Au fil de l’eau, carnet n° 5 – 15 mars 2019
« Les jours succèdent aux jours, jamais monotones. Même lorsqu’ils peuvent paraître exactement semblables, ils ne le sont jamais tout à fait. Et c’est cela qui donne à la vie en mer cette dimension particulière, faite de contemplations et de reliefs très simples. Mer, vents, calmes, soleil, nuages, oiseaux, dauphins. Paix et joie de vivre en harmonie avec l’univers ». Bernard Moitessier.
Mercredi 6 février 2019 – Jour de départ transat Mindelo Cap Vert – Recife Brésil – 16°53’N 24°59’W
Journée de départ, journée tant attendue…
14h30. Mindelo. Nous larguons les amarres et nous éloignons du ponton par un vent de face assez fort. La centrale de navigation Garmin fait un caprice au moment où nous l’allumons, la dimension tactile ne fonctionne pas comme à l’habitude. Rien de grave en soi, gênant quand même. Ainsi va la vie du matériel.
15h00. Après avoir positionné l’hydrogénérateur, nous déroulons une partie de GV puis la trinquette. Les 25 nœuds de vent établis nous propulsent à plus de 7 nœuds. Un petit bord vers Santa Antao, l’ile voisine, un empannage et nous sommes en mesure de rallier le premier waypoint situé par 16°40’ Nord – 25° 17’ W. C’est parti pour la transat (nom familier pour transatlantique). Quinze, dix-huit, vingt jours de mer nous attendent avant de rallier Recife. Le temps est superbe, la mer assez belle.
Petit retour en arrière… après huit jours de traversée Canaries – Cap Vert fort agréables, Soa et son équipage sont arrivés à Mindelo, ile de Sao Vicente, le vendredi 18 janvier 2019. Charles a repris l’avion pour la France quatre jours plus tard. Daniel est resté jusqu’au 26. Quelques balades, plusieurs repas en plein air dans les cantines locales à 200 escudos le plat (moins de 2 €), découverte de la « malaguette », l’excellente huile pimentée locale, quelques mojitos… du nettoyage et beaucoup de bricolage.
Cap Vert. Là encore, le printemps/été en hiver. Là encore, la douceur de vivre. Une ville sympa avec ses maisons colorées, ses places, ses marchés aux légumes, son marché aux poissons. Une marina dont les pontons, seulement amarrés sur le fond, se promènent et les bateaux avec. Les journées ont filé.
Marc est arrivé le 26, jour où Daniel est reparti. Le régime fut à peu de choses près, le même. Valérie nous a rejoint le 2 février. Nous avons mis les bouchées doubles pour finaliser la mise au point du bateau, les questions administratives (assurance et autres) et… avitailler. Un gros, long et lourd avitaillement pour lequel mes charrettes de papy et leurs petites roulettes ont fait merveille. Des kilos et des kilos de légumes, de fruits, des dizaines de yaourts (ne nécessitant pas d’être mis au frigo), de la viande pour le bœuf aux carottes (Marc), du poisson pour la soupe (Marc encore), du thon rouge frais pour le plaisir du carpaccio… Tout cela pour compléter les réserves non fraiches que nous avions faites aux Canaries (et nous avions bien eu raison au vu du peu de choix proposés par les toutes petites surfaces locales).
Nous avions initialement prévu de décoller le mardi. N’étant pas prêts, nous partons donc aujourd’hui mercredi, après une matinée active de fin de préparatifs, un apport de trois cents litres de gazole en prévision d’une absence éventuelle de vent lors du franchissement du pot au noir, un solide repas de midi et une petite sieste des familles.
A l’orée de ce départ et après six mois passés en balade, quels sont mes ressentis (coucou Franck) ?
Pour faire simple, un immense plaisir, une non moins immense satisfaction. Un vrai grand bonheur.
Satisfaction d’avoir, depuis très longtemps, œuvré à rendre cette balade dans le monde et cette traversée possibles. L’une et l’autre sont engagées. Soa, du fait des mises au point et améliorations apportées au cours des six mois de navigation écoulés, est opérationnel comme il ne l’a encore jamais été. Lui et moi nous connaissons mieux, je le conduis mieux. Confortable et sûr, il est rassurant et bon marin. Ses quinze tonnes en charge évoluent presque avec légèreté. Sa partie centrale de vie (carré, cuisine) qui permet de voir dehors et donc de surveiller bien au chaud (quarts de nuit notamment) est un régal. Voir la mer, les terres est un bonheur. Sa barre et son cockpit protégés (merci à Antoine qui en a eu l’idée) permettent de naviguer dans les meilleures conditions. Ces choix avaient guidé mon aventure – un peu folle – de concepteur et de constructeur que je suis devenu par nécessité, règles de l’Union Européenne obligent. Satisfaction donc de constater et vivre leur pertinence. Satisfaction d’avoir mené cette partie de projet à son terme, d’avoir rencontré des professionnels de très grande qualité avec lesquels les échanges ont été source d’enrichissements.
Plaisir de cette vie nomade en bateau. Mon premier désir. Cette forme de vie, je la souhaitais, je la savoure pleinement. Cheminer sans urgence, déterminer progressivement ce que sera la route et les destinations futures, découvrir des terres, des lieux, des populations, des cultures, des personnes… Se recentrer sur l’essentiel, assurer sa sécurité, se nourrir, dormir, échanger… Et puis, lire, écouter de la musique, admirer/observer les paysages, le ciel, les levers et couchers de soleil et de lune, tenter de saisir, par la photographie, ces émerveillements…
Plaisir à l’idée d’être au milieu d’un océan. Pas l’Everest ou l’Himalaya, juste l’Atlantique (plus de 5000 m d’eau sous la coque en ce moment). Pas le même effort, pas la même prouesse, mais la même excitation, celle de vivre quelque chose qui sort un peu de l’ordinaire, qui génère quelques poussées d’adrénaline. Se confronter à cette gigantesque étendue d’eau, au silence, à la déconnexion… Se confronter à soi-même (« le voyage fait ou défait » pour les lecteurs fidèles). Pouvoir se dire à soi, pas aux autres, à soi « je l’ai voulu, je l’ai fait ».
Plaisir et fierté. Plaisir et pensées envers ceux et tout particulièrement envers celui qui m’a élevé et m’a donné ce goût de la mer, Gaby. Le marin. Le breton. Un personnage, un grand cœur. Je lui dois beaucoup. Avec lui, j’ai fait ma première marée de pêche en haute mer à bord du Paul Gufflet, un chalutier d’une trentaine de mètres (sa cloche de brume et sa barre à roue sont aujourd’hui dans mon salon à La Rochelle). C’était à Pointe-Noire au Congo. J’avais neuf ou dix ans. C’est là que j’ai eu ma première embarcation, une petite pirogue taillée dans un tronc d’arbre. C’est là que j’ai découvert la voile (un Vaurien, je crois). Gaby trouvait mon projet de construction de bateau très, voire trop, ambitieux. Il en était néanmoins ravi et aurait été fier d’assister à son aboutissement, si la vie lui en avait offert le loisir. Simone, ma mère, m’a toujours soutenu en tout. J’ai eu une chance immense de l’avoir. Elle m’a, en particulier, donné le goût des livres, le goût des mots, le goût de la rigueur. Elle qui n’avait pas fait d’études, avait une maîtrise de l’orthographe et de la syntaxe hors du commun. Elle a contribué à mon goût pour la mer. Je me souviens encore de l’enfant de sept ou huit ans que j’étais à qui elle avait lu, entre autres, « Pêcheurs d’Islande » de Pierre Loti (hommage aux pêcheurs bretons). Pour moi, cette lecture, aura été le marqueur de quelque chose (j’ai prévu de le relire). Elle, a pu voir Soa. Pour la postérité, elle a posé avec lui sur les pontons de La Rochelle. En navigation, je porte son dernier cadeau, ma veste, sa veste de quart. L’un et l’autre ont attendu mon retour de Mayotte (et celui de Caroline) pour mourir dans nos bras. C’est grâce à eux que je suis ce que je suis, que je fais ce que je fais aujourd’hui. Ils ont, l’un et l’autre, mon infinie gratitude.
Après cette digression personnelle dont je ne sais si elle intéressera quelqu’un d’autre que moi, beaucoup plus terre à terre… Pour notre premier diner en mer, après la soupe de poissons maison (Marc), nous attaquons le Maroilles (Marc toujours), un délice pour connaisseurs. Fin et parfumé comme pas deux. Parfait avec le bon pain trouvé sur le tard, à Mindelo.
Nous embrayons ensuite sur les quarts…
Jeudi 7 février 2019 – Jour 1 de transat Mindelo Cap Vert – Recife Brésil – 16°12’N 25°23’W
03h00. Après ceux de Valérie et Marc, mon premier quart de nuit de cette traversée. La mer est belle. Les dix à treize nœuds de vent établis ne nous font pas faire de miracle mais, comme dit Inaya, « ce n’est pas grave ». Ça l’est d’autant moins que nous privilégions le confort et le moins de manœuvre possible durant la nuit. Pour le reste, Orion et la Grande Ours sont fidèles au poste. Leurs petites camarades aussi. Le premier quartier de lune, déjà bien visible, est quasi à l’horizontal. Elle va grossir petit à petit et nous accompagner durant l’essentiel de notre périple. Excellente perspective.
Côté technique, l’affichage tactile de la centrale Garmin continue à faire des siennes. Le moment n’est pas bien choisi mais c’est ainsi. Quelle raison à cela, mystère. Les batteries, elles, font également leur mauvaise tête, le voltage dégringolant de façon totalement anormale. L’hypothèse d’un problème avec le feu de tête de mât, tombe, si je puis dire, à l’eau (nous avions mis les feux de route situés dans le balcon avant et sur l’arceau arrière, pour voir, ça n’a rien changé). Alors, s’ajoutant à la consommation du pilote, une consommation excessive du frigo (qui tourne beaucoup) ? Un Sherlock Holmes de l’électricité serait le bienvenu.
Sur le plan météo, je lance ce matin ma première requête de fichiers vent (GRIB) via la liaison satellitaire que permet le téléphone Iridium. De l’ordre d’un quart d’heure plus tard, une nouvelle connexion permet de le télécharger. Une fois reçu, nous l’analysons en commun avec Valérie et Marc. Quelle route choisir en fonction des vents annoncés sur les trois jours qui suivent ? Telle est la question mon cher Watson. Cette consultation sera ensuite quotidienne.
Lors des connexions Internet, j’en profite pour envoyer un SMS à Caroline (ma fille) qui a charge de le réexpédier ensuite à nos proches. Pour être sûr qu’elle l’ait reçu, je lui demande de m’adresser une confirmation (à l’inverse des requêtes GRIB et des mails, l’envoi et la réception des SMS sont gratuits). J’ajoute systématiquement notre position, ce qui permet aux uns et aux autres de suivre nôtre progression. Rassurant et participatif…
13h00 locales. Petite mousse de thon, tartare de thon rouge, poivrons rouges et verts au wok, melon… eau et vin rouge espagnol… café, petits gâteaux secs. Ça pourrait être pire.
14h00. Sous spi et GV, alors que le vent, depuis la nuit, peine à dépasser les dix nœuds, nous franchissons la barre des 100 premiers milles. Pas mirobolant mais pas catastrophique. La mer est belle, le ciel cotonneux. Cap 210°.
15h00 locales / 16h00 UTC (temps universel, méridien de Greenwich). Nous bouclons nos premières vingt-quatre heures avec 104 milles à l’odomètre (compteur du bateau).
La journée s’est écoulée tranquillement. Nous ne l’avons pas vu passer. Plusieurs lignes de pêche sont à l’eau. Petits, petits…
Vendredi 8 février 2019 – Jour 2 de transat Mindelo Cap Vert – Recife Brésil – 14°44’N 26°01’W
05h30. Dans une demi-heure je replonge au lit. Excellente perspective s’il en est. La mer est belle, le vent faible (8 à 12 nœuds) mais pas totalement absent. Nous avançons doucement. De ses mille éclats, le plancton nous fait la fête. Pour sillage, le bateau laisse des traînées lumineuses avec, à certains moments, l’impression de projecteurs bouillonnants allumés sous la surface de l’eau. Des lumières isolées apparaissent un peu partout. Des plaques de plusieurs mètres carrés parsèment la surface de l’eau. Je n’avais encore jamais rien vu de pareil.
9h00. C’est l’heure habituelle à laquelle je me lève, l’heure à laquelle nous partageons le petit déjeuner (préparé par Marc qui est encore de quart). Premier plaisir, les jus frais d’oranges. En plein océan, plus qu’ailleurs encore, ils sont un délice. Pour le reste, qui du thé, qui du café, qui des deux… Pain et/ou gâteau(x) suivant le cas, confiture bateau (synonyme de confiture maison).
15h00 locales / 16h00 UTC L’odomètre affiche très exactement 200 milles pour nos 48 heures de navigation. Un métronome, ce bateau.
Bonheur contemplatif. Allongé au soleil sur le capot du rouf, je contemple l’océan dont le bleu se mêle harmonieusement à celui du ciel. Le spi, hissé hier matin sur les coups de 9h30, est toujours en place. Peu utile, la GV que nous avions gardée jusque-là, a été roulée. Le vent qui est renvoyé par le spi fait frisoter la surface de l’eau située juste en dessous de lui, au niveau de l’étrave de Soa. Les poissons volants s’en donnent à cœur joie. Ils rivalisent d’énergie pour parcourir les quelques dizaines de mètres correspondant à chacun de leurs envols. Le soleil, cercle précisément dessiné, se perd dans la fine brume posée au loin sur l’océan. Le soir tombe progressivement. Autour de nous, une immense surface mouvante, vivante, partout identique à elle-même, partout différente. Elle est notre horizon, notre espace de vie et de déplacement, notre source d’inspiration, notre respiration. Nous composons avec elle et avec son compère, le vent. Elle et lui faisant preuve de beaucoup de retenue, nous offrent un début de traversée, peu rapide certes, mais tellement agréable et confortable, que nous ne pouvons que les en remercier.
Samedi 9 février 2019 – Jour 3 de transat Mindelo Cap Vert – Recife Brésil – 13° 19’N 26° 09’W
05h00. Je viens de passer une heure et quart de pur plaisir à la barre (moi qui habituellement ne barre quasi jamais). Il fait doux (20°), la mer est belle, le vent réel autour de 10 nœuds (8 en apparent). La barre était douce et facile à tenir. Un groupe de quatre étoiles en forme de losange, plus deux autres plus haut, me servait de repère. Je plaçais celles du haut de chaque côté du génois, l’une d’entre elle trouvant sa place entre le génois et la bordure du spi. J’ai gagné une quinzaine de degrés par rapport au cap que nous avions donné au pilote. Tout cela sous la lumière diffuse mais bien présente, de la voute céleste. A terre, il est rare de voir le ciel ainsi du fait de notre environnement lumineux habituel (sans parler du fait qu’à cette heure, nous sommes généralement couchés). De leur côté, les réacteurs arrière qui me font penser à la traînée des avions de ligne, produisent toujours leur étonnante traînée lumineuse marbrée de bouffées circulaires plus éclatantes encore…
11h00 locales / 12h00 UTC. Nous venons de recevoir le fichier GRIB pour les jours à venir. Le changement dans la continuité tant du point de vue de la force du vent que de sa direction (NE, 10 à 12 nœuds). Cette appellation « nœuds » trouve son origine dans la corde avec des nœuds que les grands navires à voile d’antan laissaient filer derrière eux pour avoir une idée de leur vitesse. Tant de nœuds passés à l’eau en tant de temps… donnaient « x nœuds ». Est ensuite venu le lock (compteur, volant de stabilisation, fusée tournant dans l’eau au prorata de la vitesse). Pour rappel, le nœud équivaut à un mille à l’heure (approximativement 1852 m soit les 40.000 km de la circonférence de la terre à l’Équateur divisés par 360 degrés multipliés par les 60 minutes qui composent chaque degré… 40.000/360×60).
Depuis la jupe arrière, Marc prend son bain de pieds, l’eau est à 25°. Pas mal comme diraient certain(e)s. Habitué à pêcher, il a monté les deux cannes de traîne ces jours derniers. Les deux sont à l’eau équipées de rapalas (hameçons colorés de tailles multiples en forme de poisson). Une mitraillette (fil avec plusieurs hameçons) montée sur paravane (un truc qui fait descendre le fil sous l’eau) complète l’ensemble. Y’a plus qu’à…
12h. Nous recevons les prévisions météo de Michel, notre routeur. Sa proposition de route nous fait aller plus à l’ouest que ce que j’avais imaginé au vu des GRIB de ce matin, ce qui nous obligerait à revenir vers l’est pour laisser l’archipel de Saint-Pierre/Saint Paul sur tribord. Certes il devrait y avoir quelques nœuds de vent supplémentaires par rapport à une route plus directement sud. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Je m’interroge et l’interroge à ce sujet.
Côté Garmin, j’ai reconfiguré la centrale avec ses réglages d’usine dans l’espoir de revenir à un fonctionnement tactile normal… peine perdue. Heureusement, elle fonctionne correctement via le tableau déporté de commande (il était en option, riche idée que celle de l’avoir fait installer). Les surprises matérielles – désagréables – sont permanentes…
13h. Première visite de dauphins depuis le départ. Une douzaine de spécimens de belle taille, certains d’entre eux tachetés de blanc. Ils ont passé un bon quart d’heure à jouer à l’étrave et autour du bateau. Très sympa.
14h. Quatrième et dernier repas de bœuf-carottes… toujours excellent. La « main » de bananes emportée presque jaune et pourtant stockée à l’abri de la lumière, est bonne à finir sans tarder.
15h. Pour nos soixante-douze heures de navigation, nous affichons très exactement 300 milles au compteur. Une régularité à toute épreuve.
19h30. Alors que la nuit est quasi tombée, Marc s’aperçoit que le spi n’est plus en place, et pour cause, il est carrément dans l’eau à côté du bateau. La drisse, coupée net, a lâché. Nous roulons la GV pour arrêter le bateau. Après pas mal d’efforts, quelques inquiétudes quant au fait que le spi soit coincé dans la quille voire l’embase du saildrive (support d’hélice), nous parvenons à le hisser sur le passe-avant bâbord. Le bout qui permet de monter et descendre la chaussette ainsi que l’écoute de spi sont sous le bateau (le spi était établi sur tribord). Nous réussissons à les faire glisser et les récupérons. Première phase réussie. La drisse est effectivement cisaillée une vingtaine de centimètres au-dessus de la manille de tête de spi…
Avant cet épisode inattendu, histoire de fêter le week-end et de garder quelques repères sociaux, nous avions prévu de prendre l’apéritif. Nous passons à l’acte, version ti’punch (rhum blanc ou vieux rhum ambré suivant le cas). Acheté aux Canaries, le chorizo qui l’accompagne est excellent.
Dimanche 10 février 2019 – Jour 4 de transat Mindelo Cap Vert – Recife Brésil – 11° 43’N 26° 34’W
03h. Le vent réel est tombé à 6 nœuds, une misère. Au changement de quart, Marc et moi roulons la GV. C’est parti pour un tour de moteur à la plus grande satisfaction des batteries, l’hydrogénérateur ne produisant rien ou presque, à très faible vitesse.
J’ai vu ma première étoile filante. J’ai fait un vœu à destination d’Inaya.
Suite au problème de drisse de spi d’hier, la matinée fut active. Compte tenu du très petit temps que nous avons (vent faible à très faible), le spi s’avère être un allier indispensable. Une seule solution pour pouvoir l’utiliser, repasser une drisse. Pour la repasser, une seule solution, monter en tête de mât. Je me prépare donc : baudrier d’escalade, longes pour m’assurer, poulie à installer sur l’avancée de la partie ad hoc de la tête de mat, pince, couteau … Me voilà parti, assuré par Marc et Valérie. La drisse de tangon m’assure jusqu’à hauteur de l’étai de trinquette (la plus petite des voiles d’avant), les marches de mât étant d’un précieux secours, la première partie se fait facilement. Sur les trois derniers mètres, je m’assure seul autour du mât, ce qui ralentit sérieusement ma vitesse de progression, mais je ne veux pas prendre de risque. Arrivé en tête de mât, quasi vingt mètres au-dessus du niveau de l’eau, le balan est de plusieurs mètres, ce qui ne facilite pas les choses et nécessite de bien se cramponner (même si je suis assuré). Je parviens au bout de presque vingt minutes, à fixer la poulie à l’aide d’un fin bout en kevlar. Le fil d’Ariane que j’avais emporté avec moi, me permet de hisser la drisse restée sur le pont. Une fois passée dans la poulie, je la renvoie vers le pont. Partie gagnée, il n’y a plus qu’à redescendre. Au total, plus d’une heure d’efforts et une vraie fatigue.
A cet endroit de mon récit, une pensée toute particulière pour VDH (Jean-Luc Van Den Heede) qui durant la Golden Globe Race (course autour du monde qu’il vient de gagner), a dû faire de même, seul, dans des conditions de mer autrement difficiles… Chapeau bas !
Anecdote. Cet homme de 73 ans que j’ai eu l’occasion de rencontrer grâce à Antoine et Céline aux Sables d’Olonne en juin 2017 (il préparait la course), est d’une décontraction et d’une gentillesse incomparables.
Après le déjeuner (civet de sanglier/pâtes/raisins/gâteau), une petite sieste réparatrice plus loin, nous étalons le spi sur le pont pour le dévriller et pour réinstaller correctement la chaussette (« un truc spécial » fort pratique qui permet de libérer ou d’étouffer le spi). C’est dans ce type de situation qu’on mesure vraiment la surface d’une telle voile. La longueur du bateau n’y suffit largement pas. Nos efforts conjugués finissent par venir à bout de la tâche. Un vrai et agréable travail d’équipe. Une fois terminé, nous l’envoyons, désireux de voir si tout est en ordre. Cela semble être le cas. Malgré sa mésaventure, le spi est intact. Soulagement et bonne perspective pour la suite du voyage.
Comme disait mon grand-père maternel, « nous avons gagné notre journée ».
Lundi 11 février 2019 – Jour 5 de transat Mindelo Cap Vert – Recife Brésil – 10° 35’N 27° 18’W
04h45. Je viens de barrer une heure et quart. Le vent est faible, les alizées, à l’instar de certains rois, fainéants. Dames étoiles, mes repères nocturnes, devaient avoir un coup de fatigue, elles étaient un peu pâlottes cette nuit. J’ai néanmoins réussi à me guider grâce à elles. A l’inverse, fidèle compagne du voyageur, la Grande Ours, se détachait nettement dans le ciel.
11h00. Nous remettons le spi histoire de gagner un peu de vitesse. Toujours agréable même si nous sommes obligés de perdre un peu en cap pour qu’il se gonfle correctement.
11h00 toujours, Soa franchit son cinq millième mille nautique (5000 nm/9260 km) depuis sa mise à l’eau.
Dans un tout autre registre je me remets à l’exercice physique… étirements, pompes, abdominaux, bras. C’est bon signe et ça ne fait pas de mal. Les mouvements du bateau compliquent un peu la tâche mais c’est d’autant plus intéressant en termes de travail de l’équilibre.
Pendant ce temps, et c’est tout aussi sérieux sinon plus, Marc prépare une potée…
Séance coiffure. Marc a, d’après lui, les cheveux trop longs. Pour ce qui me concerne, le coiffeur cap-verdien m’a juste fait un trou sur le sommet du crâne. Un vrai raté. Nous passons donc entre les mains de la coiffeuse Valérie, dont on ne sait pas, même si elle dit avoir des lettres de cachet, si elles sont expertes. Ma tondeuse à barbe est l’outil du défi. Courageux, inconscients, les deux… De toute façon, de mon côté, vu l’état du désastre actuel, je ne risque pas grand-chose.
« Faire un tour d’horizon ». Cette formule que chacun connait et parfois utilise, ne peut que rarement se concrétiser dans la réalité quotidienne. Ici, elle prend tout son sens. En tournant sur soi-même, notre regard peut explorer l’horizon sans que rien ne s’y oppose. Immensité d’eau, immensité de bleu que seules quelques crêtes blanches, moutons sautillants et disparaissant aussitôt, viennent perturber. Et le bleu du ciel qui s’en mêle. Sentiment aussi de la toute petite dimension qui est la nôtre au milieu de tout ça !
Mardi 12 février 2019 – Jour 6 de transat Mindelo Cap Vert – Recife Brésil – 9°19’N 27°57’W
Journée spéciale dans ma vie d’homme, celle où je suis devenu père… un autre grand et immense bonheur. Bien plus grand et immense encore que celui de la mer… Très bon anniversaire, Caroline.
04h30. Il fait très doux. La descente vers le sud semble se concrétiser du point de vue de l’amélioration des températures. La différence est très significative, j’en suis ravi.
Dans la matinée, j’ai entamé la lecture de « Naufragé volontaire » d’Alain Bombard. Comme chacun sait, il y relate son expérience de survie en mer (1952). Un morceau d’anthologie et de bravoure en plus d’une réflexion plus philosophique sur la nature humaine. J’avais depuis longtemps prévu de lire cet ouvrage qui fait référence et apporte un éclairage particulièrement intéressant sur ce qui permet de survivre en cas de naufrage et de non-assistance rapide en mer. Au-delà du rôle essentiel de la volonté et du moral, des éléments très pratiques (boire de l’eau de mer, manger du plancton, pêcher…). Incontournable.
De manière plus générale, son propos fait écho à une perception qui est la mienne, être du côté de ses choix, aller au bout de nos engagements, tout faire et tout essayer pour réussir, ne rien lâcher tant qu’un brin d’espoir subsiste. Rien n’est insurmontable si on le désire vraiment… C’est cette conception, cette approche de la vie qui m’a notamment fait concevoir et construire Soa, être là où je suis aujourd’hui, au milieu de ce magnifique Océan Atlantique.
Valérie nous fait le premier crumble de la traversée… Elle le fait très bien et j’adore ça.
Toujours sous spi, nous avons repris de la vitesse. Cent milles de parcourus entre hier 15h et aujourd’hui 15h. On renoue avec notre rythme de déplacement des premiers jours. D’après la météo, ça ne va pas durer…
Mercredi 13 février 2019 – Jour 7 de transat Mindelo Cap Vert – Recife Brésil – 7°34’N 28°29’W
04h. La faiblesse de charge des batteries, pourtant pleines à 100% dans la journée grâce aux panneaux solaires (6 x 100 watts), nous conduit désormais à barrer durant nos quarts de nuit faute d’une production suffisante de l’hydrogénérateur à basse vitesse.
Dans un autre registre, la partie fixe dans laquelle s’engage le pêne de la serrure du tiroir de poubelle, nous a lâché pendant la nuit. Ce tiroir étant incontestablement le plus lourd et le plus sollicité du bord, il va falloir y remédier rapidement afin d’éviter qu’il continue à se balader d’un bord sur l’autre.
Au milieu de ce grand désert bleu, cette vie « d’extra-terrestre » finit par devenir notre quotidien « normal ». Roulis et tangage font partie du lot et sont intégrés, ils ne se remarquent plus ou quasi plus. Nos repères de « terriens » ont disparu, nous sommes un peu « marins ».
Un bel oiseau de mer, brun, nous a fait l’honneur de sa visite ce matin. Grands cercles autour de Soa, plongeons multiples de ravitaillement, vols planés au ras des flots… Marc et moi nous sommes amusés à le prendre en photo. Ce devrait aussi nous permettre de l’identifier une fois arrivés et Internet retrouvé.
15h. En ce septième jour plein, nous bouclons nos sept fois vingt-quatre heures de navigation. Six cent quatre-vingt-onze milles (691) de parcourus depuis Mindelo (quasi cent par jour). Nous sommes passés de 16° 40’ latitude Nord à 06° 43 et, en longitude Ouest, de 25° 17’ à 29° 09’. Cela nous positionne à environ quatre cents milles de l’Équateur que nous envisageons, sur les conseils de Michel notre routeur, d’aborder à l’ouest du 30ième méridien pour éviter l’activité désordonnée de la Zone intertropicale de convergence (dite aussi pot au noir). De ce fait, contrairement à ce que j’avais initialement envisagé, nous devrions passer à l’ouest des iles de Saint-Pierre / Saint Paul, et à l’est de l’archipel de Fernando de Noronha.
Jeudi 14 février 2019 – Jour 8 de transat Mindelo Cap Vert – Recife Brésil – 6°03’N 29°45’W
Nous avons barré à tour de rôle durant la nuit. Même si cela représente une vraie contrainte, je dois reconnaître que j’y prends goût alors que je ne barre quasi jamais habituellement. Les batteries ont étalé et l’appoint du moteur n’a pas été nécessaire, ce qui était le but.
Pour tenir le spi que nous portions depuis trois jours, nous nous sommes un peu éloignés vers l’ouest (240°). Nous venons de l’amener et d’établir la GV et le génois pour rejoindre notre waypoint n° 07, cap au 190°. Cent soixante milles nous en séparent. Nous naviguons entre 6 et 7 nœuds, vent par le travers, ce qui est confortable. Au jour d’aujourd’hui, nous sommes à environ 1100 milles de Recife.
Durant l’après-midi, Valérie et moi poursuivons la préparation des « grab bags » (sacs de survie) complémentaires à celui livré avec le radeau de survie. Ce dernier, adapté à une navigation de plus de 24 heures comprend : rations de nourriture, eau, protections thermiques, crème solaire… Ceux que nous confectionnons en sus comprennent : vêtements de rechange, lunettes de soleil, passeports, cartes bancaires, médicaments, lampes, chargeurs, outils, matériel de pêche, fusées… Les objets à emporter à la dernière minute sont aussi listés : balise de géolocalisation et de détresse, téléphone satellite, VHF portable, ordinateur, réserves d’eau supplémentaires, lampes frontales…
Hier, avec Marc (et Valérie), nous avons longuement évoqué Pointe-Noire, Alger, le Sénégal. Lui et moi avons vécu à Pointe-Noire et à Alger où nous travaillions ensemble. L’évocation des lieux, des personnes, des projets conduits en commun, des anecdotes… constitue des moments forcément très agréables. J’aimerais revenir à Pointe-Noire, ville adorée et fantasmée de mon enfance africaine. Années fondatrices de ma vie par beaucoup d’aspects. Lorsque j’aurai épuisé les plaisirs du nomadisme maritime (ou que je ne serai plus en mesure de m’y consacrer), je prendrai le temps de voir des coins du monde que je n’aurai pu rejoindre avant, celui-là compris.
Hier encore, nous avons entamé le fameux jambon Serrano que nous avions acheté aux Canaries. Vraiment excellent. Dans ce registre, les espagnols sont très forts. Par contre, en dehors du jambon et du chorizo, aucun pâté ou autre charcutaille quelconque.
Pour ce qui est de l’avitaillement dans son ensemble, nous avons prévu large. Les fruits et légumes, stockés dans des caisses aérées à placées dans l’annexe et simplement recouverts d’une couverture, se comportent très bien. Ceux que nous avions mis dans le coffre arrière ont souffert, tout comme les pains que nous avions placés dans un placard à l’intérieur du bateau et qui n’ont pas survécu à l’épreuve de l’humidité. Erreur fatale de débutant.
Depuis deux ou trois jours l’AIS nous indique des cibles… invisibles dans la réalité malgré leur numéro MMSI (identification internationale de chaque navire) et leur supposée proximité. Censées faire 10 x 3 m, elles nous suivent tout en étant réputées immobiles. Pour la part de mystère, il n’y a pas que les OVNI !!!
Tarte à la tomates façon Valérie (excellente), poivrons froids et crumble restants d’hier. Repas de qualité, café italien et Bordeaux rosé frais, compris.
La journée de notre nouveau monde passe encore très vite. L’éloignement physique de la terre et de son quotidien crée un rapport différent au temps, aux choses vécues et ressenties. La césure d’avec « le monde » est quasi absolue, même si ceux qu’on aime restent bien présents.
En attendant, la température commence à monter à l’approche de l’équateur. Pas loin de 30 degrés, et ce n’est que le début. Les cabines ne vont pas tarder à ressembler à des hammams. J’en ai profité pour m’adonner au sport favori de la plupart de mes équipiers… le bain de pieds. Assis sur la jupe arrière, dûment attaché, je laisse mes pieds traîner dans l’eau dont la température affichée est de 28°. D’une parfaite transparence, elle est toujours d’un bleu aussi profond que magnifique. Bien que nous naviguions à plus de six nœuds, la houle qui nous poursuit va plus vite que nous. D’un mètre cinquante à deux mètres, les masses d’eau arrivent par l’arrière, soulèvent Soa puis vont jouer plus loin. Un spectacle en soi.
Vendredi 15 février 2019 – Jour 9 de transat Mindelo Cap Vert – Recife Brésil – 04°12’N 30°17’W
02h30. Au travers, nous avons entamé la nuit tambour battant. Notre vitesse autour de six nœuds permet à l’hydrogénérateur de donner le meilleur de lui-même rendant inutile le fait de barrer. Ça tombe bien, j’ai de l’écriture en retard.
Certains équipages se donnent un objectif de vitesse, une moyenne à atteindre, un timing à tenter de respecter. Rien de tel à bord de Soa. Nous faisons en sorte d’avancer au mieux et nous contentons d’observer le résultat. Nos cent vingt milles d’hier nous ont donné toute satisfaction. Nous sommes actuellement sur le même rythme.
A la suite de son cousin d’hier matin, un autre oiseau nous rend visite. D’une quarantaine de centimètres d’envergure, il est brun avec le cul blanc. Une sorte de sterne ?
Nous avons aperçu deux globicéphales dans l’après-midi, les deux premiers.
Après la trempette des pieds d’hier, à l’initiative de Valérie, la tentation d’une immersion plus complète fait son chemin. Elle en inaugure le principe. En complément de l’échelle de bains descendue, un bout de quelques mètres est mis à l’eau formant une boucle de sécurité. Un deuxième bout, passé autour de la taille, est solidement fixé au bateau. Et c’est parti. Marc et moi prendront la suite. La pression de l’eau est plus forte encore que nous le pensions alors que nous ne sommes qu’à quatre nœuds. L’eau, à 28° est aussi limpide que bonne. Le savon utilisable avec l’eau de mer tient ses promesses. Moment revigorant et réjouissant s’il en est (un rien les amuse à cet âge-là).
A la suite de notre « baignade », nous nous offrons une petite « 1906 » bien fraîche (bière), celle-là même que j’avais découverte à Malpica (Espagne) et que nous avons pu acheter aux Canaries. Assis à l’arrière du cockpit, je contemple mon spi nationaliste. Outre sa couleur bleu-blanc-rouge qui est ce qu’elle est (je ne l’ai pas choisie), sa forme, toute de courbes, est superbe. Guindant, chute et bordure (les trois côtés de la voile) ont chacun une dimension propre. Bien gonflé, il apparait à la fois léger, puissant et majestueux, efficace. Je l’aime…
Diner léger dans le cockpit (chorizo, fromages, yaourts, gâteaux secs). L’océan est calme. La lune est haute et brillante. Il fait très doux.
Samedi 16 février 2019 – Jour 10 de transat Mindelo Cap Vert – Recife Brésil – 02°37’N 30°46’W
02h00. La lune est toujours là, très haute encore dans le ciel. Elle grossit lentement mais sûrement. Elle devrait être pleine dans quelques jours. Nous devrions donc la voir se lever bientôt, sortir de l’eau, comme un soleil nocturne. Le vent est tombé sous les dix nœuds, notre vitesse s’en ressent.
08h00. Mille milles (1852 km) ! Nous franchissons cette barre symbolique sur notre parcours vers le Brésil. Nous entamons désormais la deuxième partie de notre périple. Alain Bombard, dont je viens de terminer le livre, a beaucoup pesté contre l’idée que les alizées étaient constants en force et en direction. En tous cas et pour ce qui nous concerne, sur ces dix premiers jours, ils auront été constants en direction mais beaucoup plus faibles que ce à quoi nous nous attendions. Corollaire, cela nous a permis de bénéficier de conditions très agréables et très confortables de navigation. On ne peut sans doute pas tout avoir…
Nous avons évoqué, hier, notre point d’atterrissage, Joao Pessoa (port de Jacaré) ou Recife. Si l’on opte pour le port, c’est Jacaré. Si l’on opte pour le carnaval, c’est Recife. A combiner avec le départ de Valérie qui suivra notre arrivée et le temps de disponibilité de Marc… Ma préférence va au carnaval et donc à Recife (dont le carnaval est très réputé). Je dois dire que j’avais depuis longtemps choisi le mois de février comme mois de traversée pour justement assister à l’un des célèbres carnavals brésiliens à mon arrivée. A suivre.
Dans la même veine, Saint-Pierre et Saint-Paul n’étant plus d’actualité au vu de notre trajectoire très ouest, nous évoquons l’éventualité de rendre visite à l’archipel Fernando de Noronha. Cela nécessiterait sans doute un léger détour… peu compatible avec les contraintes de temps de Valérie. A suivre également.
09h00. Les nuages qui gagnent du terrain depuis hier, viennent de nous offrir un peu d’eau douce. Cette pluie est la première à laquelle j’assiste depuis novembre et Fès ! Elle n’a que très peu duré. Vu le ciel, d’autres viendront sûrement. Avec les nuages, le vent a retrouvé de l’énergie, nous naviguons autour de six nœuds.
Le ciel est uniformément tapissé de gris. Du plus clair au plus foncé, toutes les variantes sont là…
15h00. Cent onze milles aujourd’hui, nous restons sur le même rythme que les jours précédents.
Samedi soir oblige, apéro, tapenade de Salé (Maroc), rhum. Petit diner frugal de fromages et yaourts. Les nuages dissimulent la lune, bien présente quelques minutes plus tôt. Nos traditionnelles tisanes au gingembre sont prêtes.
Nous entamons la nuit et ses quarts. A ce sujet, je crois avoir déjà dit la difficulté parfois de se lever en pleine nuit. A l’inverse, je ne crois pas avoir suffisamment évoqué, une fois le quart fini, le bonheur de se glisser à nouveau dans les draps… un plaisir immense.
Dimanche 17 février 2019 – Jour 11 de transat Mindelo Cap Vert – Recife Brésil – 00°00’N 31°02’W
04h00 La lune qui éclairait la nuit, est vampirisée puis, longtemps après, relâchée par les nuages. Disparue bien blanche, elle réapparait rouge tendance orange avant de s’esquiver définitivement.
12h20 Par 31° 22’ W (Ouest) nous franchissons la ligne mythique de l’Équateur… 00° 00’ Nord/Sud. Nous sablons le Champagne (apporté par Marc). Rillettes de sardines façon Valérie, confit de porc façon Charles (merci à lui), pommes-de-terre, carottes, navets sautés par mes soins, gâteau aux pommes version Valérie, Tavel rosé bien frais pour arroser l’ensemble. Il fait très beau. Notre terrasse, si j’ose dire, donne plein champ (?!) sur l’immensité bleue de l’océan. La vie est, ici et maintenant, très douce, bonne humeur et discussions philosophiques comprises.
Lundi 18 février 2019 – Jour 12 de transat Mindelo Cap Vert – Recife Brésil – 00°45’S 31°30’W
La nuit, sous l’éclairage ardent de la lune, nous a vus escalader et désescalader la houle. Un coup elle nous soulève, un coup elle nous fait glisser. Le vent faible ne nous permettant pas d’être manœuvrant, nous avons subi son rythme et ses injonctions. Les embardées ont été nombreuses. Bien formée mais longue, ses trois mètres sont malgré cela restés gérables, moyennant une grande attention et des corrections incessantes à la barre. Pas toujours facile quand les yeux ont tendance à se fermer et la tête à dodeliner.
Ce matin, grand soleil, malgré la présence toujours très marquée de nuages. Blanc de blanc, gris de gris, noir ou presque, toutes les nuances sont, à nouveau, présentes. Les formes sont elles aussi des plus variées. Les fameux cumulo-nimbus, aspirateur d’eau et accélérateur d’air hors normes sont bien présents. Leur forme, très large en bas, portant comme une sorte de très haute cheminée vers le haut, est caractéristique. S’en tenir éloigné est toujours une bonne idée.
Sur un autre plan, j’ai retrouvé les températures équatoriales/tropicales de Mayotte, la Réunion, Pointe-Noire dans le temps. J’en suis ravi. Ce sont celles qui me conviennent le mieux. Vivre dehors, vivre en short ou maillot de bain, ma vision basique mais essentielle du premier des bonheurs. Eau à 28°, air à 30, 35… Je revis.
11h00. Après la courte visite d’un groupe de dauphins, deux Fous de Bassan ont tournoyé autour de Soa. Nous sommes à cent soixante milles de l’archipel de Fernando de Noronha. Quelques toutes petites iles en avant-poste du Brésil. Nous nous y arrêterons si les conditions le permettent. Les rejoindre devrait, sauf à utiliser massivement le moteur, nous prendre un temps certain si l’on se fie aux prévisions météo et aux faibles, pour ne pas dire inexistants, vents annoncés. La « pétole », absence de vent, semble devoir être de mise. Nous verrons si telle sera la réalité. Pour l’instant, tout va bien, nous progressons autour de cinq nœuds. Il nous restera ensuite, de l’ordre de trois cents milles.
La journée est encore passée à toute vitesse. Tarte à la tomate à midi, fin du gâteau… café et sieste. Une nouvelle visite de dauphins, un changement de voile, deux grains (pluies) et des douches gratuites… le soir est déjà là.
Les petits quarts du soir que nous avons mis en place il y a quelques jours (une demi-heure chacun avant le début des vrais quarts) donnent satisfaction et permettent une entrée dans la nuit en douceur.
Mardi 19 février 2019 – Jour 13 de transat Mindelo Cap Vert – Recife Brésil – 02°7’S 31°53’W
04h00. Pleine lune dans un ciel très dégagé. Lumière vive et intense.
Deux passagers clandestins se sont invités à bord. Ils ont investi les extrémités du boudin le plus en arrière de l’annexe, chacun à un bout… deux oiseaux dont l’un d’entre eux semble fatigué ou blessé.
Barrer la nuit, par beau temps, sous le regard de la lune… un vrai bonheur.
09h00. Notre jus d’oranges matinal du jour (préparation Marc) sera le dernier, nous avons épuisé notre stock… qui s’est très bien comporté jusque-là. On ne peut pas dire la même chose des grenades… explosées.
Nos deux oiseaux ont quitté le bord de concert ce matin vers 8h30. Bon vent.
Le livre de Kersauson, Ocean’s Songs, que j’ai entamé il y a deux jours, ne m’accroche pas. Si certaines formules sonnent pourtant vrai, son écriture est globalement chargée, pas naturelle du tout. Étonnant pour un homme de la mer (si c’est lui qui l’a écrit ?!).
11h00. Nous sommes à soixante-quinze milles de Fernando de Noronha. Contrairement aux prévisions, le vent est toujours présent, 10/12 nœuds. Compte tenu des accélérations subites sous les nuages, nous avions déroulé la trinquette en lieu et place du génois. Souhaitant arriver de jour, nous la conservons afin de ne pas aller trop vite. Si les conditions se maintiennent nous devrions atterrir demain matin…
Depuis notre entrée dans « le pot au noir » avant-hier, nous n’avons pas rencontré de conditions problématiques, ni pétole complète, ni coup de vent important. Les trois averses qui nous ont gratifié de leur eau fraîche, nous ont fait du bien, en plus de dessaler Soa. Vers 13h, le sens du vent s’est inversé, nous sommes passés du régime des alizées du nord-est (hémisphère Nord) aux alizées du sud-est (hémisphère Sud). Notre basculement dans le monde du Sud est désormais acté.
Quoi qu’il en soit, la ZITC nous aura épargné ses coups de colères et c’est tant mieux. La « Zone de Convergence Inter Tropicale » dite aussi « Pot au noir » est la zone comprise entre les alizés de l’hémisphère Nord et les vents de l’hémisphère Sud. Elle se déplace vers le Nord ou vers le Sud et présente généralement une grande instabilité allant d’une absence complète de vent (pétole) à de fortes rafales imprévisibles (souvent sous les nuages), un plafond nuageux épais et bas, des grains importants (pluie)… Pourquoi « Pot au noir » ? Plusieurs hypothèses à cela (voir l’article du Figaro à ce sujet : http://sport24.lefigaro.fr/le-scan-sport/le-saviez-vous/2016/11/14/27006-20161114ARTFIG00149-vendee-globe-pourquoi-parle-t-on-de-pot-au-noir.php).
16h30. Ayant besoin de virer de bord, Marc propose d’expérimenter la mise « à la cap », ce que nous faisons. Une fois le bateau arrêté, l’idée d’un bain en plein Atlantique s’impose immédiatement. Un bout relié à une bouée est mis à l’eau à l’arrière du bateau par sécurité en plus du fait que l’un de nous reste à bord. Valérie et moi nous baignons en premier. Les quelques longueurs de crawl que nous faisons sont un pur et authentique plaisir… sans parler du fait, qu’ici comme ailleurs, malgré les 4000 mètres de fond, on flotte ! Une petite « 1906 » s’imposait pour fêter ça.
19h30. Le ciel est dégagé, le coucher de soleil magnifique. Une boule rouge pouvant en cacher une autre, une demi-heure plus tard, c’est la lune qui prend le relai et se lève. L’un était orange vif lors de son coucher, l’autre, sortant des eaux, est orange vif aussi. Seule, son élévation progressive dans le ciel la fera blanchir, imprimant un trait lumineux de plus en plus large sur l’océan. Combien de fois ai-je guetté ce spectacle depuis ma terrasse de la Pointe Koungou à Mayotte, attendant cette sortie d’eau à nulle autre pareille ? Une immense émotion à chaque fois renouvelée.
Mercredi 20 février 2019 – Jour 14 de transat Mindelo Cap Vert – Recife Brésil – 03°1’S 32°21’W
04h00 Intense clair de lune. Nos deux oiseaux zigoteaux sont de retour. L’un des deux surtout d’ailleurs, l’autre faisant des apparitions et repartant pour mieux revenir. Peter et Sloan, les a surnommés Marc.
08h30. Fernando de Noronha se devine plutôt que ne se voit, dans la brume légère du matin. Vingt-cinq milles nous en séparent encore. A l’occasion de ce quatorzième jour de navigation, une terre est en vue. La première terre d’un autre continent, la première terre de « l’autre côté » de l’Atlantique. Nous étions bien en mer…
10h00. Quinze milles. Nous distinguons précisément les contours de l’ile ainsi que le « Pico », son pain de sucre en forme de visage. Elle nous apparait comme plus grande que nous ne l’imaginions. Minuscule néanmoins, l’archipel est classé réserve naturelle. Isolé, très au large des côtes brésiliennes, il s’est fait désirer, le vent prenant quelques repos pendant la nuit et ce matin. Ses eaux claires hébergent, parait-il, une faune aquatique d’une grande richesse : dauphins, tortues… requins et autres. Nous devrions voir ça bientôt.
Des paille-en-queue nous rendent visite. Je n’en avais pas vu depuis la Réunion. Belle surprise que ces grands oiseaux blancs à la queue fine et très longue.
https://www.reunion.fr/decouvrir/montagne/faune-flore/les-oiseaux-de-la-reunion/le-paille-en-queue
Le paille en queue (Phaethon lepturus), est l’oiseau emblématique de l’île de La Réunion. Cet oiseau marin à la couleur blanche et aux longues lignes noires, est une espèce protégée qui se niche principalement dans les falaises.
13h00 Découvrir Fernando de Noronha. Découvrir une terre inconnue. De toutes et de loin, la meilleure métaphore du voyage. Découvrir ce qui est inconnu. Deviner d’abord. Cerner les contours, les voir se préciser. Embrasser l’ensemble. Commencer à voir les détails. D’abord, au loin, une ombre, une forme diffuse. Ensuite et très progressivement, des contours qui se précisent. Un chapelet d’ilots bas sur l’eau. Une ile principale plus en relief. Des falaises abruptes. Un doigt levé vers le ciel, le Pico. Beaucoup de verdure partout. Des plages. Des bateaux au mouillage… de transport, de pêche, petits et gros, de promenade. Une dizaine de voiliers de toute nationalité (un seul autre bateau battant pavillon français). Un archipel, une ile, une vision qui s’offre à nous. Le voyage. L’escale momentanée. Profiter du lieu, du moment, des eaux claires et chaudes. S’y plonger avec délice. Admirer le soleil couchant (magnifique), la coloration des nuages. Accompagner la nuit qui s’installe et prend possession de tout. Vivre le moment présent, sans penser à autre chose. Vivre l’éphémère. Voyager. Être au monde. Vivre.
Dans la superbe baie de San Antonio, la soirée fut douce. L’endroit idyllique. Longue baignade autour du bateau dans une eau à 30°. Petit apéritif, soupe maison genre potiron/courge… La lune émergea de derrière l’ile. La nuit s’annonçait bien. Elle fut rouleuse, très, très rouleuse. Sans répit aucun, la houle nous a ballotés d’un bord sur l’autre. Nous qui aspirions à passer une nuit tranquille et confortable en continu !
Jeudi 21 février 2019 – Jour 15 de transat Mindelo Cap Vert – Recife Brésil – 03°49’S 32°24’W
Le soleil est haut pour le petit déjeuner. Fernando De Noronha, éclairée par ses soins sous un autre angle, apparait encore plus verte que nous ne l’avions vue. Quelques passages discrets de dauphins, des oiseaux qui volent tout autour de nous, de nombreux bateaux de promenade, plantent le décor d’une ile paradisiaque.
Tenus par le calendrier, nous levons l’ancre à 11h. Aller à terre avec un timing aussi serré ne présentait pas d’intérêt. Le spi est aussitôt hissé. Nous longeons la côte nord pendant près d’une heure. Un enchantement de verdure, de falaises, de plages, de nature à l’état pure. Des bateaux de promenade toujours, des oiseaux aussi. Le Pico qui nous fait de plus en plus penser à un visage, sous un autre angle. Puis les deux mamelles émergeant de l’eau. A proximité de la pointe Ouest, un trou dans la falaise comme un gros trou de souris entre Nord et Sud.
Huit à dix nœuds de vent. A quatre/cinq nœuds nous nous éloignons de ce lieu qui m’a séduit. Cap au sud-sud-ouest (220°) vers Recife que nous devrions atteindre d’ici quatre jours au vu des prévisions de vent (faible). Nous nous étions interrogés sur le fait de faire escale à Fernando De Noronha. Quelle erreur cela aurait été de ne pas le faire !
Une heure environ après notre départ, enfin, une ligne (de pêche) qui s’emballe. Nous venons de pêcher… notre premier grand oiseau. A force de tournoyer autour de la ligne, il s’est pris une aile dans le fil. Marc parvient à le ramener à bord et, avec l’aide de Valérie, à le libérer. Pas de mal semble-t-il puisqu’il reprend son vol sur le champ.
Nous retrouvons un rythme de navigation qui nous parait être notre rythme… normal, celui du large. Étonnant, non ?!
Durant une bonne partie de l’après-midi, j’ai pris un « bain d’ombre » sur ma terrasse du premier étage, à l’abri de la GV. Suffisamment large pour tenir à trois, cette terrasse est celle du toit du rouf. Seul, à deux, à trois, on peut s’y allonger ou s’y assoir, dos contre le vitrage incliné de la casquette rigide. Très confortable avec qui plus est, une vue imprenable sur l’immensité bleue. Vrai moment de bien-être et de contemplation… l’océan, le ciel et ses nuages aux formes parfois étonnantes, la ronde et les plongeons des Fous de Bassan, le coucher de soleil… D’un instant à l’autre, tout est pareil et tout est différent. L’art naturel dans la splendeur de sa perception instantanée et fugace.
Après la dernière tournée de soupe potiron/courgette, nous entamons le deuxième Maroilles apporté par Marc. Un plaisir gustatif fait de délicatesse et de (fort) caractère, une odeur et un goût qui laissent pantois.
Chaque soir, depuis quelques jours, musique. Tous genres confondus. En complément de l’installation classique (autoradio Fusion + haut-parleurs), l’enceinte mobile Boom 3, associée à une tablette, fait merveille.
22h00. La lune finit par se libérer des nuages (« libérée, délivrée » comme dirait Inaya). Je vais dormir.
Vendredi 22 février 2019 – Jour 16 de transat Mindelo Cap Vert – Recife Brésil – 04°38’S 32°53’W
03h00. La lune est toujours là, le vent s’est sérieusement requinqué. Ses 14/15 nœuds nous permettent de naviguer autour de 6 nœuds, voire plus. Du coup, l’hydrogénérateur fait dans la générosité et couvre les différentes consommations, pilote et frigo compris. Il y a longtemps que cela n’était pas arrivé.
Castor et Pollux (leur autre surnom) sont de retour. Fidèles au poste, nos deux oiseaux clandestins ont repris leurs positions préférées pour la nuit. Ils sont restés posés sur l’annexe, l’un derrière l’autre, sans broncher. Ils sont repartis au petit matin. Les recherches postérieures de Marc nous apprendrons qu’il s’agit de Noddi bruns, oiseau marin tropical de la famille des Laridae, également appelés macoua ou moine. Nom scientifique : Anous stolidus.
Trois caractéristiques pour cette journée du 22. D’une part, nous franchissons la barre des mille cinq cents milles parcourus depuis notre départ de Mindelo. Le Brésil approche, il n’a jamais été aussi près. Nous devrions arriver à Recife après-demain dimanche si nous conservons la faveur du vent. Au cours de ces presque trois mille kilomètres, nous n’aurons vu que deux ou trois bateaux. Nous nous attendions à en voir bien d’avantage et sommes surpris de ce si petit nombre.
D’autre part, Soa et moi, enregistrons nos six mille milles alors que dans le même temps, cela fait sept mois jour pour jour que nous avons quitté les quais de La Rochelle. Sept mois d’une expérience déjà inoubliable, sept mois de découvertes et de rencontres, sept mois qui ont filé tellement rapidement…
15h00. Cent vingt milles. Notre meilleure distance parcourue sur vingt-quatre heures depuis notre départ.
Le vent s’est sérieusement calmé durant l’après-midi. Il semble reprendre de la vigueur ce soir (15 nœuds). Le ciel est uniformément gris, des grains ont été visibles au loin mais, pour l’instant, pas de pluie pour nous. Ça viendra peut-être.
Pour l’apéritif, je nous ai sorti une ou peut-être la dernière bouteille de vin blanc que Pedro nous avait offerte à Malpica. Idéale pour cette heure entre chien et loup où tout est si doux.
Marc évoque le plaisir qu’il a d’utiliser des – vrais – couteaux (les miens, pliants, de poche qui sont à bord et dont je partage parfois l’utilisation). Il dit qu’il s’en achètera pour chez lui.
L’annexe, qui servait de lieu de stockage des fruits et légumes, s’est peu à peu vidée de son contenu. En remplacement, elle accueille désormais les poubelles. Deux sacs de 30 litres de détritus et trois sacs de 10 litres de papier toilette bien tassé, ont pris place aux côtés des bouteilles vides, des boites de conserve et de bières, des emballages en carton soigneusement pliés. Tous les déchets biodégradables sont allés enrichir l’océan…
Sur le plan de la consommation d’eau… 90 litres d’eau de boisson consommés en complément d’environ 250 litres d’eau douce ordinaire (il nous reste 300 litres de cette dernière, de l’eau de source en bouteille pour la première). Nous avons été très raisonnables. L’utilisation de l’eau de mer (douches/bains pour nous, dégraissage vaisselle…) et des douches solaires, nous y a largement aidé.
Samedi 23 février 2019 – Jour 17 de transat Mindelo Cap Vert – Recife Brésil – 06°22’S 33°40’W
Nous avons bien avancé pendant la nuit, ce qui nous rapproche de Recife. A ceci près, que l’idée, sortie d’on ne sait où, germe de poursuivre jusqu’à Salvador de Bahia, quatre cent quatre-vingts milles plus au Sud. Cela correspond à une étape du type La Rochelle – Portugal soit quatre à cinq jours de plus de navigation que Recife. La contrainte travail (Valérie) pèse sur la décision. Salvador offre beaucoup d’avantages. La ville ancienne est réputée sympa, tout comme son carnaval, un des plus grands et des plus populaires du Brésil. Bien abritée, son immense baie propose de nombreux mouillages et plusieurs ports de plaisance dont un en plein cœur de ville. Il y a aussi, bien sûr, un aéroport international… A suivre.
A l’occasion du repas, nous dégustons le deuxième pain réalisé par Valérie. La farine complète utilisée est celle que j’avais achetée au Maroc. Résultat, une belle miche ronde striée d’un dessin en forme d’arêtes de poisson sur le dessus. Excellent.
Le halot lumineux de Recife-Olinda nous tendait les bras… le choix est néanmoins arrêté de rejoindre Salvador de Bahia. Le changement de cap aurait dû, sinon, être effectué au cours de la nuit.
Mécontentement. Un mot ici sur mon ordinateur MacBook non tactile, acheté il y a un an et demi à grands frais. Je suis très, très loin de l’extase habituelle qui semble gagner les aficionados des Mac. Délicatesse avec les disques durs externes, avec certains supports de photos, touche du « L » qui ne fonctionne plus correctement, GPS externe dont il ne veut pas, dossiers auxquels il est très difficile d’attribuer des icônes, unique prise de recharge qui fait des caprices… Courage, fuyons. Ça fait sans doute moins « smart », mais je reprends un PC et Windows dès que possible.
Dimanche 24 février 2019 – Jour 18 de transat Mindelo Cap Vert – Recife Brésil – 08°8’S 34°8’W
Nous poursuivons notre descente vers le Sud et Salvador de Bahia.
Nous profitons d’une averse durant l’après-midi pour prendre une douche gratuite et naturelle sur le pont. L’eau tombant du ciel est nettement plus fraîche que celle qui nous entoure… elle est par contre beaucoup moins salée…
Lundi 25 février 2019 – Jour 19 de transat Mindelo Cap Vert – Salvador Da Bahia – 09°21’S 34°30’W
L’un de nos deux oiseaux visiteurs est revenu, seul, se poser sur l’annexe cette nuit. Où est donc passé son alter ego ?
Lever 9h, heure habituelle pour moi. Elle correspond à trois heures de sommeil après mon quart de nuit. Mer belle, ciel globalement dégagé et très grand soleil. Couleurs éclatantes. En sirotant mon thé favori (Lapsang Souchong, thé noir fumé de Chine), j’entame la lecture de « Si loin du monde » de Tavae, un pêcheur polynésien de 56 ans qui, suite à une panne moteur de son bateau de quelques mètres (coque ouverte), dériva durant quatre mois. Il parcourut 1200 km avant de s’échouer sur l’une des iles Cook. Il n’avait à son bord que cinquante litres d’eau, le seul repas préparé par sa fille, les daurades coryphènes pêchées avant sa panne. C’était en 2002 soit cinquante ans après Bombard et son « naufrage volontaire ». Beaucoup de similitudes dans ces deux expériences hors du commun. La survie face aux éléments, face à la pénurie de boisson et de nourriture. Les connaissances scientifiques et l’idée d’une « mission » pour l’un, le savoir-faire du pêcheur et le soutien de Dieu et des « anciens », pour l’autre. L’extrême difficulté humaine partagée par ces deux hommes que la volonté, malgré la difficulté, a maintenu en vie. Autre leçon.
Beaucoup plus léger. Outre la dimension douche et/ou pieds dans l’eau (version savon pour eau de mer), la jupe arrière de Soa est un endroit idéal d’observation de l’océan et de ses inlassables mouvements. De partout et en permanence, il est animé (aurait-il une âme ?). Apparaissant presque plat et tranquille au loin, on en saisit mieux les mouvements dans une observation de proximité. La houle est souvent double, celle qui vient du large, celle qui accompagne le vent. Les deux s’entrecroisent dans un mouvement incessant auquel Soa et son pilote, sans faiblir, s’adaptent. Les crêtes des vagues blanchissent par-ci par-là apportant une touche différente qui souligne le bleu splendide qui nous entoure et sur lequel elles courent. Le ciel apporte sa touche plus claire… avant de s’embraser au moment du coucher de soleil. La coloration des nuages participe alors à la fête.
Cet environnement qui est le nôtre depuis plus de deux semaines, n’est pas sans effet sur nous. Pour ce qui me concerne il génère une grande décontraction qui, au fil des jours, se teinte d’oisiveté. Pour tout dire, il m’est de plus en plus difficile de me mettre à faire « des choses ».
A l’inverse la lecture colle parfaitement avec cet état d’esprit. Naufragé volontaire, Tavae, Ocean’s Songs viennent compléter ma lecture d’une série de policiers aux intrigues particulièrement bien pensées parmi lesquels Le marchand de sable de Lars Kepler, Quatre souris vertes de James Patterson, Les temps sauvages de Ian Manook. Le talent est partout.
Je me tiens également à ma séance quotidienne de « gym ». Une trentaine de minutes qui complètent parfaitement les sollicitations musculaires permanentes liées au maintien en équilibre.
Dans un autre registre encore, je me suis remis à siffler. J’aime et j’ai toujours aimé siffler (depuis gamin) mais cela ne m’arrive que dans des circonstances particulières de bien-être. La preuve s’il en était besoin, de mon ressenti actuel. Je dois préciser que je n’ai, malheureusement, aucune compétence musicale. Mais alors, vraiment rien de rien. Les mélodies qui me viennent sortent de je ne sais où. J’en reconnais certaines, sans toutefois pouvoir les nommer toutes. Je les mélange sans honte aucune. C’est siffler en soi qui me plait, ça ne va pas plus loin… mais ça me plait bien.
Pour finir avec mes activités, l’écriture de ce « fil de l’eau ». Si certains ressentis s’inscrivent dans la durée et la permanence, il n’en va pas de même de certaines perceptions beaucoup plus fugaces, un lever de lune, le vol plané d’un oiseau, la danse particulière d’un groupe de dauphins, une discussion, une coupe de champagne partagée pour célébrer le franchissement de l’Équateur, un soleil couchant… Dès lors, pour tenter d’en saisir au moins quelques fragments, l’écriture se doit d’être régulière, quotidienne. Elle est plaisir même si mangeuse de temps. Elle est astreinte tout en ne l’étant pas. Elle ne me coûte pas et s’élabore aisément. Je n’ai, bien sûr, aucune prétention littéraire. Alors, pourquoi écrire ? Garder une trace. Mettre des mots sur mon expérience, mes ressentis, les observer à distance. Une forme d’introspection, d’auto analyse. Et puis, partager. Partager avec vous, mes proches, mes amis, d’ici et d’ailleurs. Partager aussi avec ceux qui ont accompagné et/ou ont contribué à mon projet. Partager enfin avec quelques candidats au voyage par la mer qui seraient intéressés… J’ai moi-même beaucoup arpenté les écrits de mes prédécesseurs (la famille Meffre, Banik, Argonaute, Amelcaramel…), à qui je rends hommage pour l’aide précieuse que leurs écrits ont constitué pour moi. Comme le maillon d’une chaîne. Au final, peut-être, transmettre une pulsion de vie, celle attachée à un rêve qui se réalise.
Mardi 26 février 2019 – Jour 20 de transat Mindelo Cap Vert – Salvador De Bahia – 10°31’S 35°16’W
Du fait du spi et de l’allure (vent quasi arrière) la nuit a été active pour chacun d’entre nous (à la barre), Soa ne rechignant pas à glisser rapidement de 10° ou 20° voire plus, tant sur bâbord que sur tribord. Grâce à cela, nous avons bien avancé.
Ce matin, peu de vent mais une journée superbe de bleus et de soleil.
Marc se nourrit avidement du livre « Histoires de partir » sur lequel il a mis la main. Un couple et trois enfants partis sur un catamaran pour une année sabbatique (préfacé par VDH). Y sont évoqués tous les plaisirs rencontrés mais aussi les renoncements auxquels, partir, oblige. Tout choix est fait de renoncements. Heureusement, les mille bonheurs rencontrés conduisent à un solde très positif.
11h00 Somptueux spectacle de dauphins. Des dizaines. Devant, derrière, sur les côtés, partout. Ils ont la mer et son scintillement pour miroir. Toujours un groupe à l’étrave passant de bâbord à tribord dans un ballet ordonné. Coups de queue, accélération foudroyante. On les entend souffler lorsqu’ils remontent à la surface pour respirer. Un groupe plus en arrière s’adonne aux sauts et aux cabrioles, retombant dans un grand « splash ». Je parviens à faire quelques photos pour tenter d’immortaliser ce plaisir des yeux. Pas chose facile que de les saisir en plein vol, mais tellement excitant…
La séance finie, j’en profite pour réaliser un peu de tri dans les dernières photos prises avec le Canon reflex et son zoom (outre le téléphone, j’ai deux appareils photos à bord). Je suis heureux de ma prise, j’ai saisi quelques sauts spectaculaires. Il faut parfois peu de chose pour se réjouir. Du coup, je regarde les photos prises à Fernando De Noronha. Clichés de cette ile magnifique et du mouillage où nous avons passé la nuit, mais aussi, clichés d’oiseaux. Là encore, quelques vols suspendus du meilleur effet. Il va décidément falloir que je trouve le moyen (le temps, l’énergie ?) d’en mettre en ligne sur mon site (qui aura peut-être évolué pendant la transat !?).
Mercredi 27 février 2019 – Jour 21 de transat Mindelo Cap Vert – Salvador Da Bahia – 11°33’S 36°17’W
Dernière journée de plein océan ? Pas bien sûr, vu le peu de vent de cette nuit et son absence complète ce matin. Sauf à finir au moteur mais il reste encore bien trop de route pour ça (150 milles). Les courtes vagues que nous rencontrons forment une mer hachée qui nous ballotte d’un bord sur l’autre. On a connu mieux.
Corollaire de l’absence de vent, la température est étouffante comme elle ne l’avait jamais été jusque-là. Dire que l’on apprécie la protection du toit du cockpit et de ses toiles latérales est un doux euphémisme. Merci Antoine.
Troisième pain aujourd’hui, toujours réalisé par Valérie. Cette fois, avec un mélange de farine complète et de farine blanche. Il est plus aéré et très bon aussi.
15h00. Nous franchissons la barre symbolique des deux mille milles (3700 km) parcourus depuis notre départ de Mindelo. Une centaine nous sépare encore de l’Amérique.
J’ai passé beaucoup de temps aujourd’hui à essayer de classer mes photos. J’ai bien progressé. Si toutes les images me parlent, je ne sais plus parfois dans quel lieu exact certaines ont été prises. Mes « fils de l’eau » vont m’y aider grandement.
Soa est un bateau à étages comme il existe des maisons à étages. Si l’on considère que le pont est l’étage de référence, il est possible de considérer que le toit du rouf, ma terrasse préférée (on s’y allonge, on s’y assoit…), constitue le premier étage et que le toit de la casquette, un siège au second étage. On trouve ensuite au niveau moins un, la terrasse couverte avec vue imprenable sur l’horizon (le cockpit) puis, un cran en dessous, l’intérieur cosy… Pour ne pas en rajouter, je vous fais grâce des entrailles de la bête. Avec tout ça, quand j’entends certaines mauvaises langues dire qu’il n’y a pas de place sur un bateau !
18h00. Le vent est de retour, le spi qui aura incontestablement été LA voile vedette de la transat, aussi. Valérie, Marc et moi excellons désormais à son envoi comme à son affalage (sa descente ou plutôt son étouffement via sa housse appelée chaussette). Il fait et aura fait merveille par vent portant (arrière ou trois-quarts arrière) jusqu’à quinze nœuds. La réinstallation d’une drisse permettant de le monter aura été plus que payante.
J’ai failli oublier la douche en plein air. Grand-petit plaisir s’il en est. Les douches solaires de chez Décathlon sont super efficaces. Nous en avons deux (8 litres), chacune étant posée d’un côté du toit du rouf ce qui permet d’en avoir toujours au moins une au soleil. Nous les remplissons avec l’eau douce issue des réservoirs du bord. Elles sont parfaites pour le rafraîchissement du soir ou le rinçage d’après bain ou lavage à l’eau de mer. Qu’est-ce qu’on dit ? Merci Déca…
Le soleil traînasse encore un peu avant de tirer sa révérence. Pour ce supposé dernier soir et dernier embrasement solaire en mer nous nous offrons un ti’punch version vieux Damoiseau ambré. Nous l’accompagnons… de tapenade du Maroc (achat Salé, novembre, toujours très bonne). Simplement conservée au réfrigérateur, étonnant comme cette préparation dont on se sera largement délectée, aura tenu dans le temps.
Avec la nuit se dévoile la voie lactée. Spécialiste du pavage tout azimut, les portugais doivent y être pour quelque chose. Une splendeur pas du tout éphémère et sans cesse renouvelée. Un peu plus tard, la Grande Ours apparaît, bien visible. Il y a quelques jours qu’elle boudait. Pour finir, le quart de lune survivant nous fera la grâce de son lever et de son « clair » très lumineux encore. Dans le même temps, l’océan, gentiment chahuteur, nous obligera à beaucoup de vigilance sur l’allure portante qui est toujours la nôtre. Nous progressons bien.
Jeudi 28 février 2019 – Jour 22 de transat Mindelo Cap Vert – Salvador De Bahia – 12°43’S 37°34’W
03h00. Les halos lumineux de la côte sont bien visibles, la terre n’est pas loin. On pourrait presque la toucher.
9h30. Notre première vision à distance du Brésil prend la forme de grands immeubles aperçus sur la ligne d’horizon. Cette vision peu avenante génère chez moi, chez nous, des sentiments très mitigés. Il n’y avait, au fond et excepté les contraintes de calendrier, aucune urgence à arriver. Poserons-nous pied à terre la mort dans l’âme ?!
Le temps est superbe, l’océan magnifique. Il nous reste trente milles à parcourir. Le « ronron » du moteur nous accompagne. On fait mieux pour une arrivée de transat. Sans lui, on serait bons pour une nuit supplémentaire à faire des ronds dans l’eau devant Salvador. Malgré nous, le principe de réalité nous rattrape.
10h30. Je viens de mettre une bouteille de champagne au frais. Merci Michèle.
A me regarder dans la glace, histoire d’arriver à peu près propre, je me dis que ma tête a changé. Ma barbe de trois semaines n’y est pas pour rien. Ma coupe de cheveux non plus. Après le trou sobrement créé par mon coiffeur de Mindelo, après le ratiboisage bienvenu opéré par la coiffeuse Valérie, j’ai désormais une coupe à la RB (l’intéressé comprendra). Comme rattrapé par un atavisme familial ! Conclusion… s’il n’y a pas grand-chose à faire pour les cheveux, un petit rafraîchissement de la barbe ne peut qu’être le bienvenu.
11h30. On distingue maintenant, de façon très précise, la terre d’Amérique qui s’offre à nous. La partition qui s’offre à nous, est celle du nord de la baie de « Bahia do Todos os Santos » où Salvador déploie ses trois millions d’habitants. Les immeubles de la baie de La Baule font pâle figure, Robinson, lui, ferait sans doute une crise de nerfs. Ah, les terres vierges…
15h00. Cinq milles de la forêt de « gratte-ciels » comme on dirait ailleurs. Nous n’avons jamais été aussi près. Dans mon esprit, Manhattan doit ressembler à ça.
Cela fait presque une heure que nous avons remis le spi, ça fait du bien de naviguer à la voile. Pour répondre au souhait émis par Marc, nous avons filmé son ouverture lorsqu’on l’a libéré de sa chaussette. Beau spectacle sous le soleil que cette voile qui se gonfle d’un coup d’un seul.
Un remorqueur de haute mer croise au large. Deux énormes porte-containers, pleins au-delà de la gueule, sortent de la rade. Depuis que nous longeons les côtes, nous en avons vus quelques-uns. Deux ou trois seulement sur tout le parcours qui a précédé et, côté voilier, un seul il y a deux jours, faisant route au nord.
Hormis de légers gargouillis, Soa glisse silencieusement sur l’eau. Quel contraste avec la vision qui s’offre à nous. Est-ce la stupeur de cette image, est-ce l’hébétude de la fin d’un beau périple ? Nous sommes quasi muets. L’océan lui-même semble avoir des états d’âme, il a troqué le magnifique bleu profond qui était le sien jusque-là, pour un vert agréable mais néanmoins beaucoup moins seyant. Je crois n’avoir jamais vu autant de tours/immeubles en un même endroit. Quelle place pour la nature et pour l’homme dans tout ça ? Quelle qualité de vie, perdus au milieu de tout ça ?
Nous nous préparons et préparons Soa pour notre accostage au Terminal Nautico, port nord de plaisance de Salvador. L’arrivée est imminente. Bien trop imminente.
18h00. 12°58.3’S 38°30.9W. Trois semaines après notre départ de Mindelo, Soa est de nouveau prisonnier volontaire d’un ponton. Ici s’achève ma, notre transatlantique. Un ravissement. Merci, grand merci à elle et à mes équipiers. Le Roi est mort, vive le Roi. Une nouvelle période de vie commence.
Bonjour l’Amérique, bonjour le Brésil, bonjour le carnaval.
Didier Tabaraud le Fer
Baie de Salvador de Bahia
Le 19 mars 2019
SYNTHESE
Transatlantique. Départ de Mindelo Cap Vert le 07 février, arrivée à Salvador de Bahia au Brésil le 28 février soit 22 jours pour un total parcouru de 2100 milles parcourus (3900 km environ) et une moyenne plutôt basse de 100 milles par jour si l’on déduit notre arrêt de vingt-quatre heures à Fernando de Noronha.
D’un côté de l’Atlantique à l’autre. D’un continent à l’autre, le troisième en sept mois pour Soa et moi.
Parcours initiatique, vivre un rêve, une expérience hors des sentiers battus, celle du grand large, d’un autre monde, d’autres références. Bonheur de cette immensité bleue, du ballet des dauphins et des oiseaux, du jeu du soleil et de la lune.
Fernando De Noronha… une surprise exquise, une ile préservée, magnifique. A voir absolument.
La météo a été plus que clémente, quasi idéale. Notre confort s’en est très positivement ressenti.
L’équipage, choisi avec soins, a été au top, membres (très) bons mangeurs, bons buveurs mais aussi bons marins. Trois, le nombre et la formule gagnante permettant complémentarité, moindre fatigue, manœuvres faciles, chacun trouvant et prenant très facilement et efficacement sa place, sans se marcher sur les pieds.
Soa, excellent support de navigation, tout confort, performances très satisfaisantes malgré un vent globalement faible pour ses quinze tonnes, sa carène plus très propre, son lot de problèmes techniques et matériels (centrale Garmin qui fait la tête au moment où on l’allume pour partir, batteries qui agonisent et nous obligent à barrer la plupart du temps la nuit, hydrogénérateur ne produisant pas suffisamment en dessous de cinq nœuds).
Pour la pêche comme il se dit souvent, mieux vaut garder son argent pour acheter du poisson au marché, c’est bien plus économique et bien plus sûr que d’acheter du matériel dédié… sauf qu’au milieu de l’océan, le marché est loin. Pour faire court, nous rentrons bredouilles !!!
Au final, hors des sentiers battus, une expérience inoubliable. Totalement inoubliable. Celle de l’océan, de son immensité bleue, de son mouvement perpétuel.
Traversée fantasmée et incontournable pour un apprenti marin à voile, cette transatlantique fut un bonheur de tous les instants.