Au fil de l’eau, carnet n° 8 – Guyane Française – Suriname – mai/juin 2019
« En Guyane, il pleut sept mois de rang, les cinq autres mois, il convient de sortir avec son parapluie. »
Au bagne. Albert Londres, 1923
GUYANE FRANÇAISE – CAYENNE – KOUROU
Mercredi 15 mai 2019 – Dégrad des Cannes / Cayenne / Guyane française : 4° 51 N – 52°17 W
05h30 – Après dix jours de mer menés tambour battant depuis Jacaré au Brésil (140 milles de moyenne journalière), Soa et moi sommes à l’ancre sur la zone d’attente située en face de l’embouchure du fleuve Mahury sur lequel le port de Dégrad des Cannes est situé (proximité de Cayenne). Je dois attendre la marée montante pour engager notre remontée.
Le roulis (balancement d’un bord sur l’autre) est tellement fort que je ne parviens pas à dormir, ce qui, vous diraient certains, est exceptionnel. À défaut, je passe ma matinée à mettre de l’ordre et à faire du ménage. Il y en a toujours besoin après une traversée de plusieurs jours.
10h00 – Je lève l’ancre. La remontée du chenal va être longue. À son entrée, par politesse, je laisse la priorité à un énorme cargo de la CMA-CME… un peu comme on laisse passer un semi-remorque quand on est en vélo.
En approche, je tente de prendre contact avec le port par VHF. À défaut d’y parvenir, je finis par trouver un interlocuteur anglais qui m’indique qu’il n’y a pas de place disponible. Cela ne me surprend qu’à moitié compte tenu des commentaires que j’avais pu lire préalablement à ce sujet. Mon classique tour d’observation lors d’une arrivée dans un lieu inconnu, port ou mouillage, me montre qu’il est parfaitement possible de se mettre à couple de plusieurs bateaux amarrés du côté extérieur du ponton principal. Je jette mon dévolu sur un gros ketch (deux mats, celui de devant plus grand que celui de derrière) blanc et bleu au haut franc-bord, à bord duquel je vois du monde. Par politesse, je demande l’autorisation de me placer à leur côté. L’autorisation m’est accordée. Les deux hommes du bord m’aident à m’amarrer.
Jeudi 16 mai 2019 – Dégrad des Cannes
Après les cinq derniers jours particulièrement humides que j’avais vécus sur la deuxième moitié de ma navigation, je rêvais d’un accueil guyanais sous le soleil. Espérance évaporée, la continuité sans le changement. Il tombe des cordes (des chats et des chiens en version anglaise). Pas trop grave, j’avais beaucoup de courriels en retard et il faut que j’établisse mon programme guyanais. Je prends conscience à cette occasion que la date limite de la déclaration d’impôt sur le revenu se rapproche dangereusement. Il y a comme ça des prises de conscience…
Mes voisins du ketch, un espagnol et un russe, ayant montré leur intérêt pour Soa, je leur propose une visite… Après des compliments appuyés, ils me rendent la politesse. Je visite donc leur bateau. Un fifty (mi voiliers – mi bateau à moteur) très haut sur l’eau de vingt mètres et quarante tonnes. Excusez du peu. Il porte assez douloureusement les stigmates de son âge, soixante-dix ans. Beaucoup d’espace, évidemment. Au cours de la visite, nous descendons à la salle des machines… dans le noir. À un moment, mon pied gauche, au lieu de trouver le sol, s’enfonce dans le vide. Presque un mètre de descente sans filet. Cette fois, ce sont mes côtes du côté gauche, côté dos toujours, qui poussent un cri muet de douleur et de stupeur conjuguées. Mon guide avait juste omis de me prévenir qu’il manquait une plaque au sol. La douleur fut incomparablement plus vive que celle (qui a disparu depuis) de mon départ de Jacaré (les côtes encore mais côté droit cette fois-là). Pas tout à fait de quoi tomber dans les pommes mais pas loin. Mieux vaut en rire même si ça me tire très sérieusement à chaque mouvement et que je sais que ça va durer quelque temps. Mille excuses m’ont bien sûr été présentées… ce qui ne change pas grand-chose à mon état.
Dégrad signifie « village ». La « marina » de Dégrad des Cannes (terme impropre) vaut le coup d’œil. Tant en elle-même que par la majorité des bateaux qui s’y trouvent. Les pontons ressemblent à des pontons. Un bureau préfabriqué de quelques mètres carrés constitue l’unique local de la « marina » ! L’ensemble se trouve à l’extrémité du port de commerce, au bout d’un chemin franchissant un pont en bois dont on se demande comment il tient. Et qui plus est, à des années lumières de tout. Au-delà de ça, Soa est amarré de façon inespérée mais très satisfaisante. C’est l’essentiel.
Le « gars » du port, un ancien de la Marine Nationale, connait bien Mayotte, il y a séjourné. Un de plus. Pour le reste, on se demande ce qu’il fait de ses journées…
Vendredi 17 mai 2019 – Dégrad des Cannes
Je fais en sorte de finaliser mon planning guyanais. Le responsable du port de Kourou dont Patricia (voir portrait) m’a donné les coordonnées (les pontons sont propriété du centre spatial où elle travaille), m’indique qu’il n’y a pas de place au ponton pour un bateau de la taille de Soa. Se mettre sur bouée ou à l’ancre dans la rivière n’étant pas sûr (vols), impossible d’y laisser Soa plusieurs jours pour aller à Saint-Laurent du Maroni par la route. Cette option étant tombée à l’eau (!) je décide de laisser Soa à Dégrad où il semble en sécurité et d’aller à Kourou par la route. Je trouve un studio à louer qui semble sympa. Après Kourou, je reviendrai chercher Soa et prendrai la mer direction Saint-Laurent, 180 milles plus à l’Ouest. De là-bas, je rejoindrai ensuite Paramaribo au Suriname (150 milles) avant de filer grand large vers Tobago et Trinidad (500 milles), accompagné cette fois.
Mon vélo sorti de la soute et monté, je pars faire quelques courses au Carrefour Market le plus proche (20 minutes à pédaler). J’y trouve, avec grand plaisir, du pain qui ressemble à du pain, du camembert, du chèvre, du Bordeaux, du Gewurztraminer… un bonheur.
Samedi 18 mai 2019 – Dégrad des Cannes
Il pleut abondamment… je suis consigné sous le gris du ciel et sous les eaux qu’il déverse. Je poursuis la paperasse.
Dimanche 19 mai 2019 – Cayenne / Guyane française
Cayenne. Première balade de découverte de la ville et course automobile sont au rendez-vous. Les rues sont à angles droits. L’habitat est hétérogène et disparate. Le marché couvert n’est pas de première jeunesse. La belle et grande place des palmistes (avec sa colonne de la république) et deux/trois coins sympas en bord de mer relèvent très heureusement l’ensemble…
En fin d’après-midi, assis dans le cockpit, je vois un rat monter à bord et s’enfuir dans la cabine arrière… Gonflé, celui-là ! Je ne le sais pas encore, mais il va s’incruster.
Lundi 20 mai 2019 – Dégrad des Cannes
09h00 – Il pleut… normal, c’est la saison des pluies (qui a du retard). Ma douce vie de vacancier éternel est rattrapée par des considérations bassement triviales, dont la déclaration des impôts déjà évoquée. J’attaque à fond dans la collecte des données dont j’ai besoin. L’ordinateur et les mails (documents reçus sous format numérique) sont des aides précieuses.
Un peu plus tard dans la matinée, un sms de la BRED (banque) me demande de rappeler un numéro donné. Ma carte bancaire vient d’être piratée, quelqu’un tente de faire des achats sur Internet avec. Bien… Elle est donc sécurisée pour Internet (afin de ne pas pouvoir être utilisée) par la personne que j’ai au bout du fil. Conséquence, je peux m’en servir pour acheter en direct ou pour retirer du liquide. Déjà bien. Heureusement, j’ai mes deux autres cartes…
Sébastien qui gère le site Internet de Soa, me contacte suite aux évolutions qu’il a apportées. On y regarde ensemble. L’encadré du haut de page accueille de nouvelles photos qui, désormais, alternent. Sympa. On a bien avancé.
Dans l’après-midi, le temps ayant accepté de s’éclaircir un peu, j’en profite pour faire un tour de vélo sur la route dite « des plages ». La seule qui apparait comme assez sûre du fait de l’absence de camion et d’un nombre limité de voitures.
A mon retour, je procède au déplacement de Soa. Le bateau de mes voisins russo-espagnols quitte le port. Je largue les amarres, fais un tour dans le Mahury et reviens au même endroit, sur le ponton lui-même, cette fois. Deux collègues de ponton, dont Edouardo, m’aident à m’amarrer. Ça va me permettre de partir à Kourou l’esprit tranquille. Plus facile aussi pour circuler…
Mardi 21 mai 2019 – Dégrad des Cannes
Il pleut toujours. Abondamment.
J’en profite pour finaliser ma déclaration d’impôt. Ça soulage nettement quand c’est fini. Je joins aussi le centre d’aide de Brother, marque de mon imprimante. Elle « fait la gueule » depuis avant-hier. Bourrage papier, me dit-elle par ordinateur interposé. Problème, il n’y a aucun papier de coincé nulle part. Mon interlocuteur finit par me dire qu’il n’a pas de solution et qu’il suffit de trouver un réparateur sur place. Par je ne sais quel miracle, une idée lumineuse me vient en fin de conversation. J’enlève le toner en place et installe celui que j’ai en réserve, comme ça, pour voir. Bingo, ça redémarre comme si de rien n’était. Je sais donc désormais qu’en langage Brother, bourrage veut dire toner à remplacer. On en apprend tous les jours. Même en bateau, très, très utile, une imprimante (comme un scanner d’ailleurs).
La Guyane étant, comme chacun sait, française, je capte France-Inter. Ma radio préférée que je n’avais pas écoutée depuis bien longtemps. C’est d’ailleurs parfois un peu bizarre, ce qui s’y raconte, comme l’impression d’un décalage. Aux côtés du vote européen à venir, des problèmes sino-américains de téléphones (Huaweï), l’affaire Vincent Lambert occupe une place de choix. Je ne sais s’il perçoit quelque chose dans l’état où il se trouve mais l’idée d’être confronté à ce qu’il vit constitue, pour moi, une horreur absolue. Je découvre à cette occasion la possibilité de formuler des « directives anticipées » et de désigner une personne de confiance à même de les faire respecter. Ce que j’ignorais. Ni une, ni deux, je rédige sur le champ mes directives et désigne ma personne de confiance, Caroline. Autre soulagement.
La pluie continuant à battre tambour, je fais en sorte de programmer les déplacements qui correspondent aux visites que je souhaite faire. Pas facile depuis l’endroit paumé où se trouve le port (18 km de Cayenne).
Mercredi 22 mai 2019 – Dégrad des Cannes
Il pleut averse !!! L’humidité est à son maximum, tout est un peu poisseux. Très bonne nouvelle s’il en fut, ce temps pourri va durer au moins une semaine encore !!!
Comme il faut bien s’occuper, j’attaque (très doucement) l’anglais… et il y a du boulot. J’avais enregistré, il y a quelques temps de ça, des liens de podcasts dont celui de la voix de l’Amérique :
https://learningenglish.voanews.com/p/5373.html.
Intéressant et bien fait, je trouve (pensée vers toi, Viviane…). Le niveau 1, le plus basique est à l’évidence celui qui va me convenir. J’avais également enregistré des listes de verbes fréquents (20, 50, 100). Paradoxalement, à leur lecture, j’ai le sentiment que plus de choses sont restées en mémoire que je ne le pensais, même si c’est très relatif. A l’occasion d’une manifestation de plaisance à La Rochelle, il y a très longtemps de ça, j’avais acheté les fascicules d’une méthode qu’avait conçue et que présentait un ancien professeur d’EPS anglais. L’approche didactique par catégories de difficultés quant à l’utilisation des verbes, des temps et la construction des phrases me paraissait et me parait toujours très pertinente.
Deuxième nouveauté, à l’instar des pratiques locales, je fais une grande lessive (un raccourci, bien sûr, pour dire que je fais faire une lessive à ma machine à laver). Je ne l’avais encore jamais utilisée. Outre la nécessité de laver du linge simplement sale ou frappé par l’humidité comme le drap de la cabine arrière notamment, c’est une bonne occasion de voir ce que ça donne. Une heure et demie plus loin, Ariel et les 90° de l’eau ont fait leur travail (sans parler de l’essorage à 1300 tours, s’il vous plait !). Tout ça avec le circuit d’eau du bord (j’ai utilisé le courant du quai mais je peux faire la même chose en faisant tourner la génératrice). Très bonne nouvelle… sauf pour les poissons (lessive biodégradable quand même).
En fin de soirée, Pauline, me rend visite. Elle est la fille de mon vieux complice de la Réunion, Philippe. Son père tenait à ce que nous nous rencontrions. Elle apporte avec elle une bouteille de vin à laquelle nous donnerons une claque qui se révèlera mortelle. Vingt-quatre ans, diplômée il y a peu, elle occupe un poste à responsabilités à l’hôpital (si j’ai tout compris et mémorisé). Elle crée une banque de divers produits destinés à la recherche… Toute jeune et un vrai challenge professionnel déjà. Vive, à l’écoute, parlant facilement, j’ai passé une excellente soirée en sa compagnie. Et vice versa m’a-t-elle dit. Que demander de plus ?
Jeudi 23 mai 2019 – Dégrad des Cannes
Pluie (merci de ne pas rire) !!!
Mon abonnement téléphonique Free m’offre 25 Go d’internet pour les DOM (Bouygues, zéro !!!). Évidemment, pour les iles non françaises des Antilles, rien non plus de compris dans le forfait Free. Digicel, propose pour 30 € et 30 Go par mois, une puce locale utilisable dans toutes les Caraïbes, excepté Haïti et le Suriname. Intéressant. Je profite d’une éclaircie pour aller en prendre une au magasin situé dans la petite galerie du Carrefour Market. Ça me permet par ailleurs d’utiliser mon téléphone comme modem et de me connecter avec l’ordinateur sans vraiment compter.
Jacques, qui était en observation rapprochée de Soa, finit, sur ma proposition, par monter à bord. Son propre bateau est sur le ponton d’à côté. Il rêve de parcourir les océans d’ici à quelques années et est en admiration devant Soa et ses trouvailles. Nous discuterons longtemps, de bateaux, de la vie, du travail… Un excellent moment partagé.
Vendredi 24 mai 2019 – Dégrad des Cannes
Extraordinaire, malgré des averses intermittentes, il fait globalement beau.
J’en profite pour tenter l’expérience de l’Hyper U. Je rejoins le magasin Carrefour où je laisse mon vélo et fais du stop. Après 30 minutes de doigt levé (la crampe guettait), je suis sur le point de faire demi-tour lorsqu’un jeune militaire s’arrête. Merci à lui. Il va également au Super U. Nous parlons de ses missions, ici. Elles consistent principalement à faire la chasse, en forêt, aux orpailleurs clandestins et à détruire leurs cabanes. Très difficile et éprouvant d’après lui. Je veux bien le croire.
Hyper U, donc. Une vraie grande surface à l’identique de chez nous, pâté, fromages, pains, vins mais aussi, rhums, brosses à dents, Génie à main… garde-boue vélo, livres pour Inaya…
Après un temps d’attente encore assez long, un breton me ramène au Carrefour Market où je récupère mon vélo. Nous avons parlé Bretagne et bateaux. Sympa.
Ce soir, j’ai rendez-vous avec Juliette, trentenaire, qui vit et travaille en Guyane depuis plusieurs années. Désireuse d’apprendre à faire de la voile, elle m’a contacté via Vogue avec moi. La traversée vers Saint Laurent l’intéresse. Nous parlons Guyane, voyages, bateaux… Autre agréablement moment à déguster une grande bière qu’elle a apportée. Nous resterons en contact.
Samedi 25 mai 2019 – Dégrad des Cannes
Il fait beau. J’en profite, grâce au Génie retrouvé, pour faire une lessive à la main. Ça devrait sécher. Je pars ensuite faire un tour de vélo. Un aller-retour sur la route des plages me permet de parcourir vingt-quatre kilomètres. Très correct. Je récidive l’après-midi. Encore mieux.
En rentrant, alors que je suis prêt à grimper à bord de Soa, un homme âgé (comme moi) m’interpelle. « On se connait, je t’ai déjà rencontré »… « Oui, nous avons dû nous croiser sur le ponton »… « Non, on s’est rencontrés à Mayotte »… Et en effet, j’ai déjà rencontré Isnar à Mayotte ! Étonnant, non ?!
Dimanche 26 mai 2019 – Dégrad des Cannes
Avec Jacques, nous avions parlé de l’Hermine 47 (dériveur aluminium, architecte Lucas) qui est dans le port. Un bateau à la belle ligne dont les petits frères, plus à ma mesure à l’époque, m’avaient fait rêver. Je lui avais indiqué que j’aurais plaisir à le visiter. Il appartient à un de ses amis. L’ami propriétaire en question vient à ma rencontre. La déception quant au bateau est grande. Le cockpit très surélevé me parait insécurisant tandis que l’échelle de descente, haute et abrupte (huit ou neuf marches), débouche sur un intérieur spacieux mais peu lumineux et sans aucune vue sur l’extérieur. L’expression « descendre à la cave » s’applique ici pleinement. C’est parfois dans ce type de visite que je perçois pleinement combien Soa, au risque de me répéter, sort des sentiers battus…
Sandra, une multinationale à elle toute seule, passe me prendre pour aller déjeuner dans un des bons restaurants de la route des Plages. La salle couverte est bondée. On trouve une place sur la terrasse découverte avec risque de pluie. La vue sur le fleuve est sympa si ce n’est la rangée de panneaux publicitaires qui tient lieu de rambarde. Malgré le monde, le service et le repas sont de qualité. Très agréable moment.
Lundi 27 mai 2019 – Dégrad des Cannes
Le temps est au beau. J’attaque le ponçage du teck de la table de cockpit qui, à force de pluie, a fini par noircir. Je passe un bon moment pour mettre le bois à nu. Une première couche d’huile puis une deuxième devrait constituer un bon début de protection.
Mardi 28 mai 2019 – Dégrad des Cannes
Je poursuis le bricolage… et commence à préparer mon départ pour Kourou, fixé au lendemain. Rangement du bateau, préparation de mon sac occuperont une bonne partie de la journée.
Ayant fait le choix de partir en stop, je prépare également des affichettes A4 avec mes lieux aller et retour de destination.
Mercredi 29 mai 2019 – Kourou
14h00 – Je pars pour Kourou (60 km environ). Une dame du coin me prend en stop à quelques centaines de mètres du port et me conduit au rond-point de la route nationale qui conduit à Kourou. Trois quarts d’heure et une averse plus tard, Francis, qui m’avait vu un peu plus tôt au même endroit (il a fait des courses entre temps), s’arrête. La trentaine, il travaille à Cayenne mais est de Kourou. Il rentre chez lui.
La route qui traverse le pays en longeant peu ou prou la côte, est très fréquentée. Elle est en circulation alternée, aucune route ou autoroute à deux fois deux voies n’existe en Guyane. Le contraste avec les routes de Guadeloupe ou de la Réunion est saisissant tant les infrastructures semblent, ici, en décalage.
17h00, Francis me dépose devant mon hébergement. Sympa.
Jean-Luc, retraité propriétaire dans mes âges, m’accueille avec gentillesse et attention. Le studio mis à ma disposition est attenant à sa maison. Il est très correct. Le jardin est arboré et joliment fleuri. L’endroit est calme. Un peu plus tard dans la soirée, il viendra m’offrir une bière. Comme partout, autre similitude avec Mayotte, les portes et fenêtres sont équipées de grilles.
20h00 – Je rejoins Patricia (les amis de mes amis…) au P’tit Café. Il s’agit en réalité d’un restaurant qu’elle a choisi parce que situé à deux pas de mon studio. Nous y mangeons très bien et passons une agréable soirée. Du fait de sa connaissance de la Guyane, de Kourou où elle travaille comme de Cayenne où elle a vécu, j’apprends beaucoup d’elle. Ce ne sera qu’un début. Grand merci pour cet accueil.
Jeudi 30 mai 2019 – Kourou
À l’intuition, je pars à la découverte de Kourou. Balayée par le vent, la très longue plage est étroite. Comme ailleurs, l’eau est marron. Pas très engageant. Des vautours se délectent des restes d’un poisson. Quelques rares planchistes et kitesurfers sont en action. Je rejoins ensuite la ville elle-même. Pour cause de jour férié (Ascension, je crois), la presque totalité des magasins sont fermés. La ville a, pour l’essentiel, été construite par et pour les besoins du centre spatial. Du bourg d’origine, il reste une rue. Les cases anciennes présentent, pour certaines, de fort jolies façades de bois peint. Bien que de taille très modeste, l’église est pimpante. Son intérieur est simple mais parfaitement entretenu. Un peu plus loin, de style moderne, est implanté le nouveau marché aux fruits et légumes. Je déjeune (très bien) dans un petit restaurant où l’on mange en fonction du poids de ce qu’on a mis dans son assiette.
La ville est composée de quartiers distincts que Patricia me fera découvrir par la suite, ceux, caractéristiques, des Amérindiens (environ 9 000 en Guyane soit environ 5 % de la population totale – une partie d’entre eux refuse l’idée de la propriété individuelle) et des Bushinengués, appelés Marrons, Noirs Marrons ou Nègres Marrons (descendants d’esclaves).
Vendredi 31 mai 2019 – Kourou
La visite du Centre spatial était une des visites que je tenais à faire, histoire de mieux appréhender l’action française et européenne dans le domaine du spatial. Situé à quelques kilomètres de Kourou le centre a pris le relai des installations françaises en Algérie (1968) après l’indépendance de cette dernière (1962). Il occupe 700 km2 de terrains cédés par l’État, littoral et Kourou compris (l’équivalent de la Martinique). Sa proximité avec l’Équateur (5° de latitude Nord) lui permet, grâce à la vitesse de rotation de la Terre à cet endroit du globe (1700 km/h soit les 40.000 km de la circonférence en 24h contre 1100 km/h à Paris par exemple) de lancer des charges nettement plus lourdes avec les mêmes fusées.
Jean-Luc, adorable, me dépose à l’entrée du Centre spatial, là-même où trône une copie grandeur nature d’Ariane 5 (55 m). Assez impressionnant. Disposant d’un peu de temps avant le début de la visite, je découvre au travers de ses explications précises et détaillées qu’il est très au fait de tout ce qui touche aux fusées. Et pour cause, il a longuement travaillé au Centre spatial dans le service qualité. Super intéressante introduction de la visite en même temps que découverte du personnage.
La découverte des infrastructures du centre, assez éloignées les unes des autres, se fait en autobus. Nous assistons, de loin, au transfert de l’Ariane 5 qui sera lancée le 20 juin prochain. Elle passe du premier bâtiment de préparation au deuxième et dernier, Elle se déplace à vitesse très réduite sur son support de lancement (rails), positionnée à la verticale. Elle est tenue par une sorte de bras géant. Elle sera lancée avec succès.
Ariane 5, qui laissera progressivement la place à l’itération n° 6 à partir de 2020/2021, est le plus gros des lanceurs utilisés. Deux autres modèles complètent la gamme. La fusée Soyouz, achetée à la Russie, est le modèle intermédiaire. La plus petite se nomme Véga. Cette dernière est de la taille de l’un des deux boosters d’Ariane 5. Chacune des fusées à son propre pas de tir, adaptée à sa taille et à ses caractéristiques. Lorsque les moteurs d’Ariane 5 sont mis à feu, 9 m3 d’eau sont déversés chaque seconde pour contenir la température et bloquer les particules contenues dans les gaz d’échappement. Tout cela est impressionnant.
La réussite technologique et commerciale que chacun connait, résulte de la coopération entre la quasi-totalité des pays européen. L’union, quand on parvient à la réaliser, fait la force et la réussite. Il serait sans doute très utile de faire de même dans nombre d’autres domaines. Elle garantit également l’indépendance de l’Europe par rapport aux autres pays du monde, USA, Russie et Chine notamment.
Les satellites Galileo qui ont été récemment lancés par Ariane 5, sont une autre illustration de cette même dynamique. Ils nous permettront sous peu de disposer d’un système de géolocalisation (GPS) qui nous soit propre alors qu’actuellement, nous dépendons intégralement des USA… qui peuvent brouiller leur signal quand ils le veulent. Ici aussi, politique, commerce et coopération vont de pair.
Un peu à l’identique de ce qu’a fait Michelin dans le passé, c’est le centre spatial qui a développé et construit l’essentiel du Kourou d’aujourd’hui.
Samedi 01 juin 2019 – Iles du Salut
Les iles du Salut nous attendent. Je suis impatient de les découvrir. Patricia me fait la gentillesse de m’y accompagner. C’est quasi « son » domaine puisque, dans le cadre de sa fonction au sein du Centre spatial, elle assume la responsabilité juridique de ce qui s’y passe, tout particulièrement concernant les divers bâtiments du bagne mais aussi pour l’Auberge de l’ile. Une sorte de visite avec un guide, et quel guide, pour moi tout seul (certain(e)s disent parfois que j’ai de la chance !?).
«On interne aux îles les sujets à surveiller, les coupables de plusieurs évasions, les fortes têtes, les meneurs. C’est le fin fond du bagne, les oubliettes de la transportation.» Albert Londres, 1923.
Nous visitons l’ile Royale, la plus grande, la seule facilement accessible. Nous faisons un tour complet des bâtiments du bagne après une courte visite de la fort belle maison du directeur. Saisissant premier contact avec ce qu’a pu être la vie des bagnards. Un seul mot me vient à l’esprit, inhumain. Totalement inhumain. Comment est-il possible que des hommes aient pu faire cela à d’autres hommes (et femmes) ? Les cachots (2 x 1,5 m environ) avec ou sans lumière, certains sans toit avec seulement des barreaux en partie hautes (et donc ouverts aux intempéries), les barres métalliques en pied des paillasses en bois ou en béton (les chevilles sont bloquées pendant la nuit par des manilles prises sur ces barres)… Un cauchemar. Une partie bien sombre et pas vraiment glorieuse de notre histoire.
Au cours de notre déambulation, à l’intérieur de la Chapelle (accès réservé) nous rencontrons M. Colin, jeune homme de 88 ans, passionné d’histoire, guide du bagne. Deux visiteurs l’accompagnent. Patricia et lui échangeront (devant nous) longuement, chacun complétant les connaissances et anecdotes de l’autre. Un régal. C’est lui qui m’a remis le poème d’un bagnard anonyme placé en fin de ce carnet).
« Ile du Diable ! Tombeau des vivants, tu dévores des vies entières.» Albert Londres, 1923.
Après le déjeuner, nous visitons la partie Nord de l’ile, celle qui se trouve en face de l’ile du Diable, «le bagne du bagne». Elle est aujourd’hui fermée au public. C’est sur cette ile, dans une minuscule case entourée d’un haut mur (pour empêcher de voir la mer) que, notamment, Dreyfus (quatre ans de 1895 à 1899) et Ullmo, ex-officier de marine condamné pour traîtrise (huit ans) furent emprisonnés. À l’époque, un câble aérien auquel était suspendu une nacelle reliait l’ile Royale et l’ile du Diable. D’où nous sommes, comme elle l’était depuis l’Auberge, la case-prison est parfaitement visible. Comment, dans de telles conditions d’enfermement, ne pas devenir fou ? Mystère.
https://www.liberation.fr/planete/2004/08/10/l-ile-du-diable-a-l-isolement_488836
Au-delà de ça, à part une averse en fin de matinée, il a fait un temps splendide. L’ile Royale est superbe. Celle du Diable, comme celle de Saint Joseph doivent l’être également. Très proches puisque séparées de seulement quelques dizaines de mètres, elles forment une sorte d’archipel triangulaire remarquable. Les courants y sont forts et les abords peu francs. Prudence pour les marins (préférer la partie Sud).
Cette journée guyanaise de découverte est, pour moi, un point d’orgue auquel Patricia aura apporté savoirs, disponibilité, gentillesse. Un must.
Dimanche 02 juin 2019 – Dégrad des Cannes
Le ciel déverse des trombes d’eau sur nos têtes depuis hier soir et… ça va durer. Peu réjouissant.
Patricia qui était partie pour rejoindre Cayenne hier soir samedi, à fait demi-tour tellement les conditions météo étaient mauvaises. Elle y repart ce matin. Plutôt que d’attendre demain lundi sans savoir quoi faire ici, j’accepte volontiers qu’elle puisse me raccompagner aujourd’hui. Pas de dépaysement, il pleut aussi lors de notre arrivée à Cayenne.
Pour ce dernier dimanche à Cayenne, le ciel de l’après-midi s’est éclairci. Sandra repasse me prendre pour déjeuner dans le même bon restaurant de la route des Plages. Nous y mangerons bien cette fois encore. Au retour, nous faisons un crochet pour rejoindre le sentier de randonnée de Rorota. Une fois la voiture garée, le partie un peu délicate d’accès franchie, le chemin lui-même pourrait être qualifié de chemin des vaches tant il est large et facile. Nous en parcourrons environ la moitié (il fait le tour en haut de la colline du même nom) sous les frondaisons, le fleuve en contrebas. Belle balade et agréable moment.
Lundi 03 juin 2019 – Dégrad des Cannes
Il pleut toujours abondamment. J’en profite pour compléter et envoyer la demi-douzaine de pages scannées de mon dossier aux services des Français de l’étranger. Notre système de santé a ceci de particulier que lorsque l’on quitte le territoire national plus de trois mois (et non six comme je le pensais), il faut changer de caisse d’assurance maladie, de formule de mutuelle et… se trouver une adresse administrative, même si on n’habite plus nulle part, de manière fixe. Le nomadisme n’a pas lieu de cité. Comme une sorte de pêché et d’interdit social. Dit autrement, ce n’est pas autorisé d’être SDF. Sans être ni à la rue, ni sous les ponts, c’est pourtant bien ce que je suis… SDF. Comme une sorte de citoyen de seconde zone au statut pas très clair. A titre personnel, rassurez-vous, ce n’est pas douloureux.
J’ai fixé mon départ pour Saint Laurent du Maroni à demain mardi. Séduit par les iles du Salut, j’y ferai escale en route, ce qui devrait me permettre de visiter Saint Joseph que je n’ai vu que de loin.
Je prépare donc Soa malgré la pluie battante. Côté eau, je fais le plein des réservoirs. Je n’ai consommé que 250 litres d’eau douce en un mois. Très raisonnable.
In fine,
Juliette, ne naviguera pas avec moi cette fois-ci, le retour de son compagnon,
parti depuis deux mois, vaut toutes les balades en bateau du monde. Elle me
conduit, c’est le cas de le dire, au « grand » Carrefour pour mon
dernier avitaillement guyano-français. Je ne retrouverai pas, d’ici un bon
moment, certains produits que j’affectionne. Bien sympa de sa part et très
pratique.
GUYANE FRANCAISE – NAVIGATION DÉGRAD DES CANNES – ILES DU SALUT – 45 NM
Mardi 04 juin 2019 – Navigation Dégrad des Cannes – Iles du Salut
06h45 – Trois semaines après y être arrivé, je quitte Dégrad des Cannes. L’endroit en lui-même n’est pas désagréable mais il ne présente aucune commodité d’aucune sorte. Il est, de plus, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, très éloigné de tout sans qu’il y ait de transport facile d’accès et régulier. Cela complique sérieusement la vie (visites, courses…).
Le petit jour qui se joue en nuances de gris, est superbe. Filtrée par les nuages, la lueur du soleil apporte une touche étonnante, vaporeuse, quasi irréelle.
À titre exceptionnel, il fait beau. Je progresse rapidement vers ma destination. Dans la matinée il m’est donné à voir un arc en ciel et un « arc en mer », l’un parfaitement superposé à l’autre. Magnifique et étonnant phénomène que je n’avais encore jamais observé. La nature a plus d’un arc dans son sac.
15h00 – Je suis amarré à la bouée blanche du milieu (il y en a trois) à vingt mètres de la rive et de son rideau d’arbres de l’ile Saint-Joseph, côte Sud. Celle-là même (bouée) que le skipper du catamaran avec lequel nous étions venus en visite, Patricia et moi, m’avait indiquée comme étant la mieux protégée. Aucun bateau n’y était amarré malgré mon heure relativement précoce d’arrivée. Sans doute y a-t-il moins de candidats à la visite en semaine. Je suis seul à cet endroit. Je verrai bien demain matin si je dois libérer la place. Alex, un belge sympa, parti en même temps que moi ce matin de Dégrad, est mouillé à quelques centaines de mètres, devant l’ile Royale.
Cette journée de navigation, effectuée de bout en bout sous spi pour la partie hors fleuve, a été à l’image de nos journées de transat, mer belle, un peu de vent, une vitesse sympa, le soleil largement présent. Un vrai bonheur, une vraie navigation de plaisance.
20h15 – Assis dans le cockpit de Soa (banquette bâbord), je viens de finir de diner (excellents chaussons au poulet offerts par Patricia). Sous les leds rouges installées au Brésil en remplacement des blanches qui avaient rendu l’âme, j’ai dégusté, en version tartare, une petite partie du magnifique « Acoupa » (80 cm) que des pêcheurs locaux (brésiliens, je pense) m’ont offert. Ils n’ont pas voulu que je les paye. Merci à eux. J’ai levé de beaux filets, fait des parts et ai gardé de quoi faire ce tartare excellent et plus que copieux. Le coucher de soleil sur la mer a été superbe. Il y a quelques temps que je n’en avais pas vu d’aussi beau. Pour l’heure, la nuit est tombée. En face de moi, les lumières de l’ile Royal, le phare situé du côté opposé de l’ile dont je vois la lueur intermittente, l’auberge, où nous avons déjeuné avec Patricia, la balise verte de l’extrémité de la jetée ainsi que les cinq lumières situées sur la partie d’accueil de l’ile, au sortir du débarcadère. Derrière moi, l’ile de Saint-Joseph, toute de noir, vêtue. Je suis torse nu, il fait doux, les moustiques font relâche. Le bruit du léger ressac est le seul perceptible. Les étoiles, Grande Ourse comprise, sont au rendez-vous. Soa dodeline doucement. De jour, j’avais été séduit par ces iles. Je le suis tout autant en ce début de nuit.
Mercredi 05 juin 2019 – Iles du Salut – 5° 17 N – 52° 35 W
La nuit a été tranquille et agréable avec juste le mouvement nécessaire pour savoir que j’étais bien sur l’eau.
Le catamaran de Tropic Alizés, arrivé sur les coups de neuf heures et demie a eu la gentillesse de se positionner sur la bouée d’à côté. Son skipper, un grand blond sympa dont la peau a douloureusement subi les assauts du soleil, vient me rendre visite. Il a de la famille à Fouras (à côté de La Rochelle) ! Comme tant d’autres, il trouve Soa superbe.
Malgré l’intervention, pas vraiment donnée, du mécanicien de Jacaré, le moteur refuse toujours de fonctionner normalement. J’ai donc fini la centaine de mètres qui me sépare de Saint Joseph, à la rame. Aucun débarcadère n’existant, une fois l’annexe amarrée sur un bout fixé à une bouée, j’ai fini à la nage (mais que fait le Centre Spatial !?). Bien que très opaque, le vert de l’eau est nettement plus engageant que le marron de la côte guyanaise.
Saint Joseph est nettement plus petite que l’ile Royale. La végétation, essentiellement d’immenses cocotiers, est d’une rare densité. La roche noire est omni présente. Des ruines du bagne subsistent pour quelques temps encore. Le tour de l’ile se fait rapidement. Outre les bâtiments du bagne, ceux qui abritent les deux représentants de la Légion Étrangère. Nettement plus sympa. L’un des deux y est depuis un an et y fera une deuxième année à suivre. Beau logement colonial avec vue sur l’océan. Les seuls voisins, si l’on peut dire, sont ceux du cimetière. Pas bruyants pour un sou. Dans un tout autre registre, la piscine naturelle des bagnards (eau de mer), faite de rochers protégeant la partie située du côté océan (très agité ici), est remarquable. Du côté opposé de l’ile, un coin de plage de sable blanc, lui aussi protégé par des rochers côté océan. On ne s’y baigne donc pas. La vue sur les deux autres iles voisines est fort agréable.
Les bâtiments du bagne qui tiennent encore debout, permettent de voir les cellules (sans toit, barreaux en partie haute laissant passer pluie, insectes et autres sous le regard permanent des gardiens, une sorte de chemin de ronde existant en partie haute) et les cachots des bagnards sans aucune ouverture sur l’extérieur et donc dans le noir complet.
Le traitement des forçats lui valut d’être surnommée « l’île du silence », « la mangeuse d’homme » ou qualifiée de « guillotine sèche ». Ici comme ailleurs, le bagnard est allongé sur un bat-flanc muni de « barre de justice » enchaînant ses chevilles avec une manille). https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%8Ele_Saint-Joseph
Histoire de me remettre, au déjeuner, je me suis fait un des filets d’acoupa au four… Excellent.
En fin d’après-midi, par nécessité (envoyer un document urgent grâce au réseau Wifi de l’auberge), j’ai troqué ma bouée de mouillage de Saint-Joseph pour l’une de celles de l’ile Royal. Très tranquille aussi, davantage même, peut-être. Ces bouées sont également celles utilisées en journée par les bateaux-charters de touristes. Elles sont donc libres la nuit et jusqu’à environ neuf heures le matin. Je serai parti à cette heure-là.
Autour de l’Auberge, je retrouve les singes en liberté que j’avais déjà pu observer. Les paons sont également là…
Une fois mes courriels envoyés et les nouvelles du monde passées en revue, je redescends vers l’embarcadère. Le premier quartier (horizontal) de la nouvelle lune me fait face. Elle précède d’environ dix jours la pleine lune. Nous bénéficierons donc de sa clarté pour rejoindre Tobago depuis Paramaribo au Suriname, dans quelques jours. Toujours agréable et pratique d’avoir un peu de clarté lors des navigations de nuit.
GUYANE FRANÇAISE – ILES DU SALUT à SAINT LAURENT DU MARONI – 130 milles
Jeudi 06 juin 2019 – Iles du Salut – Saint Laurent du Maroni
08h15 – C’est parti pour les 130 milles qui me séparent de Saint Laurent du Maroni. Toutes les personnes avec qui j’ai eu l’occasion d’en parler, en disent du bien. La dimension « Guyane authentique » est mise en avant. A voir bientôt, camp de la transportation des bagnards, compris. J’y retrouverai Aurélie, jeune et dynamique collègue de Mayotte. Le monde est petit.
Comme une autre journée de transat ! Beau temps, mer belle (et verte), excellente visibilité, superbe lumière, 5 à 8 nœuds de vent le matin, 10 à 12 l’après-midi, le tout sous spi et presque en trace directe. Naviguer dans ces conditions est grisant. Un immense plaisir chaque fois renouvelé.
J’en profite pour avancer à la finalisation de mon carnet n° 7 (Brésil), il est grand temps.
En douze heures, Soa et moi avons largement avancé. Le courant aidant, la vitesse moyenne enregistrée est de sept nœuds avec douze nœuds de vent, bateau à plat. Il va falloir y aller doucement pour la suite sachant que je ne peux pas m’engager dans le fleuve Maroni avant dix heures compte tenu de l’horaire de la marée montante.
23h30 – Pile poil dans la trajectoire de Soa, un curieux bateau de pêche sans feu de route mais éclairé façon Versailles, est immobile devant moi. Il n’a, à l’évidence, pas l’intention (ou la possibilité) de bouger. Ni AIS, ni feux de route, juste un feu vert clignotant en plus des spots. Inquiets les marins m’adressent moult signaux lumineux. Une illustration grandeur nature de la navigation, nocturne ou pas, à proximité des côtes et de sa difficulté lors des navigations en solo… Je resterai éveillé jusqu’à ce que je puisse jeter l’ancre.
Vendredi 07 juin 2019 – Iles du Salut – Saint Laurent du Maroni
02h00 – Ne voulant pas prendre le risque (fatigue, absence de visibilité) d’effectuer la longue remontée du Maroni (25 miles / 47 km) je jette l’ancre dans la zone d’attente près de la bouée blanche et rouge dite « eaux claires ». Un bel orage et de magnifiques éclairs me tiennent compagnie.
10h30 – J’entame la première partie de la remontée du fleuve Maroni pour rejoindre Saint-Laurent.
14h00 – Au moment de la marée basse, je fais un stop dans un endroit où il y a un peu d’eau (5 à 7 m), déjeune et m’octroie une vingtaine de minutes d’une sieste bien méritée. Je repars une heure plus tard.
19h00 – Je suis en face de Saint Laurent. Trois ou quatre bateaux sont sur bouée derrière ce que je découvrirai être un bateau échoué servant de pot de fleur. Est-ce la « marina » ? Je n’en sais trop rien. Les bouées en question sont au ras de l’eau. La manille sur laquelle on est censé s’amarrer n’est ni verticale ni fixe. Impossible à attraper par l’avant du bateau malgré mon mousqueton ad hoc installé au bout de ma gaffe. … Deux essais plus loin, je décide de prendre la bouée depuis la jupe arrière. Beaucoup plus facile. Il fait nuit, Soa est au paddock local.
Samedi 08 juin 2019 – Saint Laurent du Maroni – 5° 30 N 54° 2 W
09h30 – N’étant pas très sûr d’être au bon endroit compte tenu de la nature de l’installation (quelques bouées par-ci par-là), j’appelle la marina sur son numéro fixe. Pas de réponse. Davide, le patron, me répond sur le numéro portable… depuis la France métropolitaine me semble-t-il. Il m’indique qu’il n’y aura personne aujourd’hui mais que « oui », je suis bien à la « marina ». Mes représentations en prennent un coup ! Pour la peine causée et la tempête sous mon crâne ainsi générée, je me penche sur la définition du mot. Les diverses définitions trouvées de « marina », Larousse compris, reprennent les dimensions suivantes : complexe immobilier ou résidentiel combinant des habitations et un port de plaisance. Ouf, je suis rassuré… la « marina » de Saint-Laurent du Maroni, comme tant d’autres n’en est pas une. Très, très loin s’en faut. C’est un flagrant délit d’usurpation d’identité.
10h30 – Faute de pouvoir démarrer le moteur de l’annexe, je me rends au ponton à la rame. Heureusement, à cette heure-ci, le courant n’est pas trop fort. But de la manœuvre, acheter de l’essence « française » et faire des courses au marché. Alors que je déambule, je suis interpellé par… Didier (voir portrait) ! Au marché, fruits et légumes en abondance mais pas donnés (2 € les quatre minuscules tomates). J’achète du boudin blanc relevé, cuit dans une sorte de court bouillon. Il se révélera excellent.
De retour au bateau, je me lance dans ce que je crois être un nouveau nettoyage complet du carburateur. En réalité, il est très sale ce qui veut dire que le mécanicien de Jacaré, malgré sa note très salée, ne l’avait pas nettoyé du tout puisque je ne m’en suis pas servi depuis. Une fois le tout remonté, le moteur démarre instantanément… pendant 15 secondes. Puis plus rien ! Que faire, faire réparer de nouveau, acheter un moteur neuf (on trouve des deux temps ici, moins chers, plus légers, plus simples que les quatre temps vendus en Europe) ?
Didier que j’ai rencontré le matin m’offre une soirée apéro… sympa. La magie des rencontres fortuites.
Ma balade de ce matin m’a permis de découvrir un Saint Laurent vivant et sympa. Très différent de Cayenne et Kourou. De belles constructions subsistent dont de très jolies maisons coloniales. Simple mais coquette, l’église est en bout de l’une des rues principales. De bon augure.
Rat… je pars à la recherche de nouveaux moyens de lutte…
Dimanche 09 juin 2019 – Saint Laurent du Maroni
Il pleut ce matin.
Un gros ketch battant pavillon américain s’est placé à proximité de Soa, hier, en fin d’après-midi. Brian, le propriétaire-skipper américain et Jean me rendent visite. Brian fait deux mètres et pèse cent cinquante kilos. Jean qui l’accompagne (français) est très mince et de taille moyenne. Le contraste est saisissant. Jean et moi découvrirons ultérieurement que nous avions été en contact via Vogue avec moi.
L’après-midi, le soleil étant revenu, je pars faire un tour à Saint Laurent. La ville du dimanche n’a rien à voir avec celle du samedi. A l’opposé d’hier, l’ambiance n’est pas réjouissante. Quasi personne dans les rues, boutiques et bars fermés, la pauvreté ressort de manière brutale à certains endroits proches du fleuve. La répartition géographique se fait, ici aussi, en fonctions des communautés…
Lundi 10 juin 2019 – Saint Laurent du Maroni
Lundi de quelque chose… férié.
Jean part faire des courses à Albina, de l’autre côté du fleuve (Suriname). Il passe me proposer de l’accompagner, ce que je fais volontiers. Nous débarquons au ponton des bacs qui effectuent les traversées (piétons et véhicules). Nous parvenons à obtenir le droit de passer malgré le fait que nous n’avons pas de visa. Il faut dire que les transferts informels sont ici légion. Il suffit pour en avoir une idée, de regarder les innombrables très grosses pirogues couvertes (au moins dix mètres) qui vont et viennent en permanence.
Albina est une grosse bourgade sans intérêt particulier. Nous y achetons des légumes, chers là-aussi. J’y trouve également une puce Digicel spécifique Suriname (« ma » Digicel ne fonctionne pas au Suriname). Elle devrait m’être utile une fois arrivé à Paramaribo. Toujours ça de fait.
Je déjeune avec Brian et Jean à bord de leur bateau. Une jolie bête de vingt mètres pour, excusez du peu, quarante-quatre tonnes et deux mètres quarante de tirant d’eau. Brian a fait installer une protection en dur du cockpit dans l’esprit de celle de Soa. L’intérieur est immense (trois cabines, carré, cuisine…), la hauteur sous barrots impressionnante, l’échelle de descente très abrupte. Une fois à l’intérieur, fini la mer…
Mardi 11 juin 2019 – Saint-Laurent du Maroni
Je me rends aux Douanes ce matin pour obtenir le document qui atteste de ma sortie régulière de Guyane. Les trois douaniers qui venaient de voir passer Brian et Jean une demi-heure avant moi, n’avaient pas vu autant de monde depuis longtemps. Nous avons plaisanté un bon moment, parlé rhums (l’un d’eux est guadeloupéen)…
Comme prévu, je m’offre ensuite la visite commentée du camp de la transportation. Celui où débarquaient l’ensemble des bagnards et bagnardes arrivant de métropole avant d’être maintenus sur place ou répartis dans les vingt-neuf autres camps implantés dans toute la Guyane. Moins radical que les chambres à gaz mais strictement du même acabit et pas plus glorieux. Au total, si j’ai bien retenu ma leçon, 70.000 bagnards et bagnardes incarcérés sur les cent ans d’existence des bagnes. Des conditions de vie totalement inhumaines. Des exécutions par guillotine (pas sèche, celle-là), la mort par les conditions de vie, l’absence d’hygiène, la malnutrition, la maladie, les serpents, les insectes… Au final, seulement six cents rescapés, soit moins de 1 % ! Ignoble. Papillon et tant d’autres y furent. « Chacal » aussi…
Samuel qui ne travaille pas à la marina mais y est souvent, connait un mécano surinamien, Bryan. Une heure plus tard, ce dernier est avec moi dans l’annexe elle-même. Il intervient directement sur place. Une leçon supplémentaire de mécanique : déconnexion du fil d’anti-démarrage, vérification de l’allumage des bougies sorties de leurs emplacements, démontage et vérification du carburateur que j’ai nettoyé trois jours plus tôt… Carburateur démonté, il injecte de l’essence directement dans le cylindre… et ça démarre. Compte tenu de ça, il démonte le carburateur et découvre un joint-filtre positionné à l’envers (par mes mauvais soins) lors du remontage. Une fois le tout remis en place, nous constatons une légère fuite d’essence (et donc une prise d’air) au niveau de la connexion du tuyau d’alimention sur le moteur lui-même. Le connecteur est à changer. Bryan me demande 35 € pour son intervention, 50 € pour le connecteur qu’il achètera au Suriname et qu’il me rapportera ensuite, 20 € pour l’aller-retour et les frais de livraison. Je constaterai à posteriori, sur Internet, que le connecteur d’essence se vend aux environs de 10 €… Pigeon mon frère… Mais le moteur tourne.
J’indique à l’une des personnes de la « marina » que je souhaite faire le plein d’eau avant de partir, jeudi. « Pas de problème, il suffira de nous le dire une demi-heure avant. »
Ce soir, c’est la fête, Aurélie que je vois pour la première fois ici, m’emmène diner à « La Goélette ». Il s’agit d’un vieux et grand bateau en bois (qui fut à voile), échoué. Conservé en l’état, il a été agrandi au niveau du pont et aménagé en restaurant. L’ensemble sort de l’ordinaire et est tout à fait dépaysant. Nous dinons sur l’arrière, à proximité du poste de barre. Vraiment une excellente idée que ce lieu (réputé à Saint Laurent). Et, en plus, on y mange fort bien. Je goûte au « jamais manger », un poisson que tout le monde recommande. Il s’avère excellent. Très bien aussi le tiramisu qui suit. Fort belle et agréable soirée.
Aurélie me laisse sa voiture pour l’essentiel de la journée de demain. Je la raccompagne donc chez elle avant de rejoindre le bord.
Mercredi 12 juin 2019 – Saint Laurent du Maroni
Grâce à la voiture, je me suis fixé trois missions essentielles : faire un petit complément gazole (120 litres soit deux tours de 3 fois 20 litres) en vue des descentes et remontées des fleuves ; ravitailler à l’unique Super U de la ville ; acheter une bouteille de gaz (13 kg).
Gazole et avitaillement se font sans problème même si ça prend un peu de temps avec les divers allers et retours. Je ne parviens par contre pas à trouver de gaz. Tous les vendeurs visités, au moins six ou sept, sont en rupture. Ils attendent désespérément le prochain approvisionnement. Jamais vu ça, même pendant les grandes grèves à Mayotte ! Je repartirai donc sans, la deuxième étant pleine, j’ai de la marge.
Je récupère Aurélie à son travail en milieu d’après-midi. Elle me dépose au ponton. Je la rejoins le soir au Tipik, restaurant-bar très fréquenté du centre-ville. Nous userons très raisonnablement (quoi que) de caïpirinha. Je goûte la viande de bwa. Très bien. Deuxième fort agréable soirée sur un registre plus personnel. Une vraie belle rencontre pour moi. Merci Aurélie.
GUYANE FRANÇAISE – SAINT LAURENT DU MARONI à PARAMARIBO SURINAME – 180 MILLES
Jeudi 13 juin 2019 – Saint Laurent du Maroni
Je poursuis les préparatifs de départ. La pleine mer est à 15h15. Je prévois de partir deux heures avant, après avoir acheté du pain en ville et fait le plein d’eau. Je rappelle à la personne présente au bistrot qui sert de « marina », ma demande d’eau. Son collègue qui n’est pas là pourrait seul me répondre. Je (re)donne mon numéro de téléphone et prends celui du collègue. Il est 10h45, il doit revenir sans tarder, il me rappellera sans faute. Sans nouvelle à midi, c’est moi qui l’appelle… et tombe sur son répondeur. Fin de l’histoire… La marée n’attendant pas, je pars donc sans complément d’eau. Heureusement, il ne m’en manquait pas beaucoup.
13h15 – Bouée larguée. La descente du Maroni est aussi longue que la remontée (La Palice) mais plus rapide du fait du courant de marée. Les lignes de sonde annoncées sur les cartographies, Navionics dernière version comprise, sont fantaisistes.
18h00 – Afin de ne pas naviguer durant la nuit, je mouille à la sortie de fleuve. Beaucoup plus prudent compte tenu du grand nombre de bateaux de pêche surinamiens non équipés d’AIS, des filets signalés ou non, posés un peu partout…
Vendredi 14 juin 2019 – Saint Laurent du Maroni – Paramaribo / Suriname
06h00 – Réveil matinal pour exploiter au mieux la partie diurne du jour à venir… sans oublier néanmoins le petit déjeuner.
07h30 – Je viens d’établir le spi. Après un début un peu laborieux, le vent s’est renforcé (15 nœuds) et la vitesse s’est établie autour de 7 nœuds en trace directe. Sachant que j’ai encore 70 milles à parcourir avant de pouvoir mouiller à l’entrée du fleuve Suriname (sur lequel est situé Paramaribo), il faut bien ça.
J’ai gardé le spi toute la journée. La « mer » était belle, le vent globalement au rendez-vous. Contrairement aux cent pour cent de pluie annoncés, il a fait beau. Tous les ingrédients pour faire une nouvelle très belle journée de voile. En fin d’après-midi, j’ai passé plus d’une heure à contempler le ciel, l’océan, Soa et son spi bien gonflé…
19h00 – Cette soirée m’offre un des plus beaux couchers de soleil qu’il m’a été donné de voir… sans soleil pourtant parce que dissimulé derrière les nuages. Sur fond de parties de ciel bleu, l’embrasement de ces derniers a été comme rarement. Une sculpture au relief changeant, s’étirant par-ci, s’étirant par-là, des teintes évolutives. De l’orange profond, du rouge, une touche de violet, du bleu pour décors. J’ai admiré cette œuvre de la nature tout au long de ses transformations et aussi longtemps qu’elle a été présente. A l’opposé, la lune, quasi pleine, était déjà haute dans le ciel. Elle illuminera notre remontée vers Tobago le moment venu.
La nuit de tous les dangers est tombée. La côte de cette partie de l’Amérique du Nord (Guyane, Suriname…) présente un très large plateau (jusqu’à plus de vingt milles des côtes) dont les hauteurs d’eau sont très faibles (entre 6 et 20 mètres). Un parfait terrain de travail pour les pêcheurs, petits et grands, et leurs filets. Une bonne dizaine de chalutiers et autres gros bateaux de pêche, sont autour de moi, parfaitement identifiables du fait de leur éclairage généreux. Ils ne sont pas équipés d’AIS et leurs feux de route ne sont, le plus souvent, pas visibles dans ce déferlement de lumière (les feux de route permettent d’identifier le sens du déplacement du bateau, rouge, bâbord, vers la gauche ; vert, tribord, vers la droite ; blanc à l’arrière du bateau). Certains filets sont signalés par deux lampes flash de même couleur placées à chacune des extrémités (jusqu’à plus d’un kilomètre parfois). Ils sont relativement faciles à identifier et donc à éviter. A l’inverse, d’autres, dont les filets dérivants, ne sont pas éclairés. Dans ce contexte, bien sûr, pas question de dormir. La vigilance est à son maximum, un peu de tension l’accompagne. La lumière de la lune est la bienvenue. À quelques mètres, une boule de filet nous a regardés passer, je ne l’avais pas vue.
23h00 – Soa est mouillé à quelques centaines de mètres de la première bouée du chenal d’entrée du fleuve Suriname. Aucun filet dans les quilles, le safran (partie immergée du gouvernail) ou l’hélice. Ouf ! Être arrivé est un réel soulagement. La houle est, ici, plus appuyée qu’ailleurs… mais, cette fois, pas suffisamment pour m’empêcher de bien dormir.
SURINAME – FLEUVE SURINAME – PARAMARIBO
Samedi 15 juin 2019 – Paramaribo / Suriname
06h00 – Un ragage inhabituel de la chaîne sur le davier (partie avant du bateau où passe la chaine de l’ancre) me réveille. Quasi aussitôt, l’alarme de dérive de mouillage retentit. Étonnant. Je saute dans mon… enfile un gilet (il fait frais le matin), mes chaussures, ma longe… Dès que je passe la tête à l’extérieur, je visualise immédiatement le problème. Un filet dérivant est pris sur la chaîne d’ancre et nous tire en arrière malgré les trente mètres de chaîne déroulés. Le filet forme un « V » ouvert très esthétique autour de Soa. Je récupère mon téléphone (pour les photos) et le poignard qui est fixé à demeure sur l’un des pieds de la table du cockpit. Photos faites, je taille dans le vif. Heureusement pas de filin acier sur le filet. Il doit faire trois mètres de haut et entre cent et deux cents mètres de long. Comme la tension est forte, je parviens à couper assez facilement les cordages haut et bas du filet. Les mailles viennent ensuite sans difficulté. Ainsi libérées, les deux parties du filet poursuivent leur route. Je suis navré pour le pêcheur mais, vu la situation, je ne vois pas bien ce que j’aurais pu faire d’autre compte tenu des forces en jeu. J’avais pu observer un filet du même genre hier avant de mouiller… sans rien qui puisse permettre de le voir si ce n’est des boules de flottaison plus grosses certaines que d’autres, de la partie haute. Très problématique. Je ne sais d’ailleurs pas comment les pêcheurs eux-mêmes font pour les localiser. Quand je pense que certains d’entre vous s’imaginent que la vie du marin baladeur est un long fleuve tranquille !
10h15 – Je relève l’ancre et entame de ce fait la remontée du Suriname. Un filet barre le chenal, je le contourne sur plusieurs centaines de mètres. Une barque de pêcheurs est à l’extrémité. Pas gênés du tout, les pêcheurs. Ma première conversation en anglais, très sommaire, s’en suit. Je peux passer derrière eux sans problème. Merci messieurs. Le moindre « truc » flottant et il y en a légion, devient source d’interrogation.
Le décalage des marées hautes et basses entre l’embouchure et Paramaribo est de trois heures, ce qui est important.
Dans le chenal bien balisé, je suis dépassé par un bateau d’une quarantaine de mètres, immatriculé à Port of Spain (Trinidad). Il navigue plein pot avec un déplacement d’eau important. Je croise également des chalutiers, des thoniers, bras latéraux relevés, des barques, des taxis boats…
15h00 – Après presque cinq heures de remontée, je jette l’ancre devant l’hôtel Torarica, lieu de mouillage recommandé par différentes sources. Pour éviter tout risque de dérapage je ne lésine pas sur la chaine et en déroule, progressivement après l’accrochage de l’ancre, soixante mètres. Position 05° 49.5’ N – 55° 08. 7’ W.
L’opération pas encore terminée, moteur encore tournant, je reçois la visite de la police maritime. Ils inspectent les papiers et me disent qu’il faudrait que j’aille mouiller plus haut dans le fleuve, à une heure d’ici. Après échange, démonstration cartographique selon laquelle je ne suis pas dans la zone réservée des cargos (ils font des photos de la cartographie et des coordonnées GPS), ils m’autorisent à rester là pour quelques jours. Ouf.
Dimanche 16 juin 2019 – Paramaribo / Suriname
Après un périple aérien long et compliqué (USA, Trinidad, Suriname) Valérie, mon équipière transatlantique, rejoint le bord de Soa pour la future remontée vers Tobago et Trinidad.
En partant pour l’aéroport, j’avais mis l’annexe à couple d’un bateau de dix mètres qui finit son temps amarré au ponton de l’hôtel Torarica. À notre retour, la marée est très significativement descendue. De ce fait, l’annexe est très difficilement accessible. Par chance, le bateau de promenade d’une trentaine de mètres qui est amarré en bout du ponton, à une sorte de jupe arrière. Elle nous permettra de charger valise et sacs plus facilement. Il me reste à rejoindre l’annexe. Les pieux en bois sur lesquels est amarré le plus gros des bateaux, sont reliés entre eux par des poutres d’une vingtaine de centimètres de large. La dernière d’entre elles se trouve un mètre environ au-dessus du rouf du plus petit bateau. Je fais l’équilibriste sur la vingtaine de mètres des poutres (au-dessus de l’eau), saute sur le rouf du bateau en question puis dans l’annexe. Je récupère ensuite Valérie et ses bagages sur la jupe de l’autre bateau. À ne pas rééditer…
Lundi 17 juin 2019 – Paramaribo / Suriname
Nous entamons ce qui sera, nous le découvrirons au jour le jour, le marathon des papiers. Pour l’entrée de Soa, le « MAS », cinquante mètres à côté de l’hôtel, qui correspond à la fois à la Marine et aux Douanes. Faute d’avoir eu l’autorisation d’utiliser leur ponton pour accoster, nous allons beaucoup plus loin en amont pour trouver un endroit où laisser l’annexe et débarquer. A l’entrée du MAS, le surveillant nous indique le chemin à emprunter. Nous ne devons pas nous en écarter. Une fois installés dans le bureau, nous sont données quatorze pages à renseigner (parfaitement redondantes). Il m’est ensuite demandé, et ce, pour la première fois depuis mon départ de La Rochelle, une photo de Soa… que je n’ai bien sûr pas avec moi. Plutôt sympa et arrangeant notre interlocuteur me donne son adresse mail pour que je lui envoie l’une de celles que j’ai sur mon téléphone. Ça ne part pas… Il accepte que j’essaie ultérieurement. Je n’y parviendrai pas non plus, même avec la connexion de l’hôtel.
Nous nous rendons ensuite au bureau des visas. Pas de problème pour ce qui me concerne. Il suffit que je me rende à la Banque du Suriname cinq cents mètres plus loin (!!!) pour acquitter les dix euros demandés et revenir avec l’attestation de paiement. Pour Valérie, c’est plus compliqué. Elle avait pris son visa par Internet mais n’avait pas reçu, avant son départ de France, l’attestation correspondante. De ce fait, le policier de l’aéroport avait conservé et transmis son passeport au bureau où nous nous trouvons ce matin… Problème, elle n’a toujours rien reçu depuis. Il lui est dit qu’elle le recevrait dans moins d’une heure… Tiens donc.
Nous partons à la banque munis du papier ad hoc. Je paye les dix euros demandés. Le bureau précédent étant fermé l’après-midi, nous visitons Paramaribo et son impressionnant marché primeur. Nous déjeunons sur place dans une mini gargote. Une soupe un peu inhabituelle pour nos palais, accompagnée de riz.
Au marché, nous sommes surpris par le prix élevé des fruits et légumes. Le summum est atteint avec les paquets de quatre minuscules tomates qui sont à deux euros.
Dans l’après-midi, à bord, j’imprime plusieurs photos de Soa (histoire d’en avoir en réserve) ainsi que la copie du visa que Valérie a fini par recevoir par mail. Nous sommes censés être parés pour la suite.
Mardi 18 juin 2019 – Paramaribo / Suriname
Nous reprenons le chemin des bureaux. Je repasse seul (Valérie m’attend dans l’annexe au ponton de l’hôtel) au MAS. A l’entrée, mon bermuda, celui-là même que je portais déjà la veille, fait tousser le gardien du jour qui m’en refuse l’accès. Je parlemente, en anglais… je suis déjà venu la veille, habillé comme ça, j’ai juste une photo à déposer… Devant mon insistance, il finit par appeler un de ses collègues à la rescousse. Je réexplique et finis par obtenir l’autorisation de passer. Je dépose la photo de Soa que j’ai imprimée, sans autre forme de procès.
Nous repartons au ponton situé en amont et retournons au bureau des visas. Cette fois, pas de problème pour Valérie qui a donc la copie papier du visa Internet. Pour moi, ça ne va plus, les trois jours du visa de transit sont désormais révolus (à qui la faute ?!). Il me faut donc prolonger par un visa de tourisme… pour vingt-cinq euros de plus. Allons-y. Re banque du Suriname, re bureau des visas. Ouf, nous avons tout… Direction la Police Militaire qui, au vu de l’ensemble des documents, doit apposer le tampon libérateur sur les passeports. Nous y sommes accueillis très froidement par une militaire à faire fuir, tant elle est aimable. Outre les éléments que nous apportons, il lui faut les papiers délivrés par la marine concernant Soa. Je les lui donne. Très bien… mais il lui faut des copies. Ah. Vous ne pouvez pas les faire ? Non. Et, où est-il possible de les faire ? Chez le chinois du coin… Le « chinois » est sympa, il semble habitué. Demi-tour, re militaire accueillante… Et enfin, des passeports tamponnés, entrée et sortie. Dans aucun autre endroit ça n’avait été aussi compliqué. Un sketch qui nous aura quand même occupés deux jours !
Tout au long de notre parcours, nous avons trouvé des panneaux portant la mention « rules » (règles) à respecter. Nous savons désormais pourquoi. Ce qui est surprenant, c’est cette espèce d’application tatillonne des règles avec, à côté de ça, une vie quotidienne qui parait assez peu structurée. L’un pour tenter de juguler l’autre ?
Au final, Valérie a donc payé son visa de transit 29 € sur Internet alors qu’il est à 10 € sur place. Mon visa tourisme, pour un mois, m’a coûté 35 €.
Mercredi 19 juin 2019 – Paramaribo / Suriname
Après la fin des courses au marché, dont des « sarcives » de porc et du poulet laqué, nous revisitons le centre-ville, ses maisons de type néerlandais (maisons bois à colonnes, maisons de briques rouges), la superbe cathédrale à l’intérieur bois et au bardage extérieur également en bois, quelques très belles bâtisses, la palmeraie, ses statues genre bronze… À côté de ça, beaucoup de décrépitude et de bâtiments en très triste état.
Pour notre dernière journée à Paramaribo, nous nous offrons un déjeuner et une après-midi récréative à l’hôtel Torarica, connexion Internet, piscine et douches comprises. Bien que haut de gamme et fréquenté par une clientèle étrangère, la carte est très pauvre. Le lieu et le moment sont par contre bien sympas.
De retour à bord, nous assistons au superbe coucher de soleil que la nature nous octroie. Le temps et le fleuve sont très calmes. Nichées dans les arbres à proximité, des aigrettes en grand nombre nous offrent de magnifiques envolées. Belle peinture du soir.
Jeudi 20 juin 2019 – Paramaribo / Suriname
07h00 – Levés depuis une heure, sous un beau soleil naissant, nous entamons notre descente du Suriname. Pour notre début de remontée vers Trinidad et Tobago (environ cinq cents milles), l’océan nous offre une grosse houle croisée doublée d’un fort clapot. Le vent, lui, joue les timides. C’est néanmoins parti…
PORTRAITS
Edouardo
Propriétaire du bateau-maison amarré juste derrière Soa, c’est un personnage à lui tout seul. Short et T’short version camouflage, grosses chaussures, poignard à la ceinture, chapeau rivé sur le crâne, bronzage accroché à la peau. À la fois bourru et tendre. Il élève seul son fils d’une dizaine d’années. Au fil des jours, nous nous sommes appréciés. Après de longues navigations, Edouardo s’est posé ici. Il fabrique des couteaux. Des poignards plus particulièrement. Ceci explique cela. À partir d’acier provenant de ressorts de voiture, de roulements et autres, il obtient de superbes lames, décorées ou non. Les manches, en bois précieux ou corne sont également superbes. Du travail d’artiste, sans oublier les fourreaux en cuir, tout aussi beaux.
Pauline
Fille de Philippe, mon vieux complice de la Réunion, Pauline, me rend visite. Son père y tenait. Diplômée il y a peu, elle occupe un poste particulièrement intéressant en lien avec l’hôpital. Si j’ai tout compris et mémorisé, elle crée une « banque » de divers produits destinés à la recherche médicale et autre… ce qui la conduit à travailler avec le monde entier. À vingt-quatre ans, déterminée et sachant ce qu’elle veut, la Guyane est un choix réfléchi, elle relève déjà un vrai challenge professionnel. Chapeau. J’ai passé une excellente soirée en sa compagnie. Et vice versa m’a-t-elle dit…
Juliette
Juliette, trentenaire, vit et travaille en Guyane depuis plusieurs années. Désireuse d’apprendre à faire de la voile, elle m’avait contacté via Vogue avec moi. Un voilier susceptible d’embarquer des équipiers qui passe à Cayenne, ne se manque pas. Je l’accueille avec plaisir. En fonction des dates, la traversée vers Saint Laurent l’intéresse. Autre agréablement moment que cette soirée d’échanges à déguster une grande bière qu’elle a apportée. In fine, elle ne partagera pas la balade en question. La veille de mon départ, elle est venue me chercher pour m’emmener faire des courses au grand Carrefour de Cayenne. Sacrément pratique et sympa. Nous resterons en contact.
Patricia
Une institution guyanaise. Son histoire personnelle comme celle de sa famille, font d’elle un témoin et une actrice locale engagée. Elle connait tous les recoins de la vie et de la politique guyanaise. Fervente défenseure de son « pays », elle n’aime pas du tout qu’on puisse en dire du mal (je me suis fait un sermonné à ce sujet). D’un dynamisme débordant, elle est une ambassadrice hors normes. C’est grâce à elle, accompagnatrice sourcilleuse et attentive, que j’ai pu découvrir les coins et recoins de l’ile Royale (Iles du Salut), l’histoire du bagne et de ses bâtiments, la chapelle, le bâtiment du phare, l’Auberge… Un régal. Elle m’a également montré et fait percevoir Kourou d’une manière différente de celle, forcément limitée, qui avait été la mienne (quartiers, communautés, sémaphore/tour Dreyfus…). Nous avons partagé quelques bons restaurants. Autant de moments très agréables. Mon séjour à Kourou (et en Guyane) n’aurait pas été le même sans elle… Sans oublier les chaussons au poulet et les BD qu’elle m’a offerts.
Sandra
Une multinationale à elle toute seule. Tout juste la cinquantaine, élevée au Brésil et en Guyane, parfaitement bilingue, elle a longuement vécu en France métropolitaine puis en Martinique. Elle est de retour auprès de sa famille en Guyane depuis quelques mois. Elle envisage un retour en Martinique, pays de ses rêves, dans les mois ou années à venir. Elle m’a fait découvrir quelques lieux inédits en bords de fleuve, une partie de Cayenne, le chemin de randonnée de Rorota… Nous avons notamment partagés deux déjeuners dans un des restaurants sympas de la route des Plages. Agréable vue sur le fleuve, bons repas, bonne compagnie.
Jean-Luc
Jean-Luc, retraité dans mes âges, est le propriétaire du studio que j’ai loué à Kourou. Il m’a accueilli avec gentillesse et attention. Son jardin est arboré et joliment fleuri. L’endroit est calme. Dans la soirée de mon arrivée, il est passé m’offrir une bière. Le jour de ma visite du Centre spatial, il m’y a conduit en voiture. À l’entrée, là-même où trône une copie grandeur nature d’Ariane 5 (55 m), j’ai découvert du fait de ses explications précises et détaillées qu’il avait longuement travaillé au centre dans le service qualité. Très au fait de tout ce qui touche aux fusées, il m’a donné moult explications et précisions. Des anecdotes aussi. Ce fut une très intéressante introduction à ma visite. Nous nous séparerons le lendemain avec le sentiment que nous avions beaucoup de choses à échanger et partager. Comme une frustration.
Isnar le Mahorais
Alors que je suis prêt à grimper à bord de Soa, un homme âgé (le même que le mien) m’interpelle. « On se connait, je t’ai déjà rencontré »… « Oui, sans doute, nous avons déjà dû nous croiser sur le ponton »… « Non, on s’est rencontrés à Mayotte »… Et en effet, j’ai déjà rencontré Isnar à Mayotte ! Étonnant, non ?! Mon départ à Kourou, leur propre départ (sa compagne et lui) peu après, ne nous ont pas permis de nous voir davantage… rencontre furtive mais rencontre quand même. Ainsi va la vie.
Jacques
Jacques, qui était en observation rapprochée de Soa, finit, sur ma proposition, par monter à bord. Son propre bateau est sur le ponton d’à côté. Installé en Guyane depuis plusieurs années, entrepreneur, milieu de cinquantaine, il rêve de parcourir les océans d’ici à quelques années. Il se déclare en apprentissage et est intéressé par les bateaux et les expériences des marins voyageurs. Il est en admiration devant Soa, ses caractéristiques et astuces techniques. Nous discuterons longtemps, de bateaux, de la vie, du travail, des voyages en bateau… Un excellent moment partagé.
Didier
Alors que je déambule dans le grand marché du samedi matin à Saint Laurent, traînant derrière mois mon diable et la nourrice d’essence de l’annexe (que je viens de faire remplir), je suis interpelé par… Didier. Intrigué par mon équipement, il engage la conversation. Dans mes âges ayant une grande barque locale, il aime la pêche. Installé à Saint Laurent depuis de nombreuses années, il y travaille et y vit avec sa compagne et leur bébé. Nous devisons debout au milieu des passants. Le soir, il vient me chercher au ponton et m’offre une soirée apéritive…
Aurélie
Ma dernière rencontre guyanaise. J’ai côtoyé Aurélie, belle brune aux yeux pétillants de vingt-six ans, à Mayotte. Nous nous sommes alors rencontrés dans des soirées amicales, sans se connaître vraiment (le moment qui ne s’y prêtait pas, la différence d’âge, mon statut professionnel ?). A l’occasion des deux soirées restaurants que nous avons partagées, nous avons, au-delà des échanges habituels sur la vie locale, le travail, la pluie et le beau temps… fait connaissance de façon plus personnelle. Son travail de neuropsychologue la passionne. Plusieurs opportunités professionnelles s’offrant à elle pour les prochaines années, elle s’interroge sur le chemin qu’elle doit emprunter. Une découverte et un vrai grand plaisir. Des échanges authentiques au-delà de la seule dimension sociale. Une très belle rencontre.
BIBLIOGRAPHIE
AU BAGNE, Albert Londres, Éditions Arléa 2008
Poignant. Il s’agit du récit de la visite au(x) bagne(s) que fit Albert Londres, reporter déjà célèbre, en 1923. Ce récit fut publié la même année dans le journal le « Petit Parisien ». Accompagné d’une lettre ouverte au ministre des Colonie, Albert Sarraut, il eut un retentissement considérable dans l’opinion. Il a certainement contribué à la prise de conscience de l’inhumanité des conditions faites aux bagnards… et, très, très longtemps après, à sa fermeture (1946 soit presque cent ans après son ouverture – 1852).
LA DERNIERE BAGNARDE, Bernadette Pécassou, collection J’ai Lu, 2014
Une fiction très réaliste. L’auteure met en scène l’histoire de Marie Bartête qui, à l’âge de vingt ans, est envoyée au bagne de Guyane pour peu de chose. Elle ne le sait pas encore mais elle ne reverra pas la France… Albert Londres la rencontrera lors de son reportage.
« En
mai 1888, Marie Bartête, à l’âge de vingt ans, embarque sur le Ville de
Saint-Nazaire.
Elle ne le sait pas encore, mais elle ne reverra plus jamais sa terre de
France. On l’envoie au bagne, en Guyane. Bien sûr, elle a été arrêtée plusieurs
fois pour de petits délits, mais elle a connu la prison pour cela. Pourquoi
maintenant l’expédie-t-on à l’autre bout du monde ? Reléguée. La France ne veut
plus d’elle. Sur le bateau, elle rencontre Louise, persuadée qu’on les emmène
au paradis. Là-bas, on dit qu’il fait toujours beau et qu’elle se mariera.
Mais l’illusion sera de courte durée. Le voyage de six semaines à fond de cale,
les mauvais traitements et l’arrivée en terre inhospitalière achèvent de la
convaincre que c’est bien l’enfer qui l’attend. Et que, malgré la bonne volonté
de sœur Agnès et de Romain, jeune médecin de métropole, personne ne l’en
sortira jamais. C’est le destin de cette prisonnière du bagne de
Saint-Laurent-du-Maroni que fait revivre ici Bernadette Pécassou-Camebrac.
Elle met en scène d’une écriture énergique et sensible, le sort tragique de ces
femmes abandonnées de tous, que l’histoire a tout simplement oubliées. » https://www.babelio.com/livres/Pecassou-Camebrac-La-derniere-bagnarde/257174
BALADE EN GUYANE, Gaston, Éditions Orphie, 2015
BALADE AU BAGNE, Gaston, Éditions Orphie, 2017
Remarquables bandes dessinées (offertes par Patricia) qui présentent la Guyane d’un côté, le bagne de l’autre. De l’humour illustré pour parler précisément de choses sérieuses et parfois graves. Superbe manière de diffuser les connaissances, étayée par des dessins de grande qualité… Un régal.
AUX ILES, POINT DE SALUT, Blanco & Perrin, Caraïbeditions, 2011
Une autre très belle BD. Un angle d’attaque différent grâce à une mise en perspective de l’histoire du bagne au travers d’une saga familiale dont Léa, fille de gardien, est une des héroïnes. Dessins d’éléments vrais, église de Saint Laurent, sculpture… Très chouette.
« Aux iles, point de Salut » est la première BD de Laurent Perrin et Stéphane Blanco. Le premier est artiste sculpteur et dessinateur et son arrière grand-oncle était surveillant de bagne à Saint Martin de Ré. Le second est professeur de mathématique et passionné de cerf-volant. C’est en Guyane, où il a enseigné pendant cinq ans, que lui sont venues les premières idées pour son scénario.
Une BD dans l’univers du bagne de Guyane. Deux enquêteurs d’un genre un peu particulier arpentent les remparts de Saint Martin de Ré, en quête de souvenirs d’une autre époque. Blanco et Perrin racontent dans leur BD l’univers du bagne et des forçats envoyés en Guyane, à travers les souvenirs d’une fille et femme de gardien rencontrée par hasard à Niort. Et pourquoi l’ile de Ré ? Parce qu’avant d’embarquer pour l’outre-Atlantique, les relégués de toute la France étaient confinés à la Citadelle de Saint Martin de Ré…
SUPPLÉMENT D’ÂME…
La Guyane Pénitentiaire…
Auteur : un bagnard anonyme
La sinistre Guyane est un vaste tombeau
Et son climat remplit l’office de bourreau
La fièvre est permanente en ce pays de vase
Où sévissent aussi l’ankylostomiase
Le tétanos terrible et le scorbut rongeur
La lèpre répugnante étalant son horreur
Mais cela n’est pas tout, on y rencontre encore
Le serpent venimeux, la mouche hominivore
Les vampires velus qui se gorge de sang
Le moustique invincible et le boa géant
Le poison est partout dans ce pays étrange
Dans la fleur que l’on cueille et le fruit que l’on mange
Dans l’air que l’on respire et dans l’eau que l’on boit
Dans tout ce que l’on touche et tout ce que l’on voit
C’est au sein dépravé de ce funeste gite
Dans ce cadre mortel que le forçat s’agite
Il s’agite en souffrant, l’espoir seul le soutient
La liberté le tente mais le bagne le tient
Le bagne est un enfer, une énigme troublante
Il faudrait le génie et le pinceau de Dante
Pour décrire tout, sous ses aspects nombreux
Et en dépeindre aussi les recoins ténébreux
Le système adopté, loin de relever l’homme
Le ravale au niveau de la bête de somme
Il faudrait y songer, ces bagnards que l’on dresse
Le révolver au poing, qu’on opprime sans cesse
Qui souffrent du climat, des hommes, de la faim
Ne sauraient s’amender, le nier serait vain
Le socle des vertus ne s’érige pas dans leur temple
Ils ont trop sous les yeux de coupables exemples
Et les pouvoirs publics s’en désintéressent
On ne peut espérer qu’il en soit autrement.
Ce texte m’a été donné par Monsieur Colin, guide officiel du bagne, en présence de Madame Patricia Barrat.
Qu’il en soit remercié.
PORTS – MARINAS – MOUILLAGE
La plaisance est mal traitée en Guyane… pour ne pas dire quasi pas traitée du tout.
DÉGRAD DES CANNES – 4° 51. 136’ N – 52° 16. 940’ W
- Pourquoi y aller :
Port le plus proche en venant du Brésil – électricité et eau sur les pontons quand on y a accès – sanitaires à terre – sécurité sur les pontons – mouillage facile à proximité – service des douanes à proximité
- Pourquoi ne pas y aller :
Très éloigné de tout – places rarissimes au ponton (des bateaux de passage présents, j’ai été le seul à en avoir une)
- Au final :
Le port se résume à deux petits pontons situés après le port de commerce, dans le fleuve Mahury (j’ai mis plus de trois heures pour l’atteindre). Par un heureux concours de circonstances, j’ai eu une place à couple d’abord, au ponton ensuite, ce qui semble totalement exceptionnel.
Dégrad des Cannes est éloigné de tout et totalement isolé (même les gens du coin ont du mal à trouver). Pour se rendre à Cayenne (18 km environ), trois bus seulement par jour à aller prendre un kilomètre plus loin, sur la nationale qui mène au port de commerce. Un carrefour Market (vingt minutes en vélo) est accessible par l’ancienne route, parallèle à la nationale, plus sûre. Pour un vélo, en dehors de cette ancienne route, la seule autre route praticable du point de vue des conditions de sécurité, est la route dite « des plages ». Agréable et sympa, des restaurants le long mais assez loin. Un peu avant d’arriver à Rémire-Montjoli, un embranchement permet de rejoindre le sentier de randonnée de Rorota. Facile, agréable, dans la verdure.
KOUROU
- Pourquoi y aller :
Pour visiter le centre spatial
- Pourquoi ne pas y aller :
La ville ne me parait pas mériter, à elle seule, le détour – pas de place au ponton – rivière peu sûre du point de vue des vols (dixit les locaux)
- Au final :
Je suis venu à Kourou depuis Cayenne par la route et en stop. Je me suis rendu sur l’ile Royale (l’ile principale des trois iles du Salut) en catamaran de tourisme… Il y avait longtemps que je n’avais pas fait de bateau…
Le ponton situé un peu après l’entrée du fleuve sur tribord est saturé (bateaux locaux et bateaux de balade vers les iles du Salut). Propriété du Centre Spatial, il est géré par une association de plaisanciers dont le président est M. Loubières. Du point de vue des vols, il craint pour son propre bateau… Possibilité de mouiller dans le fleuve.
ILES DU SALUT
- Pourquoi y aller :
Parce que c’est superbe – pour le bagne et donc un pan de l’histoire (peu glorieuse) de France – mouillage facile côté sud des iles Royal et Saint Joseph – possibilité d’utiliser les bouées blanches en fin d’après-midi et jusqu’au lendemain matin 9 heures (cata tourisme)
- Pourquoi ne pas y aller :
Néant
- Au final :
Incontournable en Guyane ! Si vous n’avez qu’une halte à faire, c’est celle-là. Ma visite de l’ile Royale (depuis Kourou) m’a incité à revenir aux iles du Salut par la mer. Parti de Cayenne le matin, j’y suis arrivé en fin d’après-midi. Les bateaux de promenade étant repartis à Kourou, j’ai pris une des trois bouées blanches qui sont devant l’ile Saint-Joseph. Nuit tranquille. Le matin vers neuf heures, un des catamarans, celui-là même sur la bouée duquel j’étais, est arrivé. Le skipper m’a fait signe de ne pas bouger. Sympa. Il est venu à bord de Soa ensuite.
SAINT-LAURENT DU MARONI (en immédiat amont de l’Édith Cavell) – 5° 30. 5 N – 54° 2 W
- Pourquoi y aller :
Pour l’endroit dans le fleuve – pour la ville – pour le bagne (transportation) et donc un pan de l’histoire (peu glorieuse) de France – bouées – mouillage facile – marché primeurs et autres le mercredi et le samedi – service des douanes à proximité – Super U bien achalandé – Albina très facile d’accès côté Suriname (très nombreux piroguiers ou annexe avec un bon moteur) – mécanicien surinamien Brian (attention aux tarifs)
- Pourquoi ne pas y aller :
Néant
- Au final :
Très peu d’eau, 3,5 m à mi marée entre les premières bouées du chenal et la balise Ouest. La bouée rouge M5 (la deuxième en entrant) est décapitée. Beaucoup de lignes de sonde erronées y compris sur la dernière version de Navionics. Bouées sur Open CPN plus aux mêmes endroits. Environ cinq heures à cinq nœuds depuis la première bouée du chenal.
Le mot « marina » est, ici, totalement inapproprié. Sauf à mouiller dans le fleuve, l’accueil des bateaux de plaisance se fait sur bouées pour un tarif journalier de douze euros. La structure qui fait office de bureau-laverie est un bar dont le personnel, en l’absence du patron, n’est ni vraiment au fait des choses, ni soucieux des choses si ce n’est d’être payé. Arrivé un vendredi soir vers 19 heures, aucune réponse VHF ni téléphonique sur place. J’ai eu le lendemain matin, David, qui était en France (ou ailleurs). Le bureau n’a ouvert ni le samedi ni le dimanche… Il était également fermé le lundi matin à 9h30 quand je suis passé devant.
Le seul interlocuteur attentif que j’aie eu, est Samuel… qui ne travaille pas (plus) à la « marina ». Il m’a donné les coordonnées d’un mécanicien pour mon moteur d’annexe en panne alors que le « personnel » de la marina n’en connaissait pas. Pour le reste, aucune aide gracieuse proposée contrairement à ce qui est souvent sous-entendu sur les blogs, mais des services payants, ce qui se comprend bien mais est très différent. Dans ce registre, linge lavé et séché très correctement pour une somme raisonnable.
Avant de partir, je souhaitais faire de l’eau au ponton. Le jour de mon départ, prévu pour 13 heures, je suis repassé au bureau vers 10h30 pour le rappeler. La serveuse m’a indiqué que Jean-René, qui était la personne susceptible de s’en occuper, venait de sortir pour une vingtaine de minutes. J’ai relaissé mon numéro de téléphone et pris celui de Jean-René… qui devait me contacter dès son retour. Faute d’appel de sa part, j’ai tenté de le joindre à 11h45. Répondeur… sans suite aucune. Ça, c’est du service ! Ce fut cette absence de goûte qui au final me fit partir sans autre frais. Trop, c’est parfois trop.
PARAMARIBO – SURINAME – HÔTEL TORARICA 05° 49.5’ N – 55° 08.7’ W
- Pourquoi y aller :
Pour l’endroit dans le fleuve – pour la rue principale de la ville, la cathédrale et quelques autres très belles bâtisses.
- Pourquoi ne pas y aller :
Le côté paperassier à l’extrême des services locaux – l’intérêt touristique très limité – approvisionnement limité
- Au final :
Je n’ai pas fréquenté la marina située plus en amont du fleuve et ne peut donc me prononcer à son sujet. Le mouillage en face du Torarica présente l’avantage d’être au cœur de ville. L’appontement à quelques centaines de mètres en amont permet d’accoster et de débarquer dans de bonnes conditions. Pour le reste, un bien long détour pour un séjour ayant un intérêt relatif.
POINT DE VUE… GUYANE FRANÇAISE
La Guyane m’a rincé. Les pluies abondantes et parfois continues de sa saison humide, n’ont, à quelques heureuses heures ou journées près, cessé de se déverser sur mes lieux de villégiatures. J’ai ainsi renoncé à me rendre au marais de Kaw, superbe de richesse et de diversité animale et végétale, parait-il. De ce fait, je suis sans doute passé à côté de l’essentiel de ce pays tourné, comme on le dirait de la Réunion, vers l’intérieur (même si la côte est partout magnifique et l’eau claire là-bas). Les eaux océaniques à proximité des côtes, sont marrons, comme celles des fleuves qu’y s’y jettent. Pas plus polluées qu’ailleurs mais pas très engageant.
Côté navigation de plaisance. À l’exception notoire des iles du Salut, superbes, les lieux – c’est volontairement que je n’utilise pas les mots « ports » et « marinas » – susceptibles d’accueillir des bateaux de plaisance sont situés sur des fleuves, très à l’intérieur des terres (Kourou nettement moins). Quatre à cinq heures en moyenne sont nécessaires pour s’y rendre, sous réserve des marées (entrer avec la marée montante, quitter avec la marée descendante), ce qui complique et allonge très sensiblement les choses. A cela s’ajoute un large plateau peu profond le long des côtes où la vigilance quant aux bateaux de pêche et filets doit être étroite et permanente, ce qui est notamment difficile pour ne pas dire impossible la nuit, certains n’étant pas éclairés.
A Kourou, le seul petit ponton existant est plein. Le mouillage dans le fleuve est déconseillé pour des raisons de sécurité (vols principalement). Dégrad des Cannes offre deux pontons avec quelques ramifications. Eau et électricité sont disponibles. Sauf très rare exception (j’ai eu cette chance, ne le répétez pas), pas de place là non plus (21€/13,70m/jour). Des bateaux-maisons, plus que délabrés pour certains, occupent le terrain. Se mettre à couple est, parait-il, problématique du fait du caractère parfois très capricieux et agité du Mahury. Le mouillage ne pose pas de problème, excepté les mêmes réserves que pour Kourou. Comme infrastructures, deux Algéco, l’un pour le responsable (joignable jusqu’à quatorze heures en semaine), l’autre pour les sanitaires. Point barre. Situé en amont du port de commerce, Dégrad des Cannes est éloigné de tout. Seule exception, le restaurant-cantine du port de commerce et l’agent Yamaha. Un moyen de locomotion autre que le vélo est indispensable, Cayenne étant à dix-huit kilomètres environ et la circulation dangereuse ! La « marina » de Saint Laurent du Maroni, c’est le nom que lui donne son propriétaire-exploitant, se résume à des bouées implantées dans le fleuve face au ponton municipal (12€/jour). Cher payé pour pas grand-chose. L’endroit est néanmoins sympa, l’Édith Cavell (épave fleurie de 1927) l’agrémente, et, ici, on est au cœur de la ville. Ni eau, ni électricité, ni rien d’autre au ponton. Le local de la « marina » est un petit bar-restaurant… fermé le week-end où je suis arrivé. Pratique. En l’absence du patron (David), sa jeune femme et le personnel fait ce qu’il veut ou peut. Y compris ne pas me fournir d’eau au tuyau le jour de mon départ et ce, malgré le rendez-vous pris et les rappels effectués. Merci à eux. Albina, du côté surinamien du fleuve, est à proximité immédiate. Sans intérêt cependant si ce n’est le mode de vie surinamien.
Je reviens sur les iles du Salut. Incontournables, vraiment. Pour la beauté de cet archipel, pour le bagne et son histoire. Pour notre histoire. Tout particulièrement l’ile Royale, la plus grande des trois et celle où les bâtiments du bagne sont les mieux entretenus et restaurés. Le guide, monsieur Colin, vaut le détour à lui tout seul, profitez de ses services et de ses connaissances. Il vous donnera accès à la Chapelle, fermée au public. On mange à l’Auberge, on y dort aussi si on le veut, maisons de gardiens rénovées comprises. Le mouillage sur bouée ou à l’ancre ne pose pas de difficulté par temps correct, côtes Sud de l’ile Royale et de Saint Joseph. Un bonheur. Attention aux courants et aux côtes peu franches entre les iles.
Des trois villes, Cayenne, Kourou, Saint Laurent, ma préférence va à cette dernière pour son marché central et sa vie grouillante en semaine, son histoire du bagne des « transportés », son église, son hôpital, les rives du Maroni, les échanges incessants avec le Suriname (beaucoup d’élèves surinamiens sont scolarisés dans les établissements privés de Saint Laurent)…
Les infrastructures routières, si je les compare à celles de la Réunion et de Guadeloupe que je connais, sont indigentes (pardon Patricia). Pourquoi ce retard ? L’État ? Forcément pour une part, mais sans doute pas que. Dans les autres DOM, les financements sont généralement tripartites, chacune des parties prenant en gros un tiers des travaux à sa charge, (État, Collectivité territoriale, Europe). Difficulté, comme c’est le cas à Mayotte, à monter, suivre, faire aboutir les dossiers ? Peut-être. En tous cas, le retard est plus que patent. La route nationale qui relie le pays d’Est (Cayenne) en Ouest (Saint Laurent) en passant par Kourou (350 km environ), est une « vulgaire » route bidirectionnelle (une voie dans chaque sens) où les accidents sont nombreux. Rien d’étonnant. La marge de progrès est considérable surtout si l’on se réfère à la Réunion : route des Tamarins (2010 la plus chère d’Europe à l’époque) ou à celle actuellement en construction sur l’océan lui-même (la nouvelle plus chère).
La Guyane est un pays où la tradition culinaire résulte d’influences diverses. On y mange bien et de manière diversifiée pour des prix raisonnables (pour nous). Manger local est un plaisir dont il faut profiter pleinement… sans parler des produits chers au métropolitain que je suis et qu’on trouve facilement même si c’est à des prix élevés.
Les gens que j’ai pu rencontrer au quotidien ont tous été très sympa, ce qui est toujours agréable.
Julia George
26 Nov 2019Comme dans les autres colonies francaises, l’esclavage est en grande partie regi par les textes du Code noir (1685). Cette societe d’habitation reste le modele economique dominant en Guyane jusqu’a la deuxieme abolition de l’esclavage en 1848. Elle n’a toutefois pas apporte un vrai developpement a la Guyane, qui reste la region pauvre et sous-peuplee, voire maudite, de l’ensemble colonial francais en Amerique. Lors du traite d’Utrecht en 1713, le roi de France Louis XIV, afin de limiter les conflits locaux avec la colonie portugaise du Bresil, pose les bases de la frontiere entre le Bresil et la France L’expedition de Kourou qui debuta a partir de 1763 est tres mal preparee. Elle fut menee a la demande de Choiseul et dirigee par le chevalier Etienne-Francois Turgot, gouverneur, Jean-Baptiste Thibault de Chanvalon, intendant et Antoine Bruletout de Prefontaine, commandant, pour etablir une vraie colonie d’agriculteurs d’origine europeenne dans les savanes de l’Ouest guyanais. Cependant, cela sera un echec retentissant : presque tous les colons « survivants » s’enfuient de Guyane pour rejoindre la metropole. Seuls restent en Guyane des colons allemands et canadiens, qui s’implantent durablement a Kourou, Sinnamary, Malmanoury, Corossony et Iracoubo, et y fondent une societe originale (et metissee) d’agriculteurs exploitants en Guyane.
dtabaraud
30 Nov 2019Merci Julia…