui est indiqué sur la carte comme étant le « station de pêche de Punta Cabeza. L’air de rien, un bon mille nous en sépare. Le moteur de l’annexe a la bonté de démarrer du premier coup. Nous effectuons les deux-tiers du parcours au moteur puis, le fond remontant très sérieusement, je prends les rames. À proximité de l’entrée de la lagune, nous pouvons désormais identifier précisément ce sur quoi nous nous interrogions la veille. Des arbres morts, blanchis par on ne sait quoi. Des centaines voire des milliers. Gardiens surprenants de cet espace, au côté de la mangrove omni présente. Et puis, des carcasses de bateaux sont échouées là, aux côtés de ce qui a dû être un bâtiment à destination de la pêche. Tels d’autres mini épaves, des casiers gisent ici et là, en grand nombre. La mangrove, partout présente, complète le tableau. Le mot de fantomatique, suggéré par Élisabeth, parait pleinement convenir à ce que nous observons.

Ici, les oiseaux sont très nombreux, hérons cendrés et blancs, cormoran, canards, rapace (aigle ?), pélican… les poissons sagement cachés. Aucun bruit. Tout respire le calme et la paix.

Nous poussons ensuite jusqu’au phare de la pointe. Eiffel n’aurait pas renié sa structure métallique peinte en blanc.

Peu après notre retour à bord de Soa, alors que nous regardons les guides sur La Havane, Cienfuegos et consort en sirotant une petite bière, je remonte l’annexe. Le clapot qu’elle génère nous gêne… Pauvres choux…

19h – Tandis que le soleil commence à descendre, un « teuf-teuf » se fait entendre. Il se rapproche. Une barque aux couleurs vive, avec trois pêcheurs à son bord. Ils se mettent à couple de Soa. Le dialogue s’engage. Quel est notre nationalité… etc. C’est l’anniversaire de l’un des marins (curieux tous ses anniversaires !). Ils nous proposent du poisson, des langoustes, des sortes de sardines, du lambi. Nous optons pour un beau poisson et des lambis. Nous refusons les langoustes (!!!) et ne prenons que la moitié des lambis qui sont rassemblés pour nous, histoire de ne pas « gâcher ». J’offre une petite bouteille de rhum blanc prévu à cet effet à l’équipage et une autre à celui qui fête ses soixante ans. À la question de savoir combien nous leur devons… Rien !!! Vraiment ? Oui, vraiment, rien. De chaleureuses salutations ponctuent ce merveilleux épisode. Ils repartent vers la pointe ouest où ils vont mouiller pour la nuit… le « teuf-teuf » disparait progressivement. Une pensée ici pour mon père dont c’était le métier et grâce à qui, j’ai aujourd’hui, cette passion pour la mer.

Le coucher de soleil se montre à la hauteur de la journée. Ciel dégagé, parfaite boule orange descendant vers l’immensité liquide, halo vert et petit rayon de la même couleur pour clore le débat. Demain sera un autre jour.

Bon, avec tout ça, il va falloir que je m’occupe des lambis et du poisson.

Je prépare donc, selon la recette de Wilfredo, deux lambis, coupés en tranches très fines que je fais mariner à l’huile et au citron vert. Une fois les filets du poisson levés, je rassemble les petits morceaux de chair restant et les ajoute aux assiettes de lambis. Excellent ! Une cuisine est prévue pour demain avec les deux autres lambis, d’une part, et le poisson.

22h – À l’identique d’hier, le temps plus que très calme de l’après-midi fait sa mue. Quinze à vingt nœuds de vent se lèvent d’un coup. On se croirait en méditerranée. Très surprenant. Je réactive l’alarme de mouillage au cas où…

Vendredi 24 mars 2023 – Los Jardines de la Reina – Cayo Grande puis Cayos Oriuela « 2 et 2’ »

09h30 – Après un réveil tranquille et un petit déjeuner à l’identique, nous levons l’ancre en direction du côté nord du Cayo Cabesa Del Este où nous sommes. Nous actons ainsi le fait de poursuivre côté nord jusqu’à la passe de Caballones qui nous donnera l’occasion de repasser côté sud des jardins pour rejoindre, ensuite, Cienfuegos. Y passer au retour, face au vent ne parait pas très opportun. Nous rejoindrons le Cayo Grande à environ huit milles, sans compter les bords à tirer pour y parvenir. Nous choisirons ensuite d’y rester ou de poursuivre.

GV partielle et trinquette devraient faire l’affaire pour couvrir la courte distance que nous avons à parcourir, le vent étant au-dessus de vingt nœuds. La mer affiche une couleur émeraude, aussi surprenante que magnifique.

12H – Cayo Grande. Un ilot en forme d’arc de cercle, quasi uniformément recouvert de mangrove. Nous mouillons dans le creux de l’arc, par cinq mètres d’eau turquoise. Comme une évocation de certains ilots de Mayotte. Pas de houle ici. Nous déjeunons et verrons ensuite. Sans oublier la sieste.

Fin de langouste pour moi, poisson pour Élisabeth, petits légumes pour les deux. Nous terminons l’unique banane qui nous reste, plus de fruit frais.  

14h45 – Bien que, comme les jours précédents, le vent soit tombé, nous repartons pour aller mouiller un peu au sud des Cayos Oriuela. Cela nous permettra de raccourcir d’autant l’étape suivante qui nous conduira à Cayo Chocolate dans le canal de Cacuracha (30 milles). 

Nous contournons un haut fond immergé et invisible, donné pour 1,5 mètre, puis poursuivons quasi plein nord à la rencontre de l’axe permettant d’embouquer le canal Rancho Viejo. À 2,5/3 nœuds, nous avons le temps de profiter du spectacle. Seul le bruit de l’eau sur la coque et celui du pilote trouble un silence intégral.

Dans le chenal, nous sommes au près, le vent ayant tourné quasi plein ouest. Surprenantes, ces variations extrêmes de direction et de force.

Les ilots sont à la fois proches les uns des autres, et ménagent néanmoins, à certains endroits, des espaces très conséquents. Bien plus larges que je ne l’imaginais. Eau plate et belle, le rêve.

Peu avant notre lieu de mouillage du soir, nous repérons un bateau blanc… qui disparait derrière la mangrove et… ne réapparait plus.

17h15 – Nous jetons l’ancre à une relative proximité de l’ilot « Cayos Orihuela ». Très relative. À la fois nous sommes entourés d’ilots couverts de mangroves et, en même temps nous n’en sommes, pour l’instant, jamais réellement près. Un demi-mille en l’occurrence pour ce soir. Un peu l’impression d’être au milieu de rien. Une sensation assez curieuse et inhabituelle.

19h – La cuisinière émérite du bord, prépare des bananes « tostones » sorte de bananes frites avec des bananes plantins mûres et vertes. Excellent.

Sur ces entrefaites, un assez gros bateau bleu de pêcheurs (14 mètres peut-être) se rapproche de nous à vitesse soutenue. Quatre hommes à bord, certains brandissant des queues de langoustes. Ils les attrapent en plongeant. Dans le lot, un magnifique jeune cubain noir, bâti comme Monsieur muscles. Ils partent dix jours en mer avant de rejoindre leur port d’attache sur la côte continentale au nord-est des jardins. Encore une belle rencontre de locaux vraiment très sympas, eux-aussi.

Le soleil rend sa révérence quelques minutes plus tard. Halo vert et rayon vert plus intenses encore que la veille. Une vaste étendue rougeoyante, presque une demi-heure durant, couvre la mer et peine à s’éteindre. Somptueux.

Nous terminons la bouteille de punch coco… accompagné des dites bananes et de bonne musique cubaine (coffret de CD acheté à Santiago). Le « son » (prononcer sonne) la musique originelle diffusée via Buena Vista, celle de l’Oriente.

Pour le reste, quand, pour la dernière fois, avez-vous fait l’expérience du zéro bruit, de la zéro lumière et… de la zéro connexion ??? Un programme à découvrir ou redécouvrir d’urgence.

Samedi 25 mars 2023 – Los Jardines de la Reina – Cayo Chocolate – « 3 »

07h15 – Une heure après être sorti du lit et avoir petit-déjeuner, nous partons pour Cayo Chocolate, trente milles plus loin, environ. Le soleil se lève. Mêmes couleurs qu’au moment de son coucher. Certaines mauvaises langues prétendent que je ne fais que des photos de couchers de soleil… parce que je ne serais pas réveillé pour les levers. Enfin…

Les batteries ayant besoin d’un petit coup de boost (88% de charge), nous cheminons au moteur pendant deux heures. Le pilote et le frigo dans la journée, ce dernier et la centrale pour l’alarme de mouillage, la nuit, consomment plus que les panneaux rechargent. Cela reste très exceptionnel.

09h – Nous établissons le génois et stoppons le moteur. Plein vent arrière, après avoir emprunté le chenal qui contourne les Cayos Orihuela, à proximité desquels nous avons passé une nuit très calme. Nous traversons ensuite une grande zone sans ilot. Une sorte de grande mer intérieure aux eaux calmes et d’un vert pâle magnifique. Le pilote n’intervient quasi pas. Navigation plus tranquille, faut chercher !

La balise verte de ce matin, ressemblait à une balise verte de belle dimension. Les rouges que nous avons croisées sont le plus souvent de simple tube peint en noir et surmontés d’un triangle rouge (j’ai bien dit triangle car tribord, même si rouge dans la zone « B » de navigation).

13h30 – Nous mouillons à proximité d’un groupe d’ilots (dont Cayo Chocolate), c’est-à-dire à environ deux milles, au milieu de rien. Très surprenant. Je vais régler l’alarme de mouillage sur 100 mètres, ce qui ne m’est encore jamais arrivé, c’est dire s’il y a de la marge.

La matinée s’est écoulée très tranquillement, bateau à plat entre 4 et 5 nœuds, suivant les moments. J’ai même pu me faire une demi-heure de stepper en version tous conforts. Pas arrivé souvent, non plus.

Après-midi relax, nous vaquons à nos occupations ou absence d’occupation. Vous ne vous ennuyez pas, me demande-t-on souvent ? Jamais, pas la moindre fraction de seconde.

Cette navigation dans la durée me permet également de faire le point sur les travaux, remplacements… qui seront à effectuer avant le grand saut dans le Pacifique. Mon compte tours de moteur inbord est fatigué, mon tableau donnant les informations concernant les batteries, voltage, taux de charge, charge/décharge instantanées… n’a plus d’éclairage. Les vibrations générées par l’hélice me fait envisager d’en acheter une de secours tout en remettant l’actuelle à niveau… Une hélice de rechange pour le moteur d’annexe serait sûrement une bonne précaution. La batterie de ma balise de survie vient à son terme cette, année, changement impératif… etc. Comme un banc d’essai. Je commence à répertorier et noter soigneusement tout cela. Claudie, ma fidèle interlocutrice d’Accastillage Diffusion à La Rochelle, ne tardera pas à avoir de mes nouvelles.

15h – Bien que j’en aie déjà un grand nombre à bord, je pars à la recherche d’articles complémentaires concernant Cuba dans mon stock papier. Que je trouve. De fil en aiguille, je trie tous les articles non encore correctement classés. Les iles vénézuéliennes (Roques, ABC et autres), Panama, le Pacifique… sans oublier la météo, les articles techniques, moteur et autres et bien sûr, l’avitaillement et la pêche. Tous ont été soigneusement découpés, par mes soins, au fil des années dans les mensuels nautiques qui sont encore sur le marché, mais aussi dans Loisirs Nautiques qui a disparu et qui n’était pourtant pas le moins qualitatif. Grande croisière, construction et guides notamment. Au final, tout est désormais bien rangé dans des classeurs que j’avais achetés en prévision de ce rangement.

19h25 – Jamais deux sans trois dit-on… pour ce qui est du rayon vert, ça fonctionne. Un rayon, ce soir, à l’image du soleil lui-même, particulièrement intense. Du grand spectacle, complété, côté nord par un cumulo-nimbus comme on en montre dans les sessions de formation à la météo. Un modèle du genre avec, un sommet plat qui s’étire bien au-delà de la base du nuage et, qui plus est, doré aux reflets du soleil. Le tableau était d’autant plus complet que la lune trônait juste au-dessus de Soa dans un ciel très dégagé.

Nous clôturons la fin d’après-midi par une réexamen du calendrier de nos futures escales. Cayo Largo, pas vraiment envisagé jusque-là, est sans doute à mettre au programme de l’avant Cienfuegos. Nous disposons pour cela, compte tenu de nos dates de réservations à la marina et à Trinidad, de quinze jours pleins, ce qui devrait convenir.

Pour terminer le tableau de notre environnement, Grande Ours derrière nous… et silence assourdissant.

Dimanche 26 mars 2023 – Los Jardines de la Reina – Caballones – « 4 »

07h15 – Lever de sa majesté (je parle du soleil) et de moi-même. La quinzaine de milles que nous avons à parcourir pour rejoindre la passe et le mouillage de Caballones ne nécessitent pas que nous partions aux aurores, j’ai donc retardé le réveil.

08h15 – Nous levons l’ancre. Très dense, la vase d’un beau gris acier, colle aux dents. J’ai toutes les difficultés à nettoyer l’ancre.

Peu après notre départ, rapide visite de quelques dauphins. Nous ne savions pas qu’il y en avait ici. Ils ne se sont pas attardés, à notre grand regret.

Nos conditions de navigation du jour ressemblent à s’y méprendre à celles des jours précédents. Le vent est revenu plein est et souffle autour de 10 nœuds… ce qui nous permet, quasi vent arrière, de cheminer à environ 5 nœuds sur une mer plate.

10h15 – Nous apercevons de loin, ce qui ressemble étrangement à un gros yacht de croisière. Nous n’avions, jusque-là, rien vu de tel depuis notre départ de Santiago.

11h30 – Tentative de lecture du paysage. L’ile qui se trouve face à nous parait être, sans trop de risque d’erreur, le Cayo Cabbalones. Plus compliqué pour les autres ilots. Loin devant, sur bâbord, ce qui pourrait être la Punta Practicos. Le yacht est désormais derrière une mangrove. Mais où ??? Pour l’instant, le mystère demeure. La passe à l’embouchure de laquelle nous arrivons est très large. Nous y entrons à la voile.

11h45 – Cri déchirant du cœur : « Oh là, là, il y en a un deuxième !!! », à proximité de la pointe Practicos, dit autrement, devant la plage. Comme, là encore, jamais deux sans trois, nous en découvrons un troisième derrière la langue de sable. Plusieurs embarcations rapides sillonnent les lieux. Notre ermitage des cinq derniers jours prend, au moins temporairement, fin.

Très longue plage de sable blanc qui frange la totalité de la côte visible. Ça faisait longtemps que nous n’en avions pas vue. Très différent des zones de mangrove, même si ces dernières sont également sympathiques à l’œil.

Je cuisine les lambis dont nous avons hérités. Une première.

13H15 – Passe de Caballones – Mouillage au vent des bateaux de croisière afin d’éviter la musique qui s’y déploie. Eau turquoise, 4,5 mètres de fond.

16h15 – Nous rejoignons la plage à la rame et y laissons l’annexe. Nous avons l’intention de poursuivre à pied jusqu’à la pointe sud-ouest de l’ilot. Assez rapidement, les arbres envahissant le bord de côte et gênent notre progression. Je reviens sur mes pas chercher l’annexe tandis qu’Élisabeth tente d’avancer encore un peu. Les premiers mètres d’eau sont parfois marécageux. On s’y enfonce d’environ cinquante centimètres. Elle m’attend donc. Une fois embarquée, nous poursuivons, toujours à la rame, le long de la plage et ce, jusqu’à la pointe. Beaucoup de verdure sous-marine, des oiseaux parmi lesquels des hérons et des pélicans… et d’autres que nous ne connaissons pas. À proximité de la pointe, nous retrouvons un peu de houle. Deux bateaux de plongeurs qui reviennent sur les bateaux mères, passent à proximité. Le premier nous salue. Le deuxième vient jusqu’à nous pour nous demander si tout va bien (je rame toujours) et nous alerter sur le fait que le courant peut être fort et s’inverser rapidement. Nous les rassurons et rejoignons Soa. Merci à eux.

Après avoir fait trempette et alors qu’Élisabeth a chaussé son masque et son tuba, je passe à la douche puis me sert une petite Affligen bien fraîche (Monsieur ne se refuse rien !). Je me soumets à la caresse du soleil. Une petite brise rafraichit l’atmosphère. Dans cet autre espace, lui aussi particulier, je me sens bien, très bien même.

Un bateau à moteur rapide se dirige vers nous avec trois hommes à bord. L’un deux est en tenue de quelque chose avec deux barrettes genre lieutenant, chez nous. Mais lieutenant de quoi, on n’en sait rien. En substance nous ne pourrons rester là demain… un groupe d’italiens arrive. Ah ?! Et alors ??? Ils nous demandent notre laisser-passer (despacho), le photographie puis, en s’éloignant, photographie Soa. Bye, bye…

Nouveau coucher de soleil magique avec, en contre-point un nuage très allongé en forme de ballon de rugby. Chaque soir le spectacle se renouvelle.

Entre le courant et la brise de SW, Soa fait des 360°… un coup dans un sens, un coup dans l’autre.

Lundi 27 mars 2023 – Los Jardines de la Reina – Passe Boca Grande / Cayo Ingles – « 5 »

07h15 – Lever de soleil…

08h – Une fois le spi prêt à être envoyé, nous levons l’ancre. Pas trop de nœuds dans la chaine, une ancre propre (fond de sable). C’est parti pour rejoindre le Cayo Ingles, 25 milles plus loin.

08h30 – Le spi est en place, parfaitement gonflé par un vent apparent quasi de travers. J’ai placé le point d’amure plus haut qu’à l’habitude, pour voir. Cela à l’air efficace. Le guindant est parfaitement droit. Avec 6/8 nœuds de vent, nous nous cheminons à 4/6 nœuds. Le tout par une mer plate et un beau soleil. Le top du top.

10h30 – Élisabeth part faire un (petit) somme. Pour ma part, après une grande première partie de matinée parfaitement inactive et contemplative, je touche deux mots à un petit pot de rillettes Henaff. Accompagné, naturellement, par du pain, des cornichons et un fond de rouge. Là où il y a de la gêne, y’a pas de plaisir. C’est bien connu.

Avant cela, confortablement installé sur la terrasse (dessus du rouf), le dos et la tête calés contre le vitrage incliné de la casquette, j’ai laissé mon esprit divaguer, quasi déconnecté de ce qui n’était pas la mer et le glissement de Soa… Sur bâbord, le spi, rond et coloré, gonflé au mieux malgré un vent apparent à 100°, en face, la mer des Caraïbes puisque nous sommes repassés côté sud des Jardins, sur tribord, la végétation au ras de l’eau des cayos que nous longeons jusqu’à la passe nord afin de rejoindre notre mouillage du soir. La houle, longue et de très faible amplitude, apporte un mouvement doux, nous sommes comme bercés. Et puis, et puis… rien d’autre. Une douce torpeur, un moment d’apesanteur, un ailleurs qui vous absorbe et auquel vous appartenez intégralement… Totale décontraction. Forme de plénitude. Une expérience en soi et peut-être, de soi.

Température 32° !!!

Nous testons pour de bon ma cuisine de lambis. Gouteuse, très gouteuse. Mais, raide, très raide (alors qu’il était tendre cuit dans le citron ?!). Faut macher sans lésiner. Et macher encore. Point de salut sinon. Sans doute, et paradoxalement, trop cuit. Ayant oublié de télécharger la recette avant de quitter Cabo Cruz, je n’avais pas la durée de cuisson. À vérifier pour la prochaine fois.

13h15 – Nous rentrons le spi par dix nœuds de vent. Facile avec la chaussette (après l’avoir mis dans le sens du vent). Toute la deuxième partie des vingt-quatre milles parcourus, s’est faite au petit largue (80° du vent environ). Pas du près, mais pas loin. Magique. Quelques centaines de mètres plus loin, nous mouillons à l’identique des jours précédents… au milieu de rien. Ce milieu-là étant la partie ouest de la passe de Boca Grande. Plateau de 3,5 à 5 mètres où sable et végétation sous-marine alternent. Nous choisissons un carré de sable pour déposer l’ancre. Nous la voyons parfaitement bien du bord. Magique aussi.

Un bateau de touristes/plongeurs, identique à ceux d’hier, est, là, ancré au milieu de la mangrove. Comment y est-il parvenu compte tenu des hauteurs d’eau du secteur ? Mystère.

Nous croisons un catamaran de location, premier voilier vu depuis Santiago.

16h30 – La mixture pour nos prochains yaourts étant faite nous partons en dinghy, toujours à la rame, explorer les cayos de mangrove et autres. 

Nous rencontrons sur sa barque à moteur un employé d’Avalone, le groupe italien propriétaire des bateaux-hôtels. Ils sont entrés là où ils sont par forte marée haute et n’en bougent plus. Il travaille une semaine sur deux en résidentiel. À notre question concernant la présence de tous les bois morts de couleur blanche, c’est le cyclone Irma qui en est la cause. Idem pour les bâtisses abandonnées.

Plus loin, enfin, une vraie plage sur laquelle marcher… longtemps… crabes qui nagent plus qu’ls ne marchent, lambis, vivants et morts, multitude de tous petits poissons qui détallent à notre passage… mais aussi, des coquillage avec des dards, des limaces de mer… des groupe d’oiseaux de diverses sortes : cormorans, canards, grosses mouettes… et puis, des iguanes et leurs nombreuses traces au sol constituées d’une ligne droite et des empreintes de pattes de chaque côté… des arbres morts tels des sculpture marines, rejetés par la mer… et puis encore, moins agréable, des déchets de plastique qui jonchent certaines parties de plage…

À nous deux, presque deux heures de rame et plus d’une heure de marche, les pieds dans l’eau chaude qui frange le sable… très fin et de couleur… sable. Sur notre trajet du retour, le soleil qui décline, orange… et finit de se perdre dans les arbres quelques minutes après que nous ayons rejoint Soa.

Bien belle fin d’après-midi !

20h – Les yaourts sont dans les bocaux (de confiture), au chaud.

Le vent à, comme les autres soirs, tourné. De nord-est en matinée il est passé au sud-ouest dans l’après-midi et en soirée avant de tomber totalement.  

Mardi 28 mars 2023 – Los Jardines de la Reina – Cayo Breton – « 6 »

07h00 – Même motif, même punition. C’est encore le réveil qui m’a sorti du sommeil.

08h – Soleil levé, petit-déjeuner envoyé, ancre remontée, spi apprêté… c’est parti pour la journée.

08h30 – Sortis de la zone de corail, nous envoyons le spi. L’équipage est rôdé, tout se fait rapidement et sans accroc. Le vent tient son habitude matinale, il a bien raison. Soa glisse parfois aussi vite voire, plus vite que le vent apparent. Pas si fréquent.

Nous longeons la plage de notre promenade de la veille, au sud de la barrière de corail. Vu du bateau, bel endroit aussi.

Le siège de barre grinçait d’horrible manière chaque fois que nous le faisions tourner sur lui-même. Ma patience à supporter ce bruit est arrivée à son terme, ce matin. J’ai parfois un sens aigu de la procrastination. Le WD40 utilisé hier, n’ayant servi à rien, je sors la graisse. Bingo, ça fonctionne, il tourne dans un silence absolu. Un bonheur. Mais pourquoi ne l’a-t-il pas fait plus tôt ??? Allez savoir.

12h – La balade sous spi fut rapide. Nous jetons l’ancre un peu plus tôt que d’habitude par environ 4,5 mètres de fond. Nous sommes entre, mais à distance très respectable, de la barrière de corail côté sud et de l’ilot Breton au nord. De ce dernier, à part le phare, nous ne voyons que la mangrove et les arbres morts blancs. Pas de plage ici et donc pas de possibilité de débarquement. Plus loin dans le lagon, nous devinons ce qui doit être (ou était) la station de pêche.

Quiche lardons fromage pour le déjeuner (diner en québécois). Excellente. Nous en aurons pour demain. N’ayant plus de fruit frais, nous entamons ensuite les compotes (sans sucre ajouté, bien sûr !).

Après la sieste, je décide d’avancer du côté des comptes liés à l’avitaillement. Excel me seconde afin de finir de rentrer les achats effectués, leur nombre, leur prix à l’unité, l’emplacement de leur rangement… Actions préalables indispensables au calcul de ce qui sera imputable à chacun. Pas franchement folichon, mais nécessaire. Tout est désormais dans la machine.

Pour la balade du jour, je pars seul, Élisabeth souhaitant se consacrer à la future soupe de poissons/lambis. Depuis les problèmes de moteur d’annexe, je l’ai fait tourner régulièrement mais nous ne nous en sommes pas réellement servi. Je décide donc de rejoindre la station de pêche au moteur. Rien à signaler, ça démarre et ça tourne.

Ayant voulu emporter avec moi la VHF portable, alors que je l’avais mise en charge deux jours plus tôt, rien. La batterie sans doute… dans l’océan des pannes… (en réalité, non, juste mal branchée).

La station est construite sur pilotis à l’emplacement d’un haut fond rocheux. Sur un côté, des pilotis seuls. De l’autre, une bâtisse assez grande en bois, un espace recevant une machinerie, recouvert d’un toit en tôle (certaines ont disparu), une autre bâtisse beaucoup plus petite et, en tout bout de ponton, ce qui doit être les WC à évacuation directe vers le bas. Sous la partie centrale, à moitié immergés, des sortes de grands casiers composés d’une armature métallique et de grillages. Pas l’impression que rien de tout cela serve encore.

Ma visite terminée, je prends les rames et me dirige à la perpendiculaire vers la mangrove. Je la longe ensuite jusqu’au phare avant de reprendre la direction de Soa. Une heure et quart de rame. Je tiens le rythme. Avec ce que nous mangeons, j’ai intérêt !!!

Pour le diner, soupe de la mer (souper chez nos amis, c’est le cas de le dire !). Je donne un mini coup de main à Élisabeth pour mixer l’ensemble. Tourner le bouton du blender, reste dans mes capacités (!). Le résultat, avec ou sans emmental râpé, est à la hauteur. Bravo à la cuisinière. Pour finir, nous goûtons la nouvelle tournée de yaourts. Ils sont un poil plus liquides que les précédents, mais tout aussi bons au goût. Le sirop d’érable, habitude canadienne, ajoute une parfaite touche supplémentaire.

Allez, dodo…

Mercredi 29 mars 2023 – Los Jardines de la Reina – Cayo Zaza de Fuera – « 7 »

Nous décollons dans les mêmes conditions que les jours précédents. Enfin, presque, puisqu’un bateau de pêcheurs de bonne taille (14 mètres) s’approche de nous au moment même où je remonte la chaine. Je stoppe la manœuvre, et prépare, avec Élisabeth, les pare-battages. L’équipage de cinq hommes vient de Casilda où ils sont basés. Contact très sympathique. Ils nous proposent des queues de langoustes. Dix euros pièce. Euh, à ce prix-là, pas vraiment. In fine, après négociations, ce sera dix euros les cinq (taille moyenne) accompagnés de deux bouteilles de 33 cl de rhum en cadeau. Ils nous confirment que la station de pêche à laquelle j’ai rendu visite la veille est toujours opérationnelle. Une belle rencontre de plus, la troisième de ce type dans les Jardins.

Une fois l’ancre remontée, nous sortons de la zone de hauts fonds (4/5 m) prenons la passe pour rejoindre la partie nord des récifs puis visons l’ilot Zaza situé à 20 ou 25 milles suivant l’approche que nous utiliserons. La plus directe affiche à un endroit 2,20 m soit 30 centimètres de marge. Bien trop peu. Cette escale, pas forcément envisagée de premier abord, doit nous permettre de raccourcir la navigation qui nous conduira vers Cayo Largo et d’avoir un meilleur angle par rapport au vent.

Pas de spi aujourd’hui, nous sommes au près (du vent). Autre navigation de rêve, génois et grand-voile intégralement dépliés, 17 à 20 nœuds de vent, 7 nœuds et plus de vitesse, le tout sur une mer plate et sous le soleil. Des candidats ?

11h – Le Zaza de Fuera est face à nous, quatre milles plus loin. Du fait du récif qui l’entoure, il nous faudra le contourner par l’est puis le nord avant de revenir plein sud pour mouiller. Genre gymkhana local. Ce type de navigation me rappelle certains coins de Bretagne où, de la même manière, il faut se déplacer entre les cailloux. Le passage de la Teignouse en est un vivant exemple (entre Quiberon et Houat).

Cette navigation nous a rapproché de la partie centrale de Cuba. Nous pouvons voir, au loin, les montagnes locales.

Nous entrapercevons des dauphins… plus que furtivement cette fois encore.

Nous mouillons à 13h10 par 4,5 mètres de fond. Le cayo représente une bonne protection du vent d’est.

Lambis, autre première. Étant durs sous la dent, je les passe au blender. Cela donne une espèce de bouillie pas vraiment fabuleuse en termes de texture mais excellente au goût. Les légumes avec lesquels ils avaient cuits sont, eux, excellents à tous points de vue.

Après la sieste, je prends ma volonté à deux mains et change le filtre à gazole. Pas franchement compliqué mais, le gazole reste quand même un parfum assez moyen. Personne n’en a d’ailleurs fait un n° 5 ou autre.

Pendant le changement de filtre, je constate une présence de liquide de refroidissement dans le fond bâbord. La pompe du frigo qui doit fuir… changée depuis moins de deux ans, elle était censée s’accommoder de ce type de produit !?!

Aparté… à propos du n° 5…  J’ai lu avant-hier, dans le livre remarquable de Fabrice d’Almeida, « L’histoire mondiale des riches », que Coco Chanel, à l’origine de la mise sur le marché de son fameux numéro éponyme, n’a touché que 10% des gains sur ce qui est le parfum le plus connu et le plus diffusé dans le monde ! Les marchands ont pris, quant à eux 70 % (je ne sais pas pour le reste !!!).

Au moment où nous partons voir à quoi ressemble le bout de plage que nous avons repéré, un bateau de pêche, plus grand encore que le dernier, et trainant derrière lui plusieurs barques, s’approche. Huit hommes composent l’équipage. Ils nous autorisent à monter à bord et à visiter… pointe avant pour du stockage, cale centrale à poissons, salle des machines où trône un antédiluvien moteur six cylindres et… la minuscule cuisine où s’active son chef. Accueil très sympa de tous. Ils nous proposent, langoustes et poissons. Élisabeth jette son dévolue sur de petits poissons gris et jaune qu’ils nous préparent en filets. Nous refusons les langoustes ainsi qu’un gros poisson du type de celui qui nous a été donné quelques jours tôt. Les CUP ne les intéressent guère… nous repartons à bord de Soa… chercher du rhum. Pour dormir, ils utilisent des cadres en bois tendus de filets qu’ils transportent remontés contre ce qui sert de toiture et qu’ils descendent pour la nuit. Le bateau appartient à l’État. Ils passent dix jours en mer pour cinq jours à terre. Une nouvelle rencontre plaisir.

En prévision du diner/souper, je finis de cuire l’avant dernier spécimen du pain pré-cuit embarqué en Martinique. Quinze minutes de four et il sort croustillant à souhait. Avec une demi-queue de mes nouvelles langoustes (quatrième tournée), je me fais une sorte de tartare… qui se révélera très gouteux. De son côté, Élisabeth opte pour la soupe de poisson de la veille. Fromage et yaourt pour finir.

Balade à Cuba – Partie V – Cayo Largo – La perle du Sud

Jeudi 30 mars 2023 – Los Jardines de la Reina à Cayo Largo

8h00 – Dix-sept jours après avoir quitté Santiago, nous levons l’ancre (4,5 m, fond de sable toujours) et quittons momentanément les Jardins de la Reine où nous venons de passer huit jours pleins, loin de tout. Une balade de pure nature et de navigations de rêve. Un monde hors du temps. Vivifiant.

Nous engageons notre plus longue traversée depuis quelque temps déjà. Environ 80 milles pour rejoindre les premiers Cayo à l’est de Cayo Largo, notre point de chute final vers l’ouest. Arrivée très vraisemblable de nuit… Le ciel est dégagé, le vent NE autour de 12/14 nœuds. Spi ou pas spi ? Telle est la question…

Le moteur tourne rond, la vibration ressentie semble venir de l’hélice puisque, débrayé, aucune vibration quel que soit le régime ne se fait sentir.

9h30 – Le vent restant stable en force (10/14 kt) et en direction (120° d’angle), nous remplaçons le génois par le spi… Gain immédiat de presque deux nœuds. Très appréciable. Le pilote suit, scrupuleusement, l’itinéraire jusqu’au point d’arrivée fixé au sud-est du Cayo Trabuco… brave bête.

Comme hier, au loin sur tribord, les montagnes nous accompagnent. Le bleu sombre Caraïbes (idem Atlantique) remplace le vert turquoise des Jardins. Tout aussi remarquable et beau.

12h15 – Le vent ayant quelque peu modifié sa trajectoire (SE désormais), nous changeons d’amure en passant le spi sur tribord… Excellente révision de ladite manœuvre.

Nous terminons la quiche que nous accompagnons de quelques éléments de verdure puis de compote.

15h15 – Le vent, fidèle lui aussi à ses habitudes, est progressivement passé au SSW, ce qui fait quand même, jour après jour, un sacré écart. Le près n’étant pas l’allure favorite des spis, nous rentrons le nôtre et établissons grand-voile et génois. Nous reprenons notre route toujours autour de 5 nœuds. Arrivée théorique : suivant les vitesses du moment entre 21h30 et 00h30. Ça fait de la marge…

Outre le livre de Fabrice d’Almeida évoqué ci-dessus, je lis « Les yeux dans les arbres de Barbara Kingsolver. Un tout autre univers puisqu’il s’agit d’une fiction africaine (Congo dit RDC aujourd’hui). Bien passionnant aussi.

19h – Le « Banco de Jagua », fait passer les fonds de plus de 3000 mètres de hauteur d’eau à… 3,80 mètres, dans sa partie la plus haute. Notre itinéraire nous fait passer juste à sa limite avec 11 mètres d’eau disponibles. Impressionnant néanmoins… Plusieurs épaves y sont recensées, ce qui n’a rien d’étonnant puisque rien, hormis les cartes, ne laisse présager sa présence.

Juste avant d’y parvenir, le vent tombe complétement (2/3 nœuds). Face au soleil qui a entamé sa courbe descendante, nous rentrons le génois et poursuivons au moteur. Nous sommes encore à une trentaine de milles de l’un de nos points possibles de mouillage. Croisons les doigts quant au vent…

22h30 – Élisabeth me cueille au saut du lit (je viens d’y passer une heure et demie). Le vent est revenu en force. Nous rétablissons le génois et réglons la grand-voile qui était restée à poste… direction le Cayo Trabuco où nous passerons le reste de la nuit. Nous rendrons visite au Cayo sur lequel se trouve le phare local, à notre retour, lors de notre remontée vers Cienfuegos. Il ne perd rien pour attendre.

23h30 – Le vent a poursuivi son renforcement pour atteindre 20 nœuds par moment.

Sous la demi-pleine lune exactement, Soa glisse dans ce qui n’est pas complétement la nuit, accompagné du bruit de l’eau d’un torrent qui court le long de sa coque. Autre moment sympa de navigation et ce d’autant que la mer est toujours rigoureusement plate.

Vendredi 31 mars 2023 – Cayo Trabuco à Cayo Largo

00h15 –Nous approchons du Cayo Trabuco. Je réveille Élisabeth. Nous rentrons les voiles pour terminer le parcours ; Trois quarts d’heure plus tard, l’ancre est au fond (10 m), la vraie nuit (de sommeil) va pouvoir débuter.

Pour tout dire, très agitée la vraie nuit. La mer, si calme, jusque-là décide d’un coup, sans consulter personne, de danser la gigue et, par là même, de nous balloter dans tous les sens. À hue et à dia ! On a connu plus confortable.

09h – Vu l’heure tardive de coucher nous avons décalé le réveil à huit heures et partons donc une plus tard que d’habitude. N’ayant qu’environ 36 milles à parcourir pour rejoindre Cayo Largo, « pas grave », dirait Inaya…

La houle maintient le rythme (2m), le vent aussi (14/18 kt). Les Cayos de Dios que nous longeons par le sud, défilent.

Nous cheminons rapidement sous génois seul avec jusqu’à 20 nœuds de vent.

14h – Ancre mouillé par 2,80 m de sable, dans une baie parfaitement protégée du vent et de la houle. Un paradis de mangrove et de sable, baigné d’eaux vertes. Splendide !!!

Après une bonne sieste nous rejoignons la marina en annexe pour réaliser notre entrée. Accueil immédiat et sympa. Là encore, nous sommes privés de notre « despacho ». Suivant les lieux et sans doute les hommes, la confiance est à géométrie variable, elle ne règne pas partout.

Élisabeth va fureter alentours… elle reviendra avec, pour demain, une promesse de pain et d’ananas. Excellente nouvelle, nous sommes en panne de fruits frais depuis déjà deux ou trois jours.

En attendant, nous testons les mojitos de la « Taverna » du corsaire. Salut (santé)… Vu le résultat, nous y goûtons une deuxième fois… Cette deuxième mouture est préparée avec du « Havana Club es special » dans sa version rhum brun. Le plus connu de Cuba.

Soirée tranquille…

Samedi 1er avril 2023 – Cayo Largo – « 1 »

Après une nuit aux petits oignons (merci, merci !), nous vaquons à renouer le contact avec le monde… 30 courriels et bon nombre de messages pour moi. Retrouver les impôts et l’actualité politique est, comme vous pouvez vous en douter, un immense plaisir. Vraiment immense ꜟꜟꜟ. Ça me manquait.

Nous consacrons le reste de la matinée à cuisiner, qui ses poissons et sa purée de giraumon, qui ses langoustes… que nous dégustons dans la foulée ou presque. La deuxième bouteille du petit rosé espagnol acheté au restaurant de Granma (baie de Santiago), complète fort agréablement le tout.

Le voyage appelant le voyage, je commence à regarder ce qui correspond à mon futur cheminement vers Panama (Las Roques, ABC, San Blas) et au passage du fameux canal (février 2024). À l’identique de ceux sur Cuba, toujours précieux, un groupe francophone existe à ce sujet sur Facebook.

Starlink aussi, fournisseur d’accès Internet (société SpaceX d’Elon Musk), m’intéresse. Mais les prix sont passablement prohibitifs pour la haute mer. Et puis, un « bazar » en plus…

Après la sieste, je taille un peu ma barbe qui en a besoin. Pour ce qui est des cheveux, je vais bientôt pouvoir me faire des tresses !

En milieu d’après-midi, nous partons prendre possession de nos commandes. C’est du moins ce que nous croyions. Magasin fermé. Le préposé, contacté par une dame travaillant dans un bureau à côté, dit qu’il n’a rien pu obtenir mais que… manana, c’est promis !

Retour à la rame… 40 minutes environ, beau coucher de soleil sur la route de route à bord.

Dimanche 2 avril 2023 – Cayo Largo – « 2 »

Nous partons explorer les plages situées à proximité. Sable blanc d’une extrême finesse. Eaux turquoises sous le soleil. À l’exception de deux points de villégiature sur la partie ouest de la pointe (grosse pagode ayant belle allure, chaises longues, parasols et tout et tout), l’ensemble est resté nature. Sur la partie arrière de la pagode, des pontons jusqu’auxquels nous devons pouvoir venir en annexe. Juste à côté, le terminal du train sur roues/pneus qui fait les vas et viens jusqu’aux hôtels. Un moyen à priori facile pour aller y faire un tour dans les jours à venir. Baignade au retour dans cette eau sublime. Deux heures et demie de marche au total. Ça fait un moment que ce n’était pas arrivé.

Tandis que nous marchions, nous parvient un bruit de moteur profond et puissant. Qui se rapproche. Il émane d’un moteur-yacht d’une trentaine de mètres. Surprise. Nous le découvrons au mouillage à proximité de Soa. Le bruit de moteur est autre, celui vraisemblablement, cette fois, de ce qui doit lui servir de génératrice. La tranquillité sonore est momentanément terminée.

Depuis ce matin, je ne parviens pas à me connecter à quoi que ce soit. Le code que j’utilise habituellement pour connaître mon solde de data, ne me donne pas l’indication en question, il m’indique juste que j’ai zéro CUP (monnaie locale). Contrairement à ce qui m’a été dit, mon achat de Santiago état-il limité à un mois ? Un point de vente ETECSA, le fournisseur local, étant à la marina, j’irai tenter de clarifier ça cet après-midi.

La batterie que j’emporte pour Didier est d’une grande stabilité de charge 12,86 V. Je la branche néanmoins sur le parc, histoire de lui donner un petit coup de boost. La charge une fois terminée, après un moment de repos… 13,14 V.

Nous rejoignons la marina vers seize heures. Mauvaise pioche, ETECSA est fermée pour l’après-midi. Faudra attendre demain. Nous filons ensuite à l’épicerie. Le pain est là. Il y en a même deux. Vu la taille impressionnante, nous nous contentons de celui commandé. Ça va aussi permettre de tester la qualité. Nous prenons en complément, des petites bouteilles d’eau plate, il n’y en a pas de grandes, du papier toilette qui, contrairement à l’eau douce à très fortement diminué, et deux bouteilles de vin rouge aux alentours de 7/8 euros pour ces dernières. Ici encore, on paye exclusivement en devises. Drôle d’organisation. 

Tandis que nous sommes à la Taberna et avons droit, aujourd’hui, aux Pinas Coladas promises, Élisabeth recharge son propre compte en data et m’autorise à me connecter via son compte.

La météo marine des prochains jours, nous laisse dubitatifs… Va sûrement falloir tirer des bords et jongler entre les vents du matin, ceux de l’après-midi et les moments de pétole. Nous verrons bien.

Comme hier, retour à bord à la rame. Quarante-cinq minutes également. La lune est déjà haute. Le ciel est dégagé, le coucher de soleil s’annonce sympa. Arrivés sur Soa, nous voyons arriver un catamaran… qui se colle devant nous (alors qu’il y a de la place partout), juste dans l’axe du soleil. Put…. de cata ! Bon, faut pardonner, c’est un catamaran.

Bonne nouvelle, le pain, genre pain de mie un peu dense, est bon… Nous pourrons tenter d’en obtenir d’autre.

Ce soir, comme les soirs précédents, les moustiques locaux aux vols hyper rapides, attaquent. Très voraces, ils sont légion. Ça gâche un peu et ce d’autant qu’ils prennent la relève des mouches du reste de la journée… Moins agréable que dans les Jardins où nous n’en avons quasi jamais eus.

Dès le diner terminé, nous nous replions rapidement dans nos appartements soigneusement protégés de l’invasion.

Lundi 3 avril 2023 – Cayo Largo – « 3 »

La génératrice du bateau voisin a, sans doute, tourné toute le nuit… pas vraiment agréable. Je ne sais pas commun les personnes à bord supporte ce bruit permanent… sans parler pollution et autre.

Ayant un peu de temps avant d’aller à terre, je reprends mon fil de la montée vers Cuba. Histoire d’avancer un peu. Mise en forme, syntaxe, accords, précisions…

Plusieurs bateaux hors-bords sont venus prendre des gens sur le moteur-yacht. Ils longent ensuite le tout bord de plage armés de très longues perches, six mètres peut-être, avec une sorte d’embout d’une vingtaine de centimètres, qu’ils pointent dans l’eau. Nous en avions déjà vu à terre. Aucune idée de ce à quoi elles peuvent servir.

08h30 – Le moteur-yacht coupe son moteur. Pour rallumer quasi aussitôt son ou ses moteurs de propulsion… bien plus bruyants. Heureusement, il quitte le mouillage… Merci à lui. Pour l’anecdote, le catamaran d’hier au soir a, lui aussi, quitté les lieux. La journée démarre sous de bons hospices. 

Je poursuis mon travail sur mon fil de l’eau…

10h – Nous prenons la direction de la marina et d’ETECSA afin d’élucider ce qui ne semble plus être un mystère.

Mardi 4 avril 2023 – Cayo Largo – « 4 »

Nuit toujours aussi calme.

Conformément à notre idée de la veille, nous partons en annexe rejoindre la plage Siréna à laquelle nous étions parvenus lors de notre balade sur la plage, au terme de plus d’une heure de marche. Dix minutes nous suffiront cette fois. L’autorisation de nous amarrer au quai de l’hôtel nous est instantanément et avec le sourire, donnée.

Nous avons la chance de trouver immédiatement le « train » sur roues qui fait la jonction avec les hôtels situés à plusieurs kilomètres sur les plages de la côte sud. Quelques minutes plus tard et alors que nous sommes seuls à bord, un gros taxi vient à notre hauteur. Les deux véhicules s’arrêtent. Le chauffeur de taxi de la compagnie d’État, Transtur, vide en l’occurrence, propose de nous emmener. Le train devant préalablement repasser par la marina, nous fonçons. Beaucoup plus confortable sur le chemin de terre sur lequel nous roulons. Arrivés à l’hôtel, nous gratifions le chauffeur d’un petit présent, en veillant à la discrétion.

L’hôtel… propriété à 51% de l’État, est identique à tant d’autres. Son voisin n’est pas différent. Ni mieux, ni pire. Pas fabuleux quand même. Adossée à des strates de pierres calcaires qui se superposent, la plage se résume à un ruban de sable d’environ cinq mètres. Pour finir le tableau, la mer est agitée, nous sommes du côté des vents dominants, les vagues sont fortes. Personnes ne se baignent. Une partie de plage est réservée aux nudistes, guère nombreux.

Devant ce tableau, nous décidons de prendre le train de 11h pour rebrousser chemin. Il nous faudra presque une demi-heure pour parvenir à notre point de départ, là où nous nous étions baignés dimanche. Une vraie belle plage cette fois. Une demi-heure d’un tape-cul intégral. Dos sensibles, s’abstenir résolument. Les touristes de l’hôtel viennent donc très majoritairement là, pour se baigner. Une demi-heure à l’aller, idem au retour… Fabuleux bonheur des vacances. 

Nous nous baignons à notre tour puis profitons des douches… au débit anémique… mais quand même.

La belle paillotte adjacente abrite un restaurant. Quinze euros pour nous qui ne sommes pas dans un hôtel. La formule ne nous tente guère, nous reprenons l’annexe… pour un déjeuner tranquille à bord, langouste comprise pour moi.

Après-midi cool…

Mercredi 5 avril 2023 – Cayo Largo – « 5 »

Nous passons la journée à bord de Soa. Chacun vaque à ses occupations. Pour moi, stepper, écrits personnels et autres, météo marine pour tenter d’anticiper un peu, calendrier pour caler tout ça, rangement des pare-battages en vue du départ, nettoyage des cochonneries que des oiseaux ont déposées sur le pont…

De son côté, Élisabeth refait des yaourts… Bien agréable même si le sirop d’érable qu’elle a apporté va bientôt faire défaut. J’ai par contre du sirop de gingembre qui, de mon point de vue, est aussi très bien.

Jeudi 6 avril 2023 – Cayo Largo – « 6 »

Nous retravaillons notre calendrier global (Cienfuegos, Trinidad, La Havane), hypothèses de navigation jusqu’aux BVI (Iles Vierges Britanniques) comprises. Compte tenu de la quasi permanence de vent d’est constatée (+/ 20 nœuds), il est de plus en plus évident que nous n’aurons pas le temps de repasser à Santiago. Les étapes possibles, s’il y en a, se détermineront d’elles-mêmes une fois que nous aurons quittés Cienfuegos. Nous ferons en fonction du vent que nous trouverons, tant en force qu’en direction. C’est ainsi que se font les choses en navigation à voile, et c’est très bien.

En trace directe, un peu plus de 1000 milles séparent Cienfuegos des BVI en passant entre Jamaïque et Haïti. Sachant que nous serons vraisemblablement amenés à en parcourir environ1500, au jour d’aujourd’hui, je pense qu’il nous faudra une bonne quinzaine de jours pour rejoindre les BVI. Ce n’est là, bien sûr, qu’une hypothèse.

Nous mettons l’après-midi à profit pour récupérer notre « despacho » dûment signé et voir si notre fournisseur a pu, ou non, trouver du pain et autres fruits ou légumes. Ni pain, ni fruit, ni légume mais nous sommes en possession du précieux sésame. Le garde-frontière m’interroge sur l’origine du nom de Soa. Je lui explique l’avoir choisi lors de l’un de mes séjours à Madagascar… parce qu’il sonne bien à mes oreilles, parce qu’il est court et que sa signification me convient parfaitement (bon/bien). Il me parle d’autres noms de bateaux pour lesquels il avait également demandé l’origine et la signification. Intéressante démarche.

La situation actuelle à Cuba fait que ce qui nous apparait comme tellement aller de soi et tellement facile chez nous, ne l’est pas du tout ici (acheter de l’eau, du pain, des fruits…). Même dans des zones très touristiques telles que Cayo Largo où nous sommes, l’approvisionnement est une gageure. Connaissant parfaitement cette situation avant notre départ, nous avions anticipé… sauf que nous avons désormais consommé la quasi-totalité de nos produits frais et de notre pain. La farine emportée va sans doute servir. Côté yaourts, c’est Élisabeth qui s’en charge régulièrement et admirablement. On ne meurt pas de faim… loin s’en faut !

Pour notre dernière soirée ici, nous nous offrons ensuite un, enfin, deux mojitos à la Taberna. Toujours agréable, lieu sympa, accueil compris. Nous recommandons.

Vendredi 7 avril 2023 – Cayo Largo – « 7 »

Jour de départ pour notre première étape vers Cienfuegos. Nous envisageons de faire un stop nocturne sur un des Cayos qui se trouvent sur le chemin, à priori, Cayo Caruba Del Este. Nous prévoyons de prendre notre repas de mi-journée tôt, puis de décoller aussitôt après. Le vent ayant une chance d’être plus coopératif.

Matinée tranquille d’écriture et de préparatifs pour moi. Élisabeth s’adonne à la préparation d’un confit de canard accompagné de pommes de terre sautées et d’haricots verts.

13h – Nous décollons. Le contournement de la partie ouest de Cayo Largo nous prend du temps. Une fois les récifs débordés, force est de constater que nous avons le vent parfaitement de face… quand il y en a. In fine, ce sera moteur et… moteur. De bout en bout. Première journée où il aura tourné aussi longtemps.

Je mets deux lignes à l’eau, celle de l’une des cannes et le fameux « yoyo cubain ». C’est ce dernier, une heure plus tard environ, qui nous fera ramener un beau barracuda d’environ 80 centimètres. Je le vide et coupe tête et queue. Le reste attendra notre arrivée.

19h – Du fait de la protection des différents cayos, la mer est plus calme. Nous finissons par voir l’éclat du phare situé sur notre ilot de destination. Une lumière fixe est à son pied. Sur les dernières foulées, peu après un nouveau très beau coucher de soleil, nous observons un grand nombre d’éléments phosphorescents glissant sur l’eau. Particulièrement lumineux, ils forment, à certains moments, comme des plaques lumineuses. Beau et étonnant spectacle. La nature n’est pas avare de splendeurs.

21h – Barracuda mon ami. Tandis que je l’écaille, la lune déboule, par surprise, de derrière le cayo. Nous lui avions pourtant demandé de nous prévenir… mais non. Nous la découvrons, encore bien orange et grosse, alors qu’elle a légèrement entamé sa montée. Bien belle, la fille.

Filets prélevés, darnes découpées et rangées dans une boite hermétique… le tout est placé au réfrigérateur.

La nuit s’annonce agréable.

Balade à Cuba – Partie VI – Cienfuegos / Trinidad / La Havane

Samedi 8 avril 2023 – Cayo Largo à Cienfuegos

07h – Dernière ligne droite pour Cienfuegos. Incertains sur les vents (assez forts dans le mauvais sens, faibles voir très faibles l’après-midi) nous avons fait le choix de déjeuner au lever du soleil et de partir dans l’heure qui suit.

08h – Ancre parfaitement propre remontée (sable ?), c’est parti… Nous établissons les voiles sur bâbord pour déborder le récif et voir ensuite. Le vent est un peu en dessous de 20 nœuds. Nous décidons de poursuivre sur la même amure, au près serré, même si cela nous conduit à naviguer dans la zone affichée comme interdite par les cartes. Le phare s’éloigne progressivement. Rayé de très larges bandes horizontales blanches et rouges il possède, un quart au-dessus de sa base, une sorte de ceinture soutenue par des jambages obliques. Très curieux. Les concepteurs devaient avoir peur qu’il tombe.

11h15 – Nous virons de bord, la direction Est du vent nous amenant de plus en plus loin à l’intérieur de la zone interdite. Pas sûr que cela aurait posé problème, mais autant ne pas chercher les ennuis. En virant, nous allons montrer notre extrême bonne volonté quant au respect de la réglementation locale… dont on se demande bien à quoi elle sert.

Hier, à l’occasion de la remontée du barracuda, je ne suis pas parvenu à réenrouler correctement le fil du « yoyo cubain » dans sa gorge. Il est, depuis, resté en vrac. Cette péripétie me fait envisager une nouvelle organisation. Je traîne dans un coin de la soute arrière, un dévidoir de pêche que j’avais à bord d’Herpès, mon précédent bateau (oui, pas d’erreur, c’était bien son nom !). Ne m’en étant pas ou quasi pas servi depuis, je m’étais posé de nombreuses fois la question de le bazarder… mais, comme on dit, ça peut servir. La preuve. Je l’exfiltre de la caisse qu’il occupe avec d’autres ustensiles de pêche. Le rouleau sur lequel le fil s’entoure possède de larges joues prévenant tout dérapage. Facile à fixer à l’arrière du bateau, il est, de plus, muni d’une poignée pour l’enroulement. Le top. Après avoir défait l’entrelac de fil et l’avoir enroulé sur une planche, nous procédons, Élisabeth et moi, à l’enroulement sur ce nouveau support. Le fil est plus long que je le pensais… mais c’est chose faite. 

Depuis le siège du balcon arrière tribord, légèrement en surplomb du fait de la gite de Soa, je contemple. Le soleil fait flamber la surface de l’eau sur une large proportion. À côté, la mer est d’un noir d’encre. Le contraste est saisissant de beauté. Mon esprit vogue… lui aussi.

Canard confit et haricots verts, suite et fin … Parfait.

12h30 – Montagnes en vue… elles se pavanent à vingt-cinq milles devant nous. On pourrait les toucher.

13h15 – Nouveau virement de bord. Nous sommes cette fois sur le trajet direct de Cienfuegos. Si, comme prévu par la météo, le vent baisse et tourne au sud (il est actuellement sud-est), nous devrions malgré tout pouvoir continuer en route directe.

14h15 – Malgré les darnes de barracuda sagement rangées dans le frigo, je ne résiste pas au désir de vérifier le bon fonctionnement de mon nouveau support de pêche. Si cela se produit, il est facile de donner un poisson…ou de faire une soupe du même nom.

Le vent baisse et adonne (tourne dans une direction favorable à notre navigation). J’ouvre un peu plus les voiles. Il nous reste désormais vingt milles à parcourir. Navigation tranquille et confortable, la houle ayant presque totalement disparue du fait de la      protection de la terre.

16h – Si la montagne reste enveloppée d’une sorte de limbe cotonneux, la côte plate, située sur l’avant bâbord, se distingue mieux. Une masse blanche y trône avec, à ses côtés, une fumée particulièrement noire qui s’élève. Toujours sur bâbord, mais un peu plus à droite, deux constructions hautes et étroites, l’une blanche, l’autre noire. À priori, pas de navire des garde-côtes en vue. Toujours la question des devinettes qui ponctuent les approches.

16h45 – Le vent est passé derrière, nous rentrons la grand-voile qui faseye. Nous poursuivons sous génois seul, un peu au-dessus de 4 nœuds. Ça suffit à notre bonheur même si la nuit devrait nous attendre en bord de côte.

À douze milles de celle-ci, premiers frémissement téléphoniques… Très bon anniversaire, Michèle. Salut (santé en cubain).

Dimanche 9 avril 2023 –– Cienfuegos

08h30 – Nous levons l’ancre et partons pour la marina de Cienfuegos, où grâce à nos contacts avec Yoandris, nous sommes attendus.

10h30 – Nous y voilà donc. Soa est amarré à la marina « Marlin » située dans la très grande baie de Cienfuegos. Élisabeth avait sagement réservé une place pour l’ensemble de la durée de notre périple à terre soit jusqu’au 28 avril.

La maîtresse de port qui procède à notre enregistrement, nous apprend que Cayo Largo nous réclame de l’argent… 92 € correspondants à notre période de mouillage chez eux. On tombe un peu des nues.

Le coût de la marina est de 30 € pour 44 pieds (taille inferieure d’un pied enregistrée volontairement par le marinéro de Santiago, ce qui nous permet de gagner une tranche de tarif). Merci à lui.

Nous déjeunons dans une auberge située à proximité de la marina… la bière est américaine (!!!) L’ensemble très correct.

À proximité, au bout de la pointe de Cayo XXX, un splendide palais arabe dont nous pouvons découvrir le rez de chaussée. Un restaurant, un bar dans la partie haute auquel nous nous promettons de rendre visite.

En début d’après-midi, il pleut. Nous en profitons pour rassembler le linge sale et préparer nos sacs de voyage, tant pour Trinidad que pour la Havane. Le délai entre les deux sera très court.

Nous partons vers dix-huit heures pour une longue balade à pied au départ de la marina. Le « malecon » local d’abord (promenade en bord de mer) puis le centre-ville. Une large avenue, bordée d’habitations avec colonnes et trottoirs couverts(arcades dirait-on à La Rochelle), structure l’ensemble. Une vaste partie centrale pour les piétons, entourée de deux fois deux voies pour les véhicules avec ou sans moteur… voitures, tricycles, scooters, side-cars, carioles à cheval et… vélos. Un très bel espace, une grande unité esthétique…

Au terme d’une rue piétonne perpendiculaire, nous aboutissons à la place centrale comportant la cathédrale, le grand Théâtre et divers autres magnifiques édifices. Superbe.

Lundi 10 avril 2023 – Cienfuegos

Conseillé par Yoandris avec lequel nous sommes en contact depuis le début ou presque de notre périple (un des docks masters de la marina), Elvis, le conducteur effréné d’un triporteur de transport, nous fait faire le tour des lieux potentiels de vente de bouteilles d’eau. Pas franchement évident. Nous trouvons néanmoins notre bonheur… et rentrons avec 60 bouteilles d’un litre et demi à un tarif équivalent à celui de la Martinique (0,75 $) soit l’équivalent de deux mois de salaire de base ici !!! Nous achetons simultanément différentes sortes de chorizos sous vide n’ayant pas besoin d’être stockés au frais. Elvis nous demande 10 $ pour le transport. Raisonnable vu le temps passé. Nous restera, le moment venu, à trouver fruits, légumes, viande, œufs, pain…

Nouvelle exploration du centre-ville en pleine lumière du jour cette fois-ci. À l’inverse du dimanche de la veille, très peu de monde dans les rues. Nous échappons à la pluie qui, sur le chemin du retour, menaçait.

Mardi 11 avril 2023 – Cienfuegos à Trinidad

09h30 – Départ en taxi vers Trinidad… que nous atteindrons une heure et demie plus tard. La « casa particular » que nous avons réservée (Élisabeth), est située en plein cœur de ville, quasi au pied du clocher de l’ancien monastère. Difficile d’être mieux placés. L’accueil de Yadiaris et de son mari est très chaleureux. Ils se révéleront être des hôtes très attentifs. Leur maison est organisée selon le plan architectural des habitations locales. Une grande pièce à vivre (50 m² environ) avec sur le côté droit, une chambre à coucher de grande dimension. La maison a dû être divisée puisque la chambre de gauche a disparu. La salle à manger fait suite à la pièce principale. Diverses autres pièces ensuite en lieu et place du patio habituel. Les chambres, pièces rapportées en surélévation, sont à l’étage. Spacieuses et propres, salle d’eau et climatisation comprises. L’une des terrasses est entièrement recouverte de verdure, une sorte de tonnelle. Protection du soleil et fraicheur garanties. À un jet de pierre, le clocher de l’ancien monastère, peint de jaune et d’ocre, nous surveille sur fond de ciel bleu.

Nous déjeunons au restaurant la Bodega, au coin de la rue. Très grande belle salle avec ses tables de bois et sa décoration qui rappelle le passé esclavagiste qui fut aussi celui de Cuba. Les assiettes sont bien garnies et de qualité, les jeunes serveuses, sympas.

Notre balade de l’après-midi nous fait parcourir le centre-ville situé à quelques centaines de mètres. La Plaza Centrale trône, comme son nom l’indique, au cœur de cette petite ville très préservée. Aux côtés de la cathédrale sans clocher, de beaux édifices à colonnes et des musées… dont celui consacré aux arts de la table dans une fort belle demeure… qui fait restaurant ! Nous y réservons une table pour le diner.

Les broderies, spécialités de la région, s’affichent partout. Nappes, chemins de tables, vêtements… il y en a pour tous les gouts, sous réserve d’aimer le blanc, exclusivement utilisé.

La « Casa de la Musica » prend ses aises sur une sorte d’immense escalier (20 mètres de large sur plusieurs dizaines de haut). Une partie spacieuse est située entre la volée du bas et celle du haut. Des tables sont installées sur chacune des marches (1 mètres ou un peu plus de large). Nous profitons d’une bière qui, cette fois, est espagnole. Une « Estrella », marque que j’avais eu l’occasion de découvrir en Galice. Belle facétie. Un groupe de cinq musiciens/chanteurs distille une musique cubaine fort plaisante. Le trompettiste fait le spectacle.

Le soir, nous retrouvons le restaurant-musée où trône des services de table prestigieux, Limoges, que je connais bien, compris. Les verres et les ménagères sont assortis. Très classe. La demeure qui possède deux étages, est splendide. Une table installée dans le patio nous est désignée. Tout est recherche. La décoration est magnifique. Le groupe de trois musiciens qui s’y produit est, pour partie, composé des musiciens de la Casa de la Musica. Belle ambiance. Soirée exquise, plats et vin compris, dans un endroit hors du commun. Inoubliable.

Mercredi 12 avril 2023 – Trinidad

Balades et musiques occuperont notre journée. À noter tout particulièrement, la visite de la ville accompagnée par l’une des spécialistes du lieu… qui, par chance pour moi, parle français. Grâce à elle, de belles découvertes sur l’histoire locale, l’architecture… etc.

Notre quête laborieuse d’un restaurant pour le diner nous fait atterrir dans un lieu où un groupe de jazz se produit. Si la nourriture est moyenne, la musique est fort agréable.

Sur le chemin du retour, nous passons devant notre restaurant-musée de la veille. Le patron avec qui avins échangé la veille est assis sur le devant. Il nous reconnait et nous invite séance tenante à accepter de déguster un rhum de notre choix. Il nous confie à un serveur qui nous désigne une table du patio (différente de celle de la veille). Il nous fait ensuite choisir le rhum que nous souhaitons boire. Les mêmes musiciens que la veille, officient à deux pas de nous. Ils nous reconnaissent également. Un groupe de français, sous la conduite du couple chargé de ce registre, s’essaie à la danse. Autre merveilleux moment ponctué par un échange de coordonnées… Mille mercis à tous, serveurs affables compris.

Jeudi 13 avril 2023 – Trinidad – Cienfuegos

Le taxi du retour à Cienfuegos n’étant prévu que pour 11 heures, je profite du début de matinée pour visiter l’ancien monastère transformé, aujourd’hui, en musée… même si cela me parait être un bien grand mot. Ce qui m’intéresse, c’est la vue depuis le haut de l’ancien clocher d’où l’on domine la ville.

Le taxi se fait attendre. Longuement, très, très longuement. Il est à court d’essence ! Problème récurrent ici. Nous ne quitterons Trinidad qu’en milieu d’après-midi…

Nuit à bord de Soa, mise à jour des sacs pour le lendemain…

Vendredi 14 avril 2023 – Cienfuegos à La Havane « 1 »

07h 30 – Départ La Havane, Elvis et son tricycle pour se rendre à la gare routière de départ…  puis longue épopée routière de plus de cinq heures de route, détours par la Playa XXX compris. Il a d’abord fallu trouver le bureau où confirmer notre présence (surbooking fréquent), puis l’endroit pour enregistrer nos bagages qui, in fine, ne l’ont pas été. Ça n’a pas été simple. La route que nous avons empruntée était dans un état très, très moyen bien qu’elle soit l’une des plus fréquentée du pays. La quatre-voies, avec intersections de niveau, est limitée à 100 km/h.

14h – La Havane donc. Le taxi que nous avons fait réserver nous attends. Une belle Ford de 1956… désormais mue par un moteur d’origine asiatique.

Notre casa est un appartement indépendant au sens où il n’est pas une partie de maison de propriétaires logeant sur place. Airbnb est, au mauvais sens, partout. Il est totalement rénové aux standards qui sont les nôtres. La splendide pièce à vivre, sol en carrelage à l’ancienne, plafond décorés, lustres 1900, est complétées de deux belles chambres avec salle de bains privatives. Une kitchenette séparée complète l’ensemble. Nous sommes à cent mètres de XXX, une des artères centrales du vieux Havane.

Nous y retrouvons Valérie qui, outre La Havane, fera partie de l’équipage retour vers Saint-Martin. Bienvenue à elle.

Première balade, premier diner en ville, premier groupe de musique cubaine.

Longue mais belle journée.

Samedi 15 avril 2023 – La Havane « 2 »

Après Trinidad la charmante charmeuse, La Havane la merveilleuse. Très longue balade de fin de matinée / début d’après-midi… le fort qui surveille l’accès au port, le Malecon, la majestueuse Cathédrale, la place… les saltimbanques sur échasses, les terrasses de restaurant-cafés… partout des bâtiments d’époque et des façades somptueuses. Partout de la musique.

Nous croisons Alexandre et sa Chrysler décapotable de luxe de 1949. La voiture est rutilante, l’homme très plaisant.

Plus loin, une rangée de très belles américaines dans leurs robes irréprochables. Une vingtaine au moins, les unes rivalisant avec les autres. Un spectacle en soi.

Sur la place magnifique place « La Vieja » où trône une fontaine, déjeuner qui se voulait léger… et qui ne l’a pas été (à notre corps défendant) et café. Ensemble architectural remarquable. Plusieurs styles et influences issues de l’Espagne comme des États-Unis, s’entremêlent… du baroque, du néo-classique…

Nous trouvons du change à 180 CUP pour 1 €… le taux le plus favorable actuel… qui ne cesse de monter.

Quelques magasins sympas d’artisanat s’affichent dans les rues piétonnes. Ils proposent des produits sortant de l’ordinaire.

La Floridita, l’un des cafés préférés d’Hemingway, l’américain incontournable ici, à, c’est le cas de la dire, pignon sur rue en plein centre-ville. L’écrivain fait faire recette. Et puis, Bolivar et tant d’autres. Fidel, comme l’on dit ici, se fait bien plus discret qu’ailleurs… curieux.

Sortie du soir… taxi collectif version vieille américaine. Une boite de jazz que connaissait Élisabeth. Deux sœurs, l’une qui chante admirablement bien et joue du violon, l’autre au piano, accompagnées d’une bassiste et d’un batteur. Trois heures d’excellente musique dans un endroit agréable. Un régal.

Dimanche 16 avril 2023 – La Havane « 3 »

Après notre petit déjeuner préparé avec soins par Djaria, Valérie souhaitant rester à la casa, Élisabeth et moi partons arpenter une nouvelle fois le quartier de la Havana Vieja, jusqu’au marché des artisans situé au bout du Malecon, de l’autre côté de la ville. Je profite, sans honte et avec plaisir, de sa connaissance des lieux. À proximité, l’église orthodoxe aux dômes dorés est rutilante. Un peu plus loin, l’abbaye Saint François… et quelques autres enchantements visuels.

Le marché des artisans est installé dans un immense hangar. Les très nombreuses allées sont bordées de petites boutiques (dix mètres carrés environ). Un peu de tout est proposé aux chalands. Des bijoux originauxy sont vendus entre dix et douze euros. Les mêmes ou presque, à Fort de France, s’affichent à soixante-dix ou quatre-vingts euros. Une des spécialités est la confection de pendentifs, bracelets et bagues à partir de fourchettes et cuillers en argent. Globalement, de très belles réalisations. Nous faisons quelques emplettes… au pluriel.

Durant notre balade, nous tombons par hasard sur l’ancien wagon présidentiel (d’avant Fidel) exposé au détour d’une rue. Très, très long et très, très confortable. Salon, salle-à-manger, chambres avec salle de bains et baignoires, cuisine, ventilation…  

En sortant, deux adorables et souriantes jeunes cubaines, Shabelia, dix ans et Rocia, douze ans, nous abordent. C’est dimanche, elles n’ont rien de spécial à faire, elles se promènent sans but particulier. Suite à la question rituelle, « De quel pays venez-vous ? », elles nous parlent de leurs poupées françaises (anciennes) qu’elles aiment beaucoup. Elles nous disent leur désir de voir d’autre lieux que Cuba mais craignent, dans le même temps, que ce ne soit jamais possible. Nous tentons de jouer l’espoir d’une ouverture du pays grâce aux adultes qu’elles seront bientôt. Bien lucides déjà sur les contraintes locales. Étant à proximité du musée du chocolat (réalisé sur les conseils d’un spécialiste Bruxellois), Élisabeth leur demande si elles aiment ça… ben oui ! Mais elles n’en mangent jamais (trop cher). Deux gros morceaux bien noirs, dudit produit, dans un cornet en papier, les régalent. Buena suerte, les filles… gardez votre fraîcheur et vos sourires.

Sur le chemin du retour, nous repassons dans un magasin d’artisanat où j’avais repéré, la veille, des boites ajourées en bois sombre. La plus grande, si ses dimensions correspondent, devrait pouvoir remplacer heureusement celle qui trône sur le plan de travail de la cuisine, les deux autres, nettement plus petites seront parfaites sur les côtés de mon lit de la cabine avant. Moins de choses traineront peut-être… Le tout pour quelques euros.

Petit en-cas avant de rentrer à la casa pour moi, Élisabeth, quant à elle, a rendez-vous avec une de ses amies cubaines.

Dans l’après-midi, plusieurs déflagrations très puissantes retentissent… ce n’est rien, juste quelques coups de canon dans le cadre d’un exercice militaire… Un classique qui n’émeut personne.

La Casa de la Musica locale ne ressemble pas à celles déjà expérimentées. Elle ne nous aura pas convaincus longtemps. Pas de groupe mais une musique à tue-tête pour faire se trémousser quelques jeunes. Au total, dix minutes chrono, je pense, avant une retraite en bon ordre vers un horizon meilleur. 

Nous dinons dans un restaurant XXX qui sort des sentiers battus de par sa décoration. Les pina-colada te les plats qu’il propose ne sont pas en reste. La langouste à l’ail est, ni plus, ni moins, délicieuse. Un modèle du genre.

Sur le chemin du retour, la musique du groupe hébergé par le restaurant XXX sur la place principale, nous happe. Entre musique cubaine et flamenco avec un chanteur dont la voix prend aux tripes ! À l’évidence, Cuba produit un nombre impressionnant de chanteurs et musiciens de très grand talent. Une incontestable réussite qui enchante la vie… et, ici plus qu’ailleurs, il y en a bien besoin.

Lundi 17 avril 2023 – La Havane « 4 » 

Élisabeth part pour Matanzas où elle va rencontrer des membres de sa famille et des amis de longue date.

Je fais un saut chez le coiffeur repéré la veille par Valérie. La pire coupe de cheveux de ma vie. Pour couronner le tout, le coiffeur en question se double d’un arnaqueur, voleur sur les bords, ces derniers étant assez larges ! Enfin bon, malgré des endroits où rien n’a été coupé et qui font des espèces de touffes, ils sont quand même, globalement plus courts. J’irai voir mon coiffeur Saint-Martinois incomparablement meilleur pour qu’il puisse rattraper le coup (pour le coût, c’est foutu !).

Après avoir bu, notamment à Trinidad, des bières espagnoles de marque Estrella (découvertes à Malpica lors de mon passage en Galice, je répète pour ceux qui ont du mal à suivre), je découvre, dans un magasin où les achats se font en devises (c’est beau le socialisme appliqué de cette façon !), des « 1906 » de la même marque… Incontestablement, les meilleures du lot. À 1,50 € pièce, elles ne sont évidemment pas à la portée du cubain ordinaire. Aucune hésitation, aucune, je n’en n’avais jamais vu nulle part ailleurs, depuis. J’en mets une demi-douzaine dans ma besace… en attendant mieux.

Après une après-midi de balade, Valérie et moi dînons dans un petit restaurant traditionnel resté dans son « jus ». Le Patchanka. Tout simple. Murs couverts de graffitis. Quatre excellents musiciens dont deux anciens, nous régalent de leur musique. La langouste, dans une autre présentation que celle de la veille, est, là aussi, excellente. Qui plus est, pour un prix défiant toute concurrence (7 € environ). Deux couples d’une trentaine d’années (espagnols/argentins) font le spectacle (danse). Les filles surtout. Une cubaine, encore plus déchaînée, se joint à eux. L’un des musicien, l’œil fixe, en est baba. Le spectacle n’est parfois pas dans la rue. 

Mardi 18 avril 2023 – La Havane « 5 »

Valérie prend la route pour Vinales. Retour prévu vendredi, à l’identique d’Élisabeth. Bonne balade, les filles.

Étant seul, je n’ai pas sollicité Djaria pour la confection du petit-déjeuner. La frugalité gagne, très momentanément, du terrain. Dans le registre de la cuisine, nous avons fini, ce matin, par disposer d’une casserole. Compliqué semble-t-il.

Je fais un saut aux deux marchés, repérés les jours précédents, pour tenter d’acheter des œufs. Il y en a dans l’un des deux… mais par plaque non sécable de trente-six. Très au-delà de mes besoins. Dans un autre endroit, je tombe sur une boutique qui vend du pain… aux seuls cubains ayant un carnet d’approvisionnement. S’avitailler à Cuba est un tour de force, lorsqu’on n’a pas de réseau. Une dimension problématique qui complique sensiblement le quotidien.

Je visite un musée de l’automobile devant lequel j’étais déjà passé. Un mélange pour le moins hétéroclite qui rassemble des modèles très différents appartenant à une période s’étendant du début à la fin du vingtième. On trouve l’antique Peugeot 106, d’autres Peugeot, « papales », celles-ci, une Méhari aux côtés de très belles américaines du milieu du même siècle et d’une Rolls Royce de la même époque. Quelques Harley Davidson ferment le ban. Rigolo.

Au niveau de la casa, c’est un peu compliqué aussi. Le seul rouleau de papier toilette dont disposaient Élisabeth et Valérie, a terminé son job. Il n’y en a pas d’avance. Idem pour le sac poubelle qui est plein. La cafetière consent à faire deux minuscules cafés. Rien de plus. Trouver du café, une autre quadrature du cercle. Ni huile, ni rien d’autre pour cuisiner… On est loin, très loin de notre casa de Trinidad.

Ayant désormais repéré la plupart des lieux et constructions remarquables (prises en photo avec mon téléphone), je double la mise avec mon appareil photo (Canon) dont le capteur, gage de qualité, est considérablement plus grand. Pour des questions de lumière du soleil et donc d’éclairage, certaines prises gagnent significativement à être effectuées le matin, tandis que c’est l’inverse pour d’autres. Pas trop moyen de ne pas en tenir compte si on est attentif aux résultats.

19h45 Depuis le malecon que les embruns viennent lécher et envahir à certains endroits, j’assiste au coucher de soleil sur l’océan. Ça faisait déjà quelques temps, j’étais presque en manque.

Patchanka, deuxième. Cette fois, je goutte le poulpe grillé. Très bien, lui aussi. Ce soir, c’est un autre groupe qui est aux commandes. Il se résume à deux musiciens, un guitariste-chanteur et un percussionniste. Ce dernier, arrivé un peu à la bourre, installe son matériel et s’assoit sur un cube de bois qui va lui servir de grosse caisse. Il commence ensuite à se déchausser. Soigneux, il plie et range ses chaussettes. Ah, un brin inhabituel dirons-nous § !?!? Pour finir, il place des baguettes de tambour sous ses pieds, qu’il coince entre ses orteils… et commence à jouer en frappant les objets métalliques qu’il avait préalablement placés au sol, deux sortes de clochettes. Deux petits tambourins entre ses jambes, une cymbale à sa gauche… il jongle merveilleusement avec tout ça. Vue de l’extérieur, une prouesse qui réclame, en plus du rythme et du sens musical, une parfaite dissociation segmentaire. À la fois qualitatif et très, très impressionnant techniquement !!!

Mercredi 19 avril 2023 – La Havane « 6 »

Pour terminer mes emplettes « cadeaux », je reviens au grand marché de l’artisanat déjà visité avec Élisabeth. Pour ce faire, je teste la version triporteur à pédales des taxis locaux. Le premier est actionné par un homme d’une soixante d’années. Il peine un peu à certains endroits, mais me conduit néanmoins à bon port, en quinze minutes environ. Au retour, le « pédaleur » est plus jeune, nous gagnons en vitesse. Outre le fait que cela donne le temps de voir ce qui se passe autour, cela permet d’alimenter à minima les caisses de ces cubains pas vraiment fortunés. Au marché, je fais trois/quatre achats pour compléter ma collection dont deux petits drapeaux (pavillons sur les bateaux) cubains. Ils devraient pouvoir remplacer fort utilement mes pavillons de corsaires particulièrement éprouvés depuis le départ de La Rochelle fin 2021. Ils constituent d’excellents penons (pour matérialiser la direction du vent apparent en navigation) et sont très utiles pour le réglage des voiles.

Taïmi, qui s’occupe de l’appartement en lien avec le propriétaire espagnol, m’accompagne afin de trouver du café et du pain (j’ai renoncé aux œufs et n’ai donc plus besoin d’huile). Nous ne trouvons rien dans les magasins du grand hôtel en question. Je poursuis ma quête seul.  En cours de promenade, je vois un homme avec un sac contenant des petits pains. Il me conduit à l’endroit où il les a achetés… sympa.

Je repasse au magasin où j’ai trouvé la « 1906 » afin d’en racheter pour rapporter à bord de Soa… et vois, en plus, des paquets de café moulu. Il y en a six au total. Pas un de plus… mais je n’en voulais qu’un. Tout va bien donc.

Je tente un nouveau restaurant où se produit un groupe musical qui semble en forme. L’intérieur est simple mais avenant. La langouste se révèle plus chère qu’ailleurs et très nettement moins bonne. Mauvaise pioche de ce côté-là. Mais j’aime bien tenter au gré de ce qui se présente. Se laisser bousculer par les propositions du hasard…

Jeudi 20 avril 2023 – La Havane « 7 »

La fin de nuit a été vivement secouée par un orage de grêle. Un bruit assourdissant avec des chocs dont je me suis demandé au début à quoi il pouvait bien correspondre. J’ai promptement fermé tout ce qui ne l’était pas parfaitement. L’eau s’est cependant infiltrée par le dessous des portes-fenêtres créant de belles flaques dans le salon et ma chambre. N’ayant rien pour éponger, j’ai prévenu Taïmi dès mon réveil. Elle a fini par passer… à quinze heures. Les problèmes de transport semblent avoir bon dos. J’en profite pour lui extirper sac poubelle et autres.

Je poursuis mes balades photographiques. La ville se nettoie doucement de la pluie qui a, visiblement, été abondante, charriant différents déchets. N’ayant pas reçu les batteries supplémentaires avant mon départ de Fort de France (appareil photo), mes possibilités en nombre de prises de vues sont limitées. Un peu contraignant.

Perrier acheté à un marchand ambulant en ville. Mangues au pied de l’appartement.

15h30 – Batteries rechargées, je parle de l’appareil photo et de mon téléphone, je repars.

Spectacle de danse dans la partie ouverte d’une maison culturelle….

Vendredi 21 avril 2023 – La Havane « 8 »

Mauvaise nouvelle ce matin, ma poche de thé que j’avais apportée pleine, a disparu ! Taimy qui s’occupe de l’appartement, malgré ses énergiques dénégations, a dû prendre le sac plastique dans lequel elle se trouvait pour quelque chose devant rejoindre la poubelle… À moins qu’il n’y ait des esprits aussi invisibles que malveillants.

Élisabeth et Valérie rentrent de leurs périples respectifs, Matanzas et sa famille pour l’une, Vinales et sa campagne pour l’autre.

Diner avec mes équipières retrouvées dans un restaurant que j’ai repéré durant l’après-midi, AL XXX. Cadre très sympa, décoration recherchée et sortant de l’ordinaire… porc un peu sec. Pour des problèmes de transport, le musicien annoncé pour vingt heures, n’arrivera qu’une heure et demie plus tard… transport toujours.

Samedi 22 avril 2023 – La Havane « 9 »

Balades tranquilles

Diner sur la belle terrasse d’un restaurant, groupe de musique compris. C’est une femme qui chante principalement. Pas si fréquent. Outre piano et percussions, un truc à piston accompagne.

Dimanche 23 avril 2023 – La Havane « 10 »

07 h – Après vingt-quatre heures de bus depuis Santiago, Olguita nous rejoint.

Ma connexion téléphonique est, pour une raison que j’ignore, bloquée…

Je reçois, en espagnol, un message de Wilfredo. Cet homme-là est adorable.

Élisabeth, Olguita et moi, explorons les chemins conduisant au bureau où Olguita doit se rendre demain pour faire certifier officiellement les copies de ses papiers, en vue de l’obtention de la nationalité espagnole.

En fin d’après-midi, nous nous rendons sur le Malecon pour assister et profiter du coucher de soleil. Très beau spectacle sur l’eau.

Nous rejoignons le restaurant Patchanka, pour le diner… une dernière fois.

Lundi 24 avril 2023 – La Havane à Cienfuegos

Après une matinée tranquille, retour un peu long mais sympa à Cienfuegos en autobus. Sur un tronçon de route qui longe la mer, nous rencontrons une transhumance de crabes rouges. Des milliers qui, sur plusieurs kilomètres, rebroussent chemin vers leur habitat dans la forêt adjacente. J’avais entendu parler de ce phénomène (Thalassa peut-être ?), mais le voir est réellement impressionnant et ce d’autant qu’ils constituent un festin pour les vautours locaux qui s’en donnent à cœur joie.

Nous retrouvons Soa qui est en forme… toujours sympa.

Mardi 25 avril 2023 – Cienfuegos

11h15 – Le magasin ETECSA (genre Orange chez nous), vient de fermer ses portes (11h). Lui et ses frères de communication, rouvriront à treize heures.

Nous allons jeter un œil au marché tout proche. Faut se contenter de très peu… quelques mangues, une courge, des concombres… point final.

Après une longue balade nous aboutissons sur la terrasse d’un restaurant à proximité de la mer.

Nous repartons pour le magasin ETECSA le plus proche. Fermé pour la journée. Les deux suivants aussi. Nous revenons à celui de ce matin. Ouvert. Mon compte téléphonique a été définitivement bloqué, il est donc inutilisable. Qu’à cela ne tienne, au vu des besoins, mise à jour notamment de l’Iridium, personnes à contacter avant le départ… svp, donnez-moi une nouvelle puce. Impossible, nous n’avons aucune ligne disponible. On croit rêver, mais on ne rêve pas ! Une personne présente propose de me louer la sienne pour les jours à venir… Yohandris nous indique que je pourrais en avoir une en passant par un autre employé de la marina…

En lien avec nos interlocuteurs de la marina et notre transporteur officiel, Élisabeth, toujours pleine de ressources, organise notre avitaillement.

Je suis censé avoir une nouvelle puce demain.

Pas d’eau à la marina.

Mercredi 26 avril 2023 – Cienfuegos

Tandis qu’Élisabeth et Valérie entament les courses pour notre avitaillement de départ, je débute les préparatifs de Soa.

Gazole 54 € les 300 litres ! Je me prends un coup de soleil dans le dos !!!

Un catamaran battant pavillon français qui était au mouillage, accoste pour faire du gazole. Je leur donne un coup de main. Un couple qui navigue depuis longtemps dans les parages. Ils sont équipés de Starlink… la technologie de l’américain Elon Musk qui, en plus d’envoyer des fusées dans l’espace, veut, parait-il, apporter l’Internet partout dans le monde. Ils en sont enchantés. Gros débit quasi illimité pour environ 50 € mensuel. Ils partagent leur connexion avec nous. Heureux hasard. Revenus au mouillage, nous captons toujours. Je vais y songer plus sérieusement, l’équipement étant bien moins cher que le simple achat d’un Iridium Go dont le forfait mensuel est désormais de quasi 200 € pour un service qui n’a rien à voir (débit très, très faible, temps de latence parfois long…).

Jeudi 27 avril 2023 – Cienfuegos

Gazole, eau et « despacho » de sortie de territoire, sont au programme de la matinée. L’idée est de sortir de la baie de Cienfuegos dans l’après-midi et de mouiller à l’extérieur afin d’être prêts pour le départ demain matin.

Didier m’adresse ses trois hypothèses de route, nord ou sud d’Haïti, sud Jamaïque. Nous optons pour le route intermédiaire, sud Haïti, sans doute pas la plus rapide mais vraisemblablement la plus confortable.

Histoire de finir en beauté, nous tentons le restaurant du magnifique édifice arabo-byzantin du bout de Punta Gorda à proximité de la marina. Déception en version XXXL. Il est comble et, en plus, seuls deux plats restent disponibles. Impossible par ailleurs d’avoir le moindre cocktail pour l’apéritif. Ce qui fait, si l’on peut dire, beaucoup. Le hasard nous fait atterrir dans le petit restaurant local où nous avions déjeuné lors de notre arrivée à la marina. Une manière de boucler la boucle. Le patron qui a un faux air de Nelson Mandela et qui en joue, est en grande forme. Élisabeth et Valérie aussi. Séance de poses pour photos diverses… Les mojitos sont (très) corsés, les plats corrects.

Vendredi 28 avril 2023 – Départ Cienfuegos pour les BVI (Iles Vierges Britanniques)

Fin de l’avitaillement, les yaourts, les œufs et nos plats préparés sont au rendez-vous ainsi qu’une énorme bûche de fromage qui se révélera très correct. Par contre, les pains se font attendre. Le préposé à l’immigration aussi. Mais tout fini par arriver. Nous avons de quoi manger et nous disposons du sésame de sortie. Essentiel pour l’arrivée aux BVI.

Un grand merci à Elvis et à Yohandris qui nous ont été d’un très précieux secours.

Paiement de la Marina (30 € la nuit pour 44 pieds, taille retenue pour Soa)

13h – Nous larguons les amarres… pour une durée indéterminée. Seule la distance la plus courte nous est connue en fonction du choix effectué en lien avec Didier.

Deux heures plus tard nous quittons l’immense baie de Cienfuegos et retrouvons la houle (gentille) de la mer des Caraïbes. Pour nous dégager de la côte, nous tirons un long bord au SSW (sud-sud-ouest), avant de reprendre la direction de l’Est. Après un coucher de soleil derrière les nuages, la nuit nous rattrape sous le regard lumineux et bienveillant d’une belle demi-lune. Elle accompagnera une bonne partie de notre balade et c’est tant mieux.

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